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Economie

Selon nos informations, la filiale française s'apprête à supprimer 50 postes sur 70.
Amazon France expédie ses salariés à Londres

Par Christophe ALIX et Sonya FAURE
mardi 29 juin 2004



jeff Bezos, le PDG américain d'amazon.com, adore finir ses communications aux salariés en forme d'encouragement : «Amazon n'en est qu'à ses débuts... Chez nous, c'est toujours le "day one" Cette fois, pour les trois quarts des salariés du siège de la filiale française du leader mondial du commerce en ligne, c'en est bien fini du day one. Selon nos informations, Amazon France s'apprête à supprimer une cinquantaine des 70 postes de son siège de Guyancourt (Yvelines). Seuls une quinzaine de salariés resteraient en France, à Paris cette fois, dans une surface beaucoup plus petite. Les autres, en majorité, se verront proposer une «relocalisation» en Angleterre tandis qu'une dizaine n'aura d'autre choix que de prendre la porte, avec «des conditions de départ généreuses», affirme l'entreprise. Le PDG de la filiale, Thomas Lot, le troisième en quatre ans, serait sur le départ, selon des employés. «C'est un désinvestissement net du marché français, juge un concurrent, même si, commercialement, ils restent présents.»

«Seule voie». Pour la direction d'Amazon, cette chute des effectifs en France s'inscrit dans un processus de centralisation des activités, autour de ses métiers et non plus par pays. Une tendance déjà observée chez d'autres grands noms du Web présents en France sans effectif ou presque. La France, le plus modeste des marchés d'Amazon, après le Canada, est la première touchée par cette «réorganisation globale». Mais elle concerne également l'Allemagne et le Japon, pour lequel une partie des activités a déjà été relocalisée aux Etats-Unis.

Selon Amazon, cette réorganisation, qui se traduira par de nouvelles économies de coûts, est «la seule voie possible» pour permettre à l'activité française de devenir profitable et de continuer à faire bénéficier ses clients de prix bas.

Un ex-salarié confirme : «Ils recherchent toujours plus de rentabilité, pour être toujours plus performants. Dans les nouvelles technologies, c'est moins compliqué qu'ailleurs : tous les process peuvent être standardisés, ils peuvent facilement supprimer des jobs.» Si les activités de la plate-forme de distribution d'Orléans (une société distincte) et celles liées aux relations avec la centaine de fournisseurs d'amazon France ne sont pas «délocalisables» et donc pas concernées par le plan, les équipes spécialisées dans l'entretien du site et le marketing éditorial (chefs de rubriques et de produits, etc.), qui formaient le gros des troupes de Guyancourt, vont se voir proposer de déménager à Slough, près de Londres. Demain, le responsable du rayon BD pour la France ou DVD pour l'Allemagne travaillera depuis l'Angleterre. Seule l'équipe chargée de la «place de marché», qui permet aux professionnels et aux particuliers de s'acheter et de se vendre entre eux livres, CD ou DVD, reste en France. En forte croissance, cette activité est celle sur laquelle mise Amazon en France pour remédier à des résultats plutôt décevants dans les ventes de produits neufs.

«Ambiance délétère». Depuis plusieurs mois déjà, la société tentait de provoquer des départs, selon des anciens de l'entreprise, qui parlent d'un «turn-over terrible» et d'une «ambiance délétère». «D'avril 2003 à avril 2004, plus d'une vingtaine de personnes sont parties : démission ou licenciement. Tout le monde se sentait sur un siège éjectable. Ils nous ont épuisés.» A la manière d'un rouleau compresseur, les Etats-Unis imposent lentement mais sûrement leur méthode de management : «Un niveau d'exigence très élevé», selon les salariés les plus indulgents. Une «pression hallucinante», une «parano grandissante», pour les plus aigris. Chez Amazon France, chaque département est organisé en pyramide, dont le sommet renvoie directement à Seattle, le siège de la maison mère. «Même pour une manip sur un catalogue, même pour embaucher un stagiaire, il fallait l'autorisation du vice-président international à Seattle», témoigne un ancien chef de service.

Au printemps, le service de la supply chain (l'approvisionnement) avait déjà été placé devant le même choix crucial : l'Angleterre ou le licenciement économique. Sur les huit personnes concernées, une seule avait accepté de rejoindre la filiale anglaise. Les sept autres ont été convoquées ; la direction a décidé d'interrompre leur préavis. Ils sont sortis de la réunion à 16 h 15. A 17 h 15 précises, leurs ordinateurs étaient coupés, selon un témoignage. «Virés en 30 minutes par une boîte que nous avons montée...»

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