Selon nos informations, la filiale française s'apprête
à supprimer 50 postes sur 70.
Amazon France
expédie ses salariés à Londres
Par Christophe ALIX et Sonya FAURE
mardi 29 juin
2004
«Seule voie». Pour la direction d'Amazon, cette chute des effectifs en
France s'inscrit dans un processus de centralisation des activités, autour de
ses métiers et non plus par pays. Une tendance déjà observée chez d'autres
grands noms du Web présents en France sans effectif ou presque. La France, le
plus modeste des marchés d'Amazon, après le Canada, est la première touchée par
cette «réorganisation globale». Mais elle concerne également l'Allemagne
et le Japon, pour lequel une partie des activités a déjà été relocalisée aux
Etats-Unis. Selon Amazon, cette réorganisation, qui se traduira par de nouvelles
économies de coûts, est «la seule voie possible» pour permettre à
l'activité française de devenir profitable et de continuer à faire bénéficier
ses clients de prix bas. Un ex-salarié confirme : «Ils recherchent toujours plus de rentabilité,
pour être toujours plus performants. Dans les nouvelles technologies, c'est
moins compliqué qu'ailleurs : tous les process peuvent être standardisés,
ils peuvent facilement supprimer des jobs.» Si les activités de la
plate-forme de distribution d'Orléans (une société distincte) et celles liées
aux relations avec la centaine de fournisseurs d'amazon France ne sont pas
«délocalisables» et donc pas concernées par le plan, les équipes spécialisées
dans l'entretien du site et le marketing éditorial (chefs de rubriques et de
produits, etc.), qui formaient le gros des troupes de Guyancourt, vont se voir
proposer de déménager à Slough, près de Londres. Demain, le responsable du rayon
BD pour la France ou DVD pour l'Allemagne travaillera depuis l'Angleterre. Seule
l'équipe chargée de la «place de marché», qui permet aux professionnels
et aux particuliers de s'acheter et de se vendre entre eux livres, CD ou DVD,
reste en France. En forte croissance, cette activité est celle sur laquelle mise
Amazon en France pour remédier à des résultats plutôt décevants dans les ventes
de produits neufs. «Ambiance délétère». Depuis plusieurs mois déjà, la société tentait de
provoquer des départs, selon des anciens de l'entreprise, qui parlent d'un
«turn-over terrible» et d'une «ambiance délétère». «D'avril
2003 à avril 2004, plus d'une vingtaine de personnes sont parties : démission ou
licenciement. Tout le monde se sentait sur un siège éjectable. Ils nous ont
épuisés.» A la manière d'un rouleau compresseur, les Etats-Unis imposent
lentement mais sûrement leur méthode de management : «Un niveau d'exigence
très élevé», selon les salariés les plus indulgents. Une «pression
hallucinante», une «parano grandissante», pour les plus aigris. Chez
Amazon France, chaque département est organisé en pyramide, dont le sommet
renvoie directement à Seattle, le siège de la maison mère. «Même pour une
manip sur un catalogue, même pour embaucher un stagiaire, il fallait
l'autorisation du vice-président international à Seattle», témoigne un
ancien chef de service. Au printemps, le service de la supply chain (l'approvisionnement)
avait déjà été placé devant le même choix crucial : l'Angleterre ou le
licenciement économique. Sur les huit personnes concernées, une seule avait
accepté de rejoindre la filiale anglaise. Les sept autres ont été convoquées ;
la direction a décidé d'interrompre leur préavis. Ils sont sortis de la réunion
à 16 h 15. A 17 h 15 précises, leurs ordinateurs étaient coupés, selon un
témoignage. «Virés en 30 minutes par une boîte que nous avons montée...»
eff Bezos, le PDG américain
d'amazon.com, adore finir ses communications aux salariés en forme
d'encouragement : «Amazon n'en est qu'à ses débuts... Chez nous, c'est
toujours le "day one" !» Cette fois, pour les trois quarts des
salariés du siège de la filiale française du leader mondial du commerce en
ligne, c'en est bien fini du day one. Selon nos informations, Amazon
France s'apprête à supprimer une cinquantaine des 70 postes de son siège de
Guyancourt (Yvelines). Seuls une quinzaine de salariés resteraient en France, à
Paris cette fois, dans une surface beaucoup plus petite. Les autres, en
majorité, se verront proposer une «relocalisation» en Angleterre tandis
qu'une dizaine n'aura d'autre choix que de prendre la porte, avec «des
conditions de départ généreuses», affirme l'entreprise. Le PDG de la
filiale, Thomas Lot, le troisième en quatre ans, serait sur le départ, selon des
employés. «C'est un désinvestissement net du marché français, juge un
concurrent, même si, commercialement, ils restent présents.»
http://www.liberation.fr/page.php?Article=219422