L'accès à Internet à haut débit se développe
rapidement grâce aux lignes téléphoniques. Même si de nombreux
abonnés restent encore à l'écart.
L'arrivée en France de la technologie dite de l'ADSL2 +,
commercialisée en premier par l'opérateur Free (Le Monde du
21 octobre) et permettant une connexion à Internet à 15 mégabits par
seconde (Mbps), illustre les ressources d'une technologie qui n'a
pas encore atteint ses limites. Dans des versions ultérieures,
l'Asymmetric Digital Subscriber Line (ADSL), grâce notamment à une
amélioration des techniques de compression du signal, pourra
permettre d'atteindre des débits de 25 Mbps, comme le promettent
certains opérateurs.
Depuis plusieurs mois et sans évolution technologique majeure,
les débits proposés par les fournisseurs d'accès à Internet n'ont
cessé de croître. Dans un premier temps, les offres étaient limitées
à 512 kilobits par seconde (Kbps) ; elles sont rapidement passées à
2 Mbps, puis à 4 et à 6 Mbps. Désormais, les capacités de bande
passante des lignes téléphoniques sont telles qu'elles permettent,
en plus de la connection à Internet, de recvoir des bouquets de
chaînes de télévision numérique et de téléphoner sans payer
certaines communications.
L'ADSL s'est donc imposée comme la technologie majeure d'accès
d'Internet à haut débit en France, profitant notamment du faible
déploiement du câble, contrairement à d'autres pays comme
l'Allemagne ou le Benelux. Pourtant, même s'il passe par le fil du
téléphone, l'ADSL n'est pas, lui non plus, disponible sur tout le
territoire.
Seule une moitié de la population française peut en effet, dans
l'immédiat, bénéficier des dernières offres de connexion à très
haute vitesse. Le principal facteur d'inégalité est la distance
séparant les abonnés de leur central téléphonique. Plus la ligne de
cuivre du téléphone est longue, moins le débit supporté est
élevé.
EFFETS D'ATTÉNUATION
La longueur du câble n'est pas seule en cause. Les capacités de
la ligne dépendent aussi de la qualité du tuyau qui a été posé. Plus
son calibre est élevé, meilleur est le signal. Par exemple, avec une
ligne d'un diamètre de 0,4 millimètre, il faut se situer à moins de
2,5 kilomètres du central téléphonique de raccordement pour
bénéficier des plus grandes vitesses de connexion : 8 Mbps avec
l'ADSL, 15 Mbps avec l'ADSL 2 +. Dès lors que le câble téléphonique
a un calibre très légèrement supérieur (0,5 mm), la distance
critique de 2,5 km passe à environ 3,5 km. Au-delà de 6 km environ,
la ligne n'est plus éligible et ne peut assurer le débit minimum de
512 Kbps.
Quelle que soit la vitesse de connexion des différentes offres
ADSL, le principe technique est identique. Transportée sur le fil de
cuivre, la voix n'utilise qu'une gamme très restreinte de basses
fréquences. Les technologies DSL - dont l'ADSL - mettent à profit
des gammes de hautes fréquences pour transporter le trafic Internet,
qui n'interfèrent pas avec le transfert de la voix.
Pour adapter le réseau téléphonique à cette technique, les
opérateurs doivent installer des équipements - dénommés Digital
Subscriber Line Access Multiplexor (DSLAM) - dans les centraux
téléphoniques. Ces filtres font le tri entre les basses fréquences
de la voix et les hautes fréquences du trafic de données (Internet,
télévision) : ils permettent au réseau de les traiter
distinctement.
C'est l'utilisation - nécessaire - des hautes fréquences qui rend
si cruciale la distance de l'abonné à son répartiteur téléphonique.
Ces signaux ont en effet tendance à s'atténuer plus vite que les
basses fréquences sur les longues distances.
Le déploiement prochain d'une nouvelle technologie sur les
équipements de France Télécom devrait permettre de réduire ces
effets d'atténuation. Prévu pour être progressivement mise en place
à partir du premier semestre 2005, le RE-ADSL (Reach Extended ADSL,
ou ADSL à portée étendue) permettra, selon Jean-Philippe Vanot,
directeur du réseau et du système d'information de France Télécom,
"d'amener la portée moyenne de l'ADSL de 6 km à environ 8 km
autour des centraux téléphoniques".
15 % D'EXCLUS
Comment connaître les capacités d'une ligne ? La majorité des
fournisseurs d'accès disposent, sur leur site Internet, d'un service
permettant d'interroger la base de données de l'opérateur pour
connaître le débit maximal autorisé pour chaque abonné à partir de
son numéro de téléphone.
Toutefois, cette base de données ne contient pas toutes les
informations nécessaires au diagnostic. Car, pour compliquer les
choses, de petits détails de l'installation domestique peuvent
influer sur le débit maximal supporté. Notamment, la présence -
assez aléatoire - de petits condensateurs initialement installés
dans les prises téléphoniques par les techniciens de France Télécom,
est susceptible de réduire les débits ou de provoquer des
déconnexions intempestives... A charge pour les internautes de
traquer et d'ôter ces petits composants, qui ne sont pas nécessaires
au bon fonctionnement de la ligne.
Si des franges importantes de la population française demeureront
exclues du "très haut débit", d'autres, non moins importantes, n'ont
tout simplement pas encore accès à l'ADSL. C'est notamment le cas de
13 % des Français qui, selon l'opérateur historique, sont raccordés
à des centraux téléphoniques pas encore équipés de DSLAM. En y
ajoutant les abonnés dont le central de raccordement, même s'il est
équipé, est situé au-delà des 6 km fatidiques, ce sont au total
environ 15 % à 16 % des Français qui ne peuvent bénéficier de l'ADSL
sous aucune de ses formes.
"A la fin de l'année, nous atteindrons 90 % des lignes
raccordées et 96 % à la fin 2005", tempère toutefois M. Vanot.
France Télécom s'est engagé à équiper la totalité de ses
répartiteurs d'ici à la fin de 2007, raccordant ainsi tous les
Français, dont seuls les 1 % à 2 % situés très loin des répartiteurs
resteront durablement privés de haut débit par ADSL.
Stéphane Foucart
Le maquis du dégroupage
Le dégroupage partiel. Il permet aux opérateurs
alternatifs de gérer la ligne de leurs abonnés jusqu'au raccordement
avec le central téléphonique. Mais ces opérateurs ne prennent en
charge que l'accès à Internet, laissant à France Télécom le trafic
de la voix. Fin octobre, l'Autorité de régulation des
télécommunications (ART) recensait 1 million de lignes en dégroupage
partiel.
Le dégroupage total. Grâce à Internet, les
opérateurs alternatifs peuvent prendre en charge les communications
vocales de la ligne téléphonique. Si l'abonné opte pour le
dégroupage total, il rompt tout lien avec France Télécom et ne lui
paie plus d'abonnement. L'ART recensait, fin octobre, 51 500 lignes
en dégroupage total.
Le non-dégroupage. Dans certaines zones, rurales
ou difficilement accessibles, les fournisseurs d'accès dépendent de
France Télécom et n'accèdent pas directement aux lignes des abonnés.
La concurrence est donc moins forte. Récemment, certains
fournisseurs d'accès (Tele2, Tiscali) ont cessé ou réduit leurs
services dans ces zones, dénonçant les prix de vente en gros de
l'ADSL par France Télécom.
Hausse du nombre de clients, baisse des tarifs
La France affiche la croissance la plus forte d'Europe en matière
de nombre d'abonnés à l'accès à Internet à haut débit, indique la
délégation aux usages d'Internet (DUI). Elle recensait 5 millions
d'abonnés en octobre 2004 contre 800 000 en mai 2002. Cette
explosion doit beaucoup à une forte baisse des tarifs, désormais
parmi les plus faibles d'Europe, avec des offres entre 10 et 20
euros pour un débit de 1 mégabit par seconde (Mbps). Paradoxalement,
une telle envolée des abonnements n'est pas liée à l'attrait des
services qui rendent le haut débit indispensable.
Parmi les nouveaux usages, la DUI cite en effet l'achat sur
Internet - déjà pratiqué par un Français sur quatre - et
l'administration électronique, comme la déclaration d'impôt sur
Internet, adoptée par 1,25 million de foyers en 2004 contre 120 000
en 2002. La délégation vient de publier un "Guide à l'usage des
décideurs et des collectivités territoriales" intitulé : Haut
débit. Pour tous, partout.