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ADSL  : l'exploit du fil de cuivre
LE MONDE | 12.11.04 | 14h47
L'accès à Internet à haut débit se développe rapidement grâce aux lignes téléphoniques. Même si de nombreux abonnés restent encore à l'écart.

L'arrivée en France de la technologie dite de l'ADSL2 +, commercialisée en premier par l'opérateur Free (Le Monde du 21 octobre) et permettant une connexion à Internet à 15 mégabits par seconde (Mbps), illustre les ressources d'une technologie qui n'a pas encore atteint ses limites. Dans des versions ultérieures, l'Asymmetric Digital Subscriber Line (ADSL), grâce notamment à une amélioration des techniques de compression du signal, pourra permettre d'atteindre des débits de 25 Mbps, comme le promettent certains opérateurs.

Depuis plusieurs mois et sans évolution technologique majeure, les débits proposés par les fournisseurs d'accès à Internet n'ont cessé de croître. Dans un premier temps, les offres étaient limitées à 512 kilobits par seconde (Kbps) ; elles sont rapidement passées à 2 Mbps, puis à 4 et à 6 Mbps. Désormais, les capacités de bande passante des lignes téléphoniques sont telles qu'elles permettent, en plus de la connection à Internet, de recvoir des bouquets de chaînes de télévision numérique et de téléphoner sans payer certaines communications.

L'ADSL s'est donc imposée comme la technologie majeure d'accès d'Internet à haut débit en France, profitant notamment du faible déploiement du câble, contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne ou le Benelux. Pourtant, même s'il passe par le fil du téléphone, l'ADSL n'est pas, lui non plus, disponible sur tout le territoire.

Seule une moitié de la population française peut en effet, dans l'immédiat, bénéficier des dernières offres de connexion à très haute vitesse. Le principal facteur d'inégalité est la distance séparant les abonnés de leur central téléphonique. Plus la ligne de cuivre du téléphone est longue, moins le débit supporté est élevé.

EFFETS D'ATTÉNUATION

La longueur du câble n'est pas seule en cause. Les capacités de la ligne dépendent aussi de la qualité du tuyau qui a été posé. Plus son calibre est élevé, meilleur est le signal. Par exemple, avec une ligne d'un diamètre de 0,4 millimètre, il faut se situer à moins de 2,5 kilomètres du central téléphonique de raccordement pour bénéficier des plus grandes vitesses de connexion : 8 Mbps avec l'ADSL, 15 Mbps avec l'ADSL 2 +. Dès lors que le câble téléphonique a un calibre très légèrement supérieur (0,5 mm), la distance critique de 2,5 km passe à environ 3,5 km. Au-delà de 6 km environ, la ligne n'est plus éligible et ne peut assurer le débit minimum de 512 Kbps.

Quelle que soit la vitesse de connexion des différentes offres ADSL, le principe technique est identique. Transportée sur le fil de cuivre, la voix n'utilise qu'une gamme très restreinte de basses fréquences. Les technologies DSL - dont l'ADSL - mettent à profit des gammes de hautes fréquences pour transporter le trafic Internet, qui n'interfèrent pas avec le transfert de la voix.

Pour adapter le réseau téléphonique à cette technique, les opérateurs doivent installer des équipements - dénommés Digital Subscriber Line Access Multiplexor (DSLAM) - dans les centraux téléphoniques. Ces filtres font le tri entre les basses fréquences de la voix et les hautes fréquences du trafic de données (Internet, télévision) : ils permettent au réseau de les traiter distinctement.

C'est l'utilisation - nécessaire - des hautes fréquences qui rend si cruciale la distance de l'abonné à son répartiteur téléphonique. Ces signaux ont en effet tendance à s'atténuer plus vite que les basses fréquences sur les longues distances.

Le déploiement prochain d'une nouvelle technologie sur les équipements de France Télécom devrait permettre de réduire ces effets d'atténuation. Prévu pour être progressivement mise en place à partir du premier semestre 2005, le RE-ADSL (Reach Extended ADSL, ou ADSL à portée étendue) permettra, selon Jean-Philippe Vanot, directeur du réseau et du système d'information de France Télécom, "d'amener la portée moyenne de l'ADSL de 6 km à environ 8 km autour des centraux téléphoniques".

15 % D'EXCLUS

Comment connaître les capacités d'une ligne ? La majorité des fournisseurs d'accès disposent, sur leur site Internet, d'un service permettant d'interroger la base de données de l'opérateur pour connaître le débit maximal autorisé pour chaque abonné à partir de son numéro de téléphone.

Toutefois, cette base de données ne contient pas toutes les informations nécessaires au diagnostic. Car, pour compliquer les choses, de petits détails de l'installation domestique peuvent influer sur le débit maximal supporté. Notamment, la présence - assez aléatoire - de petits condensateurs initialement installés dans les prises téléphoniques par les techniciens de France Télécom, est susceptible de réduire les débits ou de provoquer des déconnexions intempestives... A charge pour les internautes de traquer et d'ôter ces petits composants, qui ne sont pas nécessaires au bon fonctionnement de la ligne.

Si des franges importantes de la population française demeureront exclues du "très haut débit", d'autres, non moins importantes, n'ont tout simplement pas encore accès à l'ADSL. C'est notamment le cas de 13 % des Français qui, selon l'opérateur historique, sont raccordés à des centraux téléphoniques pas encore équipés de DSLAM. En y ajoutant les abonnés dont le central de raccordement, même s'il est équipé, est situé au-delà des 6 km fatidiques, ce sont au total environ 15 % à 16 % des Français qui ne peuvent bénéficier de l'ADSL sous aucune de ses formes.

"A la fin de l'année, nous atteindrons 90 % des lignes raccordées et 96 % à la fin 2005", tempère toutefois M. Vanot. France Télécom s'est engagé à équiper la totalité de ses répartiteurs d'ici à la fin de 2007, raccordant ainsi tous les Français, dont seuls les 1 % à 2 % situés très loin des répartiteurs resteront durablement privés de haut débit par ADSL.

Stéphane Foucart


Le maquis du dégroupage

Le dégroupage partiel. Il permet aux opérateurs alternatifs de gérer la ligne de leurs abonnés jusqu'au raccordement avec le central téléphonique. Mais ces opérateurs ne prennent en charge que l'accès à Internet, laissant à France Télécom le trafic de la voix. Fin octobre, l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) recensait 1 million de lignes en dégroupage partiel.

Le dégroupage total. Grâce à Internet, les opérateurs alternatifs peuvent prendre en charge les communications vocales de la ligne téléphonique. Si l'abonné opte pour le dégroupage total, il rompt tout lien avec France Télécom et ne lui paie plus d'abonnement. L'ART recensait, fin octobre, 51 500 lignes en dégroupage total.

Le non-dégroupage. Dans certaines zones, rurales ou difficilement accessibles, les fournisseurs d'accès dépendent de France Télécom et n'accèdent pas directement aux lignes des abonnés. La concurrence est donc moins forte. Récemment, certains fournisseurs d'accès (Tele2, Tiscali) ont cessé ou réduit leurs services dans ces zones, dénonçant les prix de vente en gros de l'ADSL par France Télécom.


Hausse du nombre de clients, baisse des tarifs

La France affiche la croissance la plus forte d'Europe en matière de nombre d'abonnés à l'accès à Internet à haut débit, indique la délégation aux usages d'Internet (DUI). Elle recensait 5 millions d'abonnés en octobre 2004 contre 800 000 en mai 2002. Cette explosion doit beaucoup à une forte baisse des tarifs, désormais parmi les plus faibles d'Europe, avec des offres entre 10 et 20 euros pour un débit de 1 mégabit par seconde (Mbps). Paradoxalement, une telle envolée des abonnements n'est pas liée à l'attrait des services qui rendent le haut débit indispensable.

Parmi les nouveaux usages, la DUI cite en effet l'achat sur Internet - déjà pratiqué par un Français sur quatre - et l'administration électronique, comme la déclaration d'impôt sur Internet, adoptée par 1,25 million de foyers en 2004 contre 120 000 en 2002. La délégation vient de publier un "Guide à l'usage des décideurs et des collectivités territoriales" intitulé : Haut débit. Pour tous, partout.

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.11.04


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