PSYCHOLOGIE La réalité virtuelle ne se cantonne plus
aux jeux vidéo et investit le domaine médical Le virtuel s'attaque aux phobies
Laval : de notre envoyé spécial Marc Mennessier
[22 avril 2005]
Aux 7e Rencontres internationales de la
réalité virtuelle, à Laval, un sas cube permet d'immerger
graduellement un patient dans un environnement correspondant à son
stress – ici, le vertige – jusqu'à ce qu'il parvienne à
maîtriser sa peur. (Photo Jean-Charles Drouai/Laval
Virtual.)
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D'abord cantonnée au domaine des jeux vidéo, avant de s'étendre à
d'autres applications, comme la conception d'objets industriels ou la
formation de pilotes d'avions (voir encadré), la réalité virtuelle
fait depuis peu une percée remarquée dans le domaine médical, en
particulier dans le traitement des phobies.
Qu'il s'agisse de vaincre la peur du vertige, des araignées, de la
foule, des espaces clos ou de soigner les séquelles d'un traumatisme
(attentat, guerre...), la méthode, présentée cette semaine à Laval, à
l'occasion des 7e Rencontres internationales de la réalité
virtuelle (1), a fait la preuve de son efficacité.
Directrice du Centre de réalité virtuelle de San Diego
(Californie), la psychologue Brenda Wiederhold cite une étude montrant des
taux de réussite de 88% sur des patients incapables de conduire une
voiture après un accident de la route et de 90% sur des sujets (notamment
des pompiers), très marqués par l'attentat du 11 septembre 2001, à New
York.
Le principe consiste à immerger graduellement le malade dans un
environnement virtuel correspondant à la situation génératrice de stress,
jusqu'à ce qu'il parvienne à maîtriser sa peur, ses souvenirs ou ses
émotions. Pas besoin d'emmener l'aérophobique en haut de la tour Eiffel
pour lui apprendre à dominer son vertige, avec tous les risques que cela
comporte, ou d'accompagner l'agoraphobe gare du Nord aux heures de pointe
pour lui redonner goût aux bains de foule : le patient équipé d'un casque
et de gants spéciaux reliés à un ordinateur est confronté aux scènes qui
le traumatisent en toute sécurité sans sortir du cabinet de son
psychologue qui veille sur ses réactions et le guide dans sa démarche.
Il «verra» l'araignée velue descendre du plafond suspendue à un
fil, «entendra» l'explosion de la bombe placée dans la voiture piégée,
«marchera» dans la rue noire de monde. Tout cela en ayant l'impression d'y
être sans y être.
Spécialiste des troubles cognitifs à l'université de Californie du
Sud à Los Angeles, le professeur Skip Rizzo, s'est particulièrement penché
sur le cas des vétérans du Vietnam et des guerres d'Irak. «Beaucoup de
ces hommes souffrent de névrose post traumatique. Ils vivent dans un état
de vigilance permanent, ont des flash-back, se réveillent en pleine nuit,
se droguent et parfois se suicident. On estime que 20% des SDF américains
sont des anciens du Vietnam. Lorsque les soldats reviennent des combats,
il faut s'occuper d'eux. Que l'on soit pour ou contre la guerre.»
Impossible là encore de ramener physiquement le patient dans une
rizière du Mékong ou dans un faubourg de Bagdad. La réalité virtuelle s'en
charge... «Les résultats que nous obtenons sont très encourageants mais
il faut bien garder à l'esprit que cette technique n'est qu'un outil. Elle
ne remplacera jamais, à elle seule, les compétences du médecin ou du
psychologue», poursuit Skip Rizzo qui travaille sur la réalité
virtuelle depuis une vingtaine d'années.
Très développée aux Etats-Unis, la méthode a fait des émules en
Europe, notamment en Espagne et en Italie où le professeur Guiseppe Riva,
de l'Université catholique de Milan, tente de l'appliquer au traitement
des troubles alimentaires. Ces patientes (il s'agit en majorité de femmes)
ont une mauvaise perception de leur corps. Les boulimiques, par exemple,
ont souvent l'impression fausse de ne pas maigrir : la réalité virtuelle
les encourage à poursuivre leur traitement.
En comparaison, la France accuse un net retard. «Dans notre
pays, où l'approche psychanalytique est prépondérante, les thérapies
cognitives ou comportementalistes ne sont pas vues d'un très bon oeil»,
constate Evelyne Klinger, ingénieur en télécommunications qui prépare
actuellement une thèse sur ce sujet à l'ENST de Paris. Les expériences
étrangères prouvent pourtant que la réalité virtuelle permet de traiter
des sujets qui, auparavant, refusaient se soigner.
En outre, il n'y a pas que la psychothérapie. La technique est aussi
employée en neurologie, par exemple, pour rééduquer les victimes
d'attaques cérébrales (frapper des ballons virtuels qui passent devant les
yeux) ou pour faciliter et améliorer le diagnostic. Elle permet également
de réduire la douleur en «distrayant» le sujet. Des expériences ont montré
que lors de prises de sang effectuées sur des enfants, les jeux de réalité
virtuelles sont bien plus efficaces que la projection d'un simple dessin
animé...
(1) Salon Laval Virtual, place de Hercé, à Laval (Mayenne). Journées
ouvertes au public : samedi 23 et dimanche 24 avril.

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