Claire Quilliot
LE MONDE | 13.08.05 | 14h11  •  Mis à jour le 13.08.05 | 14h11

laire Quilliot a été retrouvée noyée, vendredi 12 août, dans l'étang de Tyx, sur la petite commune de Saint-Avit (Puy-de-Dôme). Elle était âgée de 79 ans.

La veuve de l'ancien sénateur et maire (PS) de Clermont-Ferrand, Roger Quilliot, avait fait part, le 10 août, à l'une de ses proches de son intention de se suicider. Dans la soirée, les gendarmes l'avaient interceptée près de l'étang de Chancelade, toujours dans la région des Combrailles. Conduite chez des amis, elle avait clairement renouvelé son souhait de mettre fin à ses jours. Elle avait de nouveau disparu dans la soirée de jeudi.

Agrégée de lettres, Claire Quilliot avait été abondamment citée dans les médias durant l'été 1998. Le 17 juillet, elle avait tenté de se suicider en même temps que son mari, mais, réanimée par les secours, elle lui avait survécu. Dès lors, elle était devenue une sorte de porte-parole du droit au suicide, essayant de donner corps à la conviction qu'avait exprimée Roger Quilliot dans une lettre-testament. "Nous comprendra-t-on si je dis que notre choix commun de la mort volontaire à deux est un acte à la fois de liberté et d'amour de la vie dans sa plénitude ?" , s'interrogeait l'ancien ministre du logement (1981-1983), inquiet de la dégradation de sa santé. "Puisque de toute façon la mort gagne, tant vaut-il l'affronter ensemble et debout, vivants, puisqu'il faut l'être pour affronter la nuit."

"Notre lettre d'adieu, que tous deux nous trouvions si claire, ne devait sans doute pas l'être assez" , avait par la suite estimé Claire Quilliot. "Nous ne l'avions pas écrite pour avoir notre nom dans les journaux mais pour témoigner à deux que la mort peut se regarder en face, qu'elle est l'aboutissement normal de la vie, qu'au lieu de subir les féroces caprices du Destin, le temps de la retraite venu, il est loisible de préférer choisir soi-même le jour et l'heure. Un message de confiance, en somme ; d'autant que par la même occasion nous prouvions, sans y avoir songé, que l'amour peut durer plus de cinquante-trois ans."

Pour occuper ce qu'elle appelait sa "seconde vie, non un retour à la précédente après un coma" , Claire Quilliot avait entrepris de faire publier les deux tomes des Mémoires de son mari (Odile Jacob, 1999 et 2001). On y découvrait le parcours politique d'un homme du Nord. Avant de devenir maire de Clermont-Ferrand (1973-1997), Roger Quilliot avait été, à la charnière des années 1950-1960, le principal animateur du groupe d'études doctrinales de la SFIO et le responsable de la confrontation idéologique avec le PCF.

Claire Quilliot a également consacré ses dernières années à un essai sur Primo Levi (Primo Levi revisité , Odile Jacob, 2004). La thèse centrale du livre porte sur les raisons qui ont conduit l'écrivain italien à se suicider.

"Qu'est-ce qui pouvait être "pire qu'Auschwitz" à Turin, au printemps 1987 ?" , questionne-t-elle. Elle y répond en citant Pascal. "Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres (...) et sans espérance, attendant leur tour. C'est l'image de la condition des hommes." Face à cela, la mort volontaire semblait à Claire Quilliot une manière de "ramener une espèce d'optimisme" .


Manuel Armand
Article paru dans l'édition du 14.08.05