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Monde

Le projet de Big Brother de Blair inquiète l'UE
Londres envisage de conserver les données sur les appels, les SMS et les mails.

Par Armelle THORAVAL
vendredi 09 septembre 2005



Londres de notre correspondante

tout aussi déterminé que Tony Blair à renforcer l'arsenal des mesures antiterroristes après les attentats de Londres de juillet, Charles Clarke, le ministre britannique de l'Intérieur, accueille depuis hier ses homologues de l'Union européenne à Newcastle pour un conseil informel. Plat de résistance de cette réunion : convaincre les 25 pays membres de placer toutes les conversations téléphoniques, le courrier électronique et les SMS sous surveillance de longue durée.

Le projet mis sur la table par le Royaume-Uni, et soutenu par la France, la Suède et l'Irlande, a été mal accueilli par la Commission et le Parlement européen. Il ne s'agit pas d'enregistrer les conversations mais de conserver toutes les données sur les appels : d'où, quand et à qui a été passé un coup de fil. Même chose pour les mails. Les désaccords portent sur le fond. C'est la mise en place d'une surveillance tous azimuts et une atteinte aux libertés publiques, argumentent les détracteurs du projet. Autre point de controverse, l'argent : qui doit payer pour la mise en place d'un Big Brother généralisé, les opérateurs de télécoms ne voulant pas assumer les coûts ? Enfin, les délais : faut-il conserver les données six mois, un an, voire plus ?

Exclu de l'initiative, le Parlement réclame un autre texte. Venu mercredi à Strasbourg exposer ses vues aux eurodéputés, Charles Clarke s'est attiré de nombreuses critiques. Dont celles du centriste français Jean-Marie Cavada, président de la Commission des libertés civiles, qui l'a invité à «reconsidérer ses propositions hâtives en matière de rétention des données et [à] coopérer de bonne foi avec le Parlement en vue d'une solution plus mesurée et mieux adaptée». Outre la conservation des données téléphoniques, Clarke a un autre cheval de bataille. Cet été, Tony Blair a signifié que c'en était fini de la tolérance du royaume à l'égard des islamistes et des prédicateurs extrémistes. Pour faire le ménage, Londres a engagé des négociations avec la Jordanie, l'Algérie, le Liban afin de leur réexpédier «ses» indésirables. Mais la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) protège tout individu contre une expulsion qui pourrait conduire à des tortures ou à des mauvais traitements. Devant les eurodéputés, Clarke a remis en cause la CEDH, estimant qu'il fallait tenir compte des «circonstances du monde moderne». Une diatribe en fait surtout destinée aux magistrats britanniques, avec lesquels le gouvernement a maille à partir depuis des mois. L'équipe Blair, qui veut montrer sa fermeté, redoute autant la vigilance de la Cour européenne que celle de ses propres juges, qui appliquent avec rigueur les principes européens. Le sort d'une dizaine de détenus dans la prison à Belmarsh, soupçonnés d'activités terroristes, avait été l'occasion d'une guerre ouverte avec les hauts magistrats britanniques l'an dernier, guerre perdue par le gouvernement. Cette fois, Clarke et Blair veulent gagner.

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