|
|
Reportage
Son pilote avait fait preuve de prudence,
Fly Air le licencie
LE MONDE | 01.09.05 |
14h07 • Mis à jour le 01.09.05 | 15h17
ppliquer le principe de précaution peut-il
être un motif de licenciement ? Le commandant de bord Peter Thys a tout lieu de
le croire. La compagnie aérienne turque Fly Air l'a licencié, vendredi 26 août,
deux jours après qu'il eut "choisi la prudence", dit-il.
Mercredi 24 août, le commandant décide de revenir poser son A
300 d'urgence à Orly pour un problème électrique identifié quelques minutes
après le décollage. A 22 h 50, l'appareil est prêt à repartir, mais les quelque
230 passagers en partance pour Djerba ont peur de remonter à bord et passent
une nuit à l'hôtel.
Par un courrier, daté du 26 août et envoyé par fax à
l'intéressé, la Fly Air précise, laconiquement :" Vous n'avez pas suivi
les termes du contrat. Vous n'avez pas suivi les procédures de la compagnie et
les devoirs assignés. Vous mettez la compagnie en difficulté financière."
M. Thys, lui, a une autre version. "Par téléphone, mon
employeur m'a dit que je posais toujours des problèmes",
explique-t-il. Il est vrai que sa réaction a déclenché pour la compagnie turque
une succession d'événements fâcheux. Dans la matinée du 25 août, les services
français de l'aviation civile inspectent l'appareil qui appartient à Fly Air
mais est affrété par la compagnie Karthago Airlines et décèlent une fuite de
carburant. L'avion sera immobilisé jusqu'au 26 août après-midi. Ces mêmes
agents français mettent Fly Air sous surveillance. Ils contrôlent par surprise,
le lendemain, un autre A 300 en provenance d'Antalya. Là encore, problème. Deux
pneus ne sont pas aux normes et certaines procédures d'exploitation ne sont pas
satisfaisantes. L'avion ne pourra repartir que le dimanche soir.
Le commandant de bord Thys a-t-il fait du zèle, le 24 août, en
revenant se poser à Orly ? "Une panne de générateur électrique ne
constitue pas un danger immédiat pour le vol, explique-t-il. Mais elle
m'aurait obligé à voler à plus basse altitude, ce qui consomme plus de
carburant. Je ne sais pas si j'en aurais eu assez jusqu'à Djerba en cas d'autre
aléa." "J'aurais fait la même chose", affirme, anonymement,
un commandant de bord, qui a volé 12 000 heures sur ce type d'appareil. "L'avion
est vieillissant. Cette panne n'était pas un 'no-go' [un problème qui
empêche l'avion de partir], mais c'est une décision de prudence."
Commandant de bord sur un avion, le A 300 B4, qui n'est plus
guère utilisé en Europe de l'Ouest, M. Thys est désormais un pilote nomade qui
propose ses services à de petites sociétés utilisant cet ancien modèle, comme
Fly Air.
Il rentre jeudi 1er septembre à Athènes, son lieu
d'attache, et ne compte pas en rester là. "La compagnie Fly Air évite
désormais la France avec mon ancien avion, qu'elle a fait atterrir dès lundi à
l'aéroport milanais de Malpesa", précise-t-il. L'ENAC, l'autorité de
l'aviation civile italienne, confirme que cet avion, immatriculé TC FLE, a bien
été autorisé à atterrir, lundi 29 août, à 15 h 30. Contactée, la compagnie Fly
Air n'a pas voulu répondre à nos questions.
Laure Belot
Article paru dans l'édition du 02.09.05