| Emploi > Y a 
            (presque) plus marqué La Poste... (4): Des petits... |  
        
            |  
        
          Y a (presque) 
            plus marqué La Poste... (4) : Des petits détails au grand 
            changement dimanche 1er mai 
            2005
  
            Témoignages d'une employée d'abord, d'un usager 
            ensuite, et enfin, une opération testing à la banque La Poste, qui 
            prépare si bien l'avenir...
  Valérie, trieuse : 
            « Le courrier, ils s'en foutent. »
  « Je 
            suis entrée là-bas depuis cinq ans, au tri des courriers. Comme 
            contractuelle, maintenant, on ne passe plus de concours, ils ne 
            recrutent plus de fonctionnaires. La différence, c'est que je suis 
            payée 1 000 euros, en gros, et qu'un collègue touche 1 700 pour le 
            même boulot. Tant pis pour le salaire. J'ai demandé à rencontrer 
            la DRH parce que je m'ennuyais, je voulais évoluer. Avec mon bac +5 
            en lettres, j'espérais, je ne sais pas, peut-être collaborer à la 
            presse interne, Forum, Jourpost, tout ça... Finalement, tout le 
            mois d'octobre, on m'a mise en formation au guichet. Avant de passer 
            l'écrit, le chef m'a convoquée avec une cadre de La Poste pour un 
            oral blanc. J'ai marqué un désaccord sur le lot d'enveloppes : 
            des clients m'avaient dit "C'est de la vente forcée" et j'approuve 
            complètement. Donc, je le confie à la cadre et elle me lance : 
            "On ne vous demande pas de penser mais d'appliquer les consignes." 
            Quand on te réclame dix timbres, il faut fourguer dix enveloppes. 
            Pareil, quand les commerciaux lancent leur "saison", ils appellent 
            ça : quelqu'un veut envoyer un colis, hop, tu lui remets un 
            "Chronopost". Faut une moyenne de un tiers, toutes les trois 
            opérations au moins un PVA, et l'ordinateur affiche tes résultats. 
            Avec cette mentalité-là, je préfère retourner au tri... Une 
            collègue, fragile, qui exerçait à moitié dans le ménage, à moitié 
            comme trieuse, la direction lui a supprimé son poste. La seule 
            proposition qu'on lui a offerte, c'est "guichetier-vendeur". Tu 
            imagines, après des décennies de boîte ? Jamais on ne fera ce 
            coup-là à un fonctionnaire, mais à une contractuelle, c'est ça ou 
            dehors. Idem pour une autre dame, qui travaillait dans une 
            cantine : on l'a reclassée chez nous mais elle vit dans la 
            peur, l'évolution des choses la déstabilise et elle craint d'être 
            mutée au guichet... Y a que la vente, maintenant. Le courrier, 
            ils s'en foutent. Mon chef le dit clairement : "je m'en fous". 
            On ne reste plus que deux au tri, trois auparavant, et lorsqu'il 
            manque du personnel, ils préfèrent mettre une personne de plus à la 
            vente. De toute façon, notre centre sera bientôt supprimé, tout le 
            courrier partira à la caserne Dejean, et ensuite on parle de 
            déplacer tout le tri sur Arras. D'un côté, ils 
            "contractualisent". De l'autre, ils filialisent, ils 
            externalisent : les colis, par exemple, ils ne sont plus gérés 
            par La Poste. C'est Coliposte. Les gens nous confondent, mais ça n'a 
            rien à voir, alors ils se plaignent auprès de nous parce que, 
            souvent, pour gagner du temps, les gars de Coliposte avisent 
            d'office. On en riait, la dernière fois : même les imprimés de 
            la Poste, pour les recommandés par exemple, ils sont livrés dans nos 
            bureaux par des boîtes extérieures. Express80, je 
            crois... »
  Des petits pigeons ordinaires La 
            banque de Sylvain, c'est La Poste. Son livret A étant saturé, il se 
            rend chez son conseiller financier, rue des Vergeaux, à 
            Amiens : « Il me propose d'ouvrir un compte avec des 
            actions en bourse. Moi, je ne boursicote pas du tout. Mais il me 
            parle de spéculation garantie, comme quoi la bourse ne ferait que 
            monter, au pire, elle stagnerait... Je décide de mettre 20 000 FF. 
            Il me dit "non, non, 30 000, c'est mieux." Va pour 30 000. J'en ai 
            perdu la moitié, il me reste 15 000... - Mais comment tu t'es 
            laissé convaincre, sans connaître un peu les cours de bourse, tout 
            ça ? - Bof... Dernièrement, je regardais une émission sur 
            France 3, ils utilisent une méthode dite "harpon". Je me suis fait 
            harponner quoi... A cette époque, la bourse plafonnait avec la bulle 
            Internet notamment, mais ils savaient que ça allait se casser la 
            figure. Il fallait donc des gens qui ne pigent pas tout pour acheter 
            des actions. Je me suis dit que je pouvais faire fructifier mon 
            compte, même un peu, ça aide... J'ai ouvert un compte en août 2001, 
            et sans mentir, une semaine après, la bourse baissait, et elle n'a 
            cessé depuis... Cet enfoiré de conseiller m'avait quand même 
            recommandé de ne pas prendre d'actions Wanadoo qui venaient d'être 
            lancées. Elles sont passées de 19 à 3€ ; en quelques mois... Au 
            début, tu perds 200, 300 balles, ça va encore, mais après, c'est 
            2000, 3000... Pour moi, bon, c'est pas non plus toutes mes 
            économies, 15 000 FF, quand même, je sais pas ce qu'en t'en penses, 
            ce serait le prix de ton voyage en Transsibérien... - Ouais, ça 
            me ferait mal... - Et encore, j'ai pas souscrit leur contrat cinq 
            ans, je peux le retirer à tout moment, mon fric. Mais finalement, 
            t'es tenu, parce que t'espères toujours les récupérer, tes sous... 
            Je pense aux petits vieux qui se sont fait avoir, toute leur 
            retraite, envolée, c'est... - Mais je croyais que La Poste, 
            c'était la banque des plus défavorisés... - Au départ, c'est pour 
            ça que j'étais là-bas, mais maintenant, il faut que ce soit 
            rentable, alors les mecs sont formés pour que ça rapporte, alors ils 
            baratinent, et ça marche. On doit être des millions dans ce 
            cas... »
  On a testé pour vous....  Au vu de 
            cette histoire, j'ai décidé, moi aussi, pour vous, de tester les 
            « Cofis ». Les conseillers financiers. Je m'asseois dans 
            son bureau, et un tourbillon d'« options » 
            m'assaille : compte courant, épargne logement, assurance-vie, 
            Plan d'Epargne en Actions, carte Adésio, Visa, Réalys... Ça se 
            confond dans ma tête. L'ouverture d'un compte courant, option 
            Bagoo, pour les moins de 25 ans me donne droit, pêle-mêle, à une 
            assurance de perte ou de vol de mon porte-monnaie, mes papiers, mes 
            clefs, mon portable, un magazine d'informations tous les mois, un 
            accès Internet à mes comptes, mais aussi d'autres services, pour un 
            peu plus cher, avec ma carte Adésio : à chaque retrait dans un 
            distributeur La Poste, hop, j'ai des points fidélité, et peut-être, 
            en fonction, à une réduction sur ma prochaine cotisation. Et puis 
            aussi, la complémentaire Santé pas si terrible, l'accident vie, 
            utile, j'adore voyager, une mutuelle avec plein d'avantages, un plan 
            d'épargne en action, oui oui, même si je ne boursicote pas, je peux 
            y placer, allez, 15€ ; minimum, avec en supplément, une option 
            « rente viagère défiscalisée », et ça aussi « c'est 
            l'avenir, parce que nos retraites aujourd'hui, c'est 50%, alors 
            autant prévoir... » Moi qui réclamais juste un petit compte, 
            ce que je retiens, c'est qu'il vaut mieux ouvrir plein de comptes, 
            avec un montant minimal sur chaque, « au cas où », 
            « en option », « parce qu'on ne sait jamais », 
            « il faut préparer l'avenir ». C'est la dernière phrase 
            qu'il m'a lancée, en sortant : « Je dis toujours "il faut 
            préparer l'avenir." » Pas au point de me proposer, pour mon 
            anniversaire (25 ans aux fraises), « Séralys Premiers 
            frais » qui garantit le « règlement des premières dépenses 
            en cas de décès »... 
  François Ruffin et Aline 
            Dekervel Fakir 
            n°24 (mai/septembre 2005)
  Dossier : "Y a (presque) 
            plus marqué La Poste..."
   Y a (presque) plus marqué La Poste... (1): Le nouvel 
            esprit du service public | 
            01/05/2005
   Y a (presque) plus marqué La Poste... (2): La fabrique 
            des bateleurs | 01/05/2005
   Y a (presque) plus marqué La Poste... (3): Une Poste 
            pour riches? | 01/05/2005
   Y a (presque) plus marqué La Poste... (4): Des 
            petits détails au grand changement | 
            01/05/2005
 
 
 
  |     |