La bibliothèque numérique de Google dénoncée par cinq grands éditeurs américains
LE MONDE | 24.10.05 | 14h08  •  Mis à jour le 25.10.05 | 14h03
Los Angeles de notre correspondante

ix mois après l'annonce de son projet de grande bibliothèque numérique, la société Google est poursuivie en justice par l'Association of American Publishers, au nom de cinq grands groupes d'édition : McGraw-Hill, Pearson Education, Penguin Group USA, Simon and Schuster et John Wiley and Sons. Cette plainte s'ajoute à celle, intervenue en septembre, de la Guilde des auteurs (Authors Guild), au nom de huit mille écrivains américains publiés, pour "violation massive du copyright".

La propriété intellectuelle est au coeur d'un conflit qui embarrasse le moteur de recherche le plus populaire de l'Internet. Google, installé à Mountain View (Californie), vient d'annoncer un bénéfice net trimestriel multiplié par sept ­ - 382 millions de dollars entre juillet et septembre pour un chiffre d'affaires quasi multiplié par deux, à 1,58 milliard de dollars.

Google Print souhaite numériser autant de titres que possible, sauf quand les ayants droit s'y opposent, par simple notification écrite. Les éditeurs estiment que c'est à Google d'obtenir l'autorisation préalable. "Les auteurs et les éditeurs comprennent le rôle du moteur de recherche et pensent que les bibliothèques constituent une excellente ressource, a déclaré Patricia Schroeder, la présidente de l'AAP, mais le résultat est que Google cherche à gagner des millions de dollars en parasitant le talent et la propriété des auteurs et des éditeurs."

En août, face aux critiques des bibliothèques et des maisons d'édition, Google a interrompu sa numérisation des livres sous copyright jusqu'au 1er novembre, mais entend reprendre à cette date la copie des oeuvres protégées. "Nous croyons en Google Print, plaide David Drummond, vice-président du développement, l'histoire de la technologie est pleine d'avancées qui ont d'abord rencontré une forte opposition avant d'être largement acceptées."

Ce conflit avec des auteurs et des éditeurs n'affecte pas la seconde branche du projet Google Print : la numérisation de livres appartenant à des bibliothèques et qui sont tombés dans le domaine public (plus de cent mille titres déjà numérisés). Pourtant, Sidney Verba, directeur de la bibliothèque de l'niversité Harvard, s'attend à un ralentissement de la numérisation prévue de quarante mille livres. "Je n'avais pas anticipé pareille confusion", dit-il.

TOUS LES MOTS D'UN AUTEUR

En dépit de cette controverse, un bon nombre d'éditeurs américains, dont Springer, Warner Books, Harper Collins, Barrons, Cambridge University Press, ont fourni leurs textes à Google, estimant que l'indexation de tous les mots d'un auteur ­ - une première dans l'édition ­ - favorise l'accès des livres au public, puis les ventes de livres.

Des maisons d'édition européennes ont signé avec Google : Grupo Planeta et Grupo Anaya (Espagne), Springer Science & Business Media (Pays-Bas), Giunti Editore (Italie). Sur le nouveau site français http://print.google.fr/, où la fonction "recherche avancée" permet une recherche par éditeurs, les premières maisons d'édition de langue française à indexer leurs livres sont les Presses de l'université De Boeck et les éditions de l'Eclat.


Claudine Mulard
Article paru dans l'édition du 25.10.05