L'accès
Internet : une obligation de résultat pour les FAI
(10/08/2008)
Le
consommateur peut il se plaindre de l'interruption de sa connexion Internet
lorsqu'il a souscrit un contrat d'abonnement à un tel service ?
La réponse à cette interrogation est délicate, compte tenu des paramètres
techniques liés à l'accès Internet. Plusieurs facteurs, parfois indépendants
des fournisseurs d'accès Internet (FAI) peuvent provoquer une telle
interruption : rupture des câbles de fibre optique sous marins, travaux de
maintenance des câbles... Le consommateur doit alors prendre son mal en
patience en attendant la fin des travaux qui conditionnent le rétablissement de
sa connexion. Justement, ce délai d'interruption peut être plus ou moins long,
ce qui peut donner lieu à des réclamations.
Pour désamorcer ce problème, les FAI ont pris l'habitude d'inclure dans leurs
contrats d'abonnement des clauses d'exonération de leur responsabilité : aucune
garantie expresse ou implicite n'était donnée quant à la continuité
ininterrompue de la connexion Internet, les FAI s'engageaient seulement à
fournir "leurs meilleurs efforts" pour assurer la fourniture de
l'accès au service (ce qui correspond à une obligation de moyens).
Plusieurs décisions de première instance ont condamné de telles clauses comme
étant abusives, considérant à l'inverse que la connexion Internet est une
obligation de résultat incombant aux FAI : TGI Paris, 5 avril 2005 affaire Tiscali ; TGI Paris, 21 février 2006 affaire Free ; TI
Cherbourg, 12 juillet 2007 affaire AOL.
Par un arrêt du 8 novembre 2007 (UFC
Que Choisir c/o AOL),
Cette décision importante entraîne deux conséquences : pour le consommateur,
elle renforce ses droits quant à l'exécution de la prestation souscrite ; pour
les FAI, elle accroit leur responsabilité et les oblige à modifier les termes
de leurs contrats d'abonnements.
1. Le consommateur a
droit à une connexion Internet continue
Désormais, en matière de contrats d'accès Internet, l'abonné est en droit
d'exiger de son FAI un service permanent et continu. Toute interruption voir
tout mauvais fonctionnement constituera un défaut d'exécution de la prestation
par le professionnel, susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.
En effet, l'arrêt considère que l'accès au service constitue une "obligation essentielle justement qualifiée
d'obligation de résultat" et que le fournisseur ne peut "limiter sa responsabilité et exclure a priori toute
garantie en cas d'utilisation du service". Le principe est donc celui d'une connexion Internet
ininterrompue excluant même tout dysfonctionnement ou mauvaise performance du
service par rapport à ce qui a été effectivement souscrit par l'abonné.
Il semble dès lors logique que le consommateur puisse réclamer une compensation
pour la période ou il n'aura pu bénéficier du service.
Seuls deux cas d'exception permettent au FAI de s'exonérer de sa responsabilité
:
·
le fait du cocontractant
: si l'interruption du service est liée à une faute du cocontractant, la
responsabilité du fournisseur ne peut être engagée. Tel est le cas par exemple
si le consommateur a fait une mauvaise installation de son équipement.
·
la force majeure : elle doit être
imprévisible, irrésistible et extérieure aux parties selon le tryptique classique. Celle-ci a pu être caractérisée dans
le cas de dégroupage totale, lorsque la défaillance de l'opérateur historique
empêche le FAI de délivrer le service ; dans ce cas cette défaillance est une
cause étrangère constitutive d'un cas de force majeure pour le FAI, l'exonérant
de toute responsabilité (juridiction de proximité de ).
La force*Courbevoix, 7 novembre 2006, se
basant sur l'article 15 de
2. Le FAI doit revoir ses contrats
d'abonnement.
Toute clause limitative de responsabilité sur la question de l'accès Internet
devra être bannie des contrats FAI.
Dans l'affaire AOL, la clause sanctionnée était rédigée comme suit, sous la
rubrique "Responsabilités"
: "Vous reconnaissez, notamment compte
tenu de la nature même du réseau donnant accès à Internet et des interventions
nécessaires pour assurer son fonctionnement et sa qualité, qu'aucune garantie quelle qu'elle soit, expresse ou
implicite, notamment quant à l'absence d'interruption ou d'erreur du service
d'AOL ou aux performances et résultats découlant de l'utilisation de celui-ci
ne vous est donnée par AOL. En particulier, AOL
ne peut offrir et n'offre pas la garantie que vous pourrez vous connecter au
service AOL ou et quand vous l'aurez choisi pour des raisons et contraintes liées au réseau
lui-même. Toutefois, AOL fera ses meilleurs efforts pour assurer la fourniture de l'accès au service AOL".
Une telle clause est abusive. Désormais, la rédaction insufflée par l'arrêt de
Le FAI doit également s'engager sur les
performances du service souscrit : Cette obligation découle de
la décision commentée mais également de
l'arrêté du 16 mars 2006 relatif aux contrats de communications électroniques.
Ce dernier leur fait obligation de mentionner dans leurs contrats "le niveau de qualité minimum garanti pour chacune des
caractéristiques techniques essentielles définies dans l'offre, telles que le
débit, la capacité, ou toute autre caractéristique susceptible d'être
mesurée". En clair : une offre Internet 2 mégas doit
préciser que le débit minimum garanti est par exemple de 1 méga.
La conséquence est que tout service d'un débit inférieur au débit minimum
garanti pourra entrainer la responsabilité contractuelle du fournisseur.
La preuve d'un débit inférieur pourra utilement être établie lors de
téléchargement dans des conditions normales d'utilisation. Bien évidemment, le
contenu téléchargé devra être licite, et (faut il le rappeler ?) ne pas porter
atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
Sulliman Omarjee
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