Publié le 20/09/2008 à 11:55 - Modifié le 22/09/2008 à 08:10 Le Point.fr

INFO LEPOINT.FR - Loi audiovisuelle : Sarkozy veut deux lois au lieu d'une

Par Emmanuel Berretta

INFO LEPOINT.FR - Loi audiovisuelle : Sarkozy veut deux lois au lieu d'une

Nicolas Sarkozy et Patrick de Carolis © BELZIT JEAN-PIERRE / SIPA

Les derniers arbitrages concernant le projet de loi audiovisuelle sont tombés, vendredi 19 septembre, au palais de l'Élysée. Vers 18 heures, Nicolas Sarkozy recevait Christine Albanel (ministre de la Culture), Christine Lagarde (ministre de l'Économie), Yves Jégo (secrétaire d'État chargé de l'Outre-mer), Jean-Paul Faugère (directeur de cabinet de François Fillon), Claude Guéant (secrétaire général de la présidence) et son adjoint François Peyrol.

La réunion était très attendue car le texte ( dont la version du 12 septembre a suscité un certain émoi ) méritait des éclaircissements.

1. L'article sur le maintien de Patrick de Carolis sera précisé

Christine Albanel a plaidé auprès de Nicolas Sarkozy le maintien de Patrick de Carolis au poste de PDG de France Télévisions jusqu'à l'achèvement de son mandat en août 2010. La ministre a expliqué que son éviction faisait courir un risque politique majeur. Carolis, lâché dans la nature, deviendrait rapidement un opposant, le symbole même de l'indépendance des médias menacé d'étouffement. Le Président s'est agacé de ses arguments mais il a fini par valider le texte.

L'article 22 de la loi sera, du reste, remanié de manière à ce que la prolongation du mandat de Patrick de Carolis soit explicite. Cette tâche va exiger quelques jours supplémentaires.

Ceci dit, une fois la loi adoptée, rien n'empêchera le président de la République de révoquer le pdg de France Télévisions quand bon lui semblera. Il le pourra dans les formes définies par la loi, à savoir, par décret en conseil des ministres avec avis conforme du CSA et approbation des commissions culturelles des deux chambres du Parlement. Des garde-fous dont personne ne sait s'ils seront bien utiles...

Autre hypothèse : la démission de Patrick de Carolis. Le président de France Télévisions n'a pas caché que si l'État ne lui donnait pas les moyens financiers de mener ses réformes, il s'en irait fin septembre (voir ses déclarations sur RTL) . Nous approchons à grands pas de la fin septembre et ses négociations avec Bercy sont qualifiées "d'horribles" par un proche du dossier. "Pour l'instant, il n'a pas l'argent qu'il réclame", souffle-t-on à l'Élysée. "Alors qu'il démissionne..." D'autres sont moins tranchés : "Il est vrai que pour l'instant ses positions et celles de Bercy sont assez éloignées mais je suis certain qu'elles finiront par se rapprocher. C'est l'intérêt de tout le monde."

2. Deux lois et non une seule

Le président de la République a manifesté le désir de scinder la loi audiovisuelle en deux lois. Celle qui serait consacrée à l'entreprise unique et à la nomination du pdg de France Télévisions serait distincte de celle qui supprime la publicité et prévoit les compensations financières. Pourquoi cette distinction ? Nicolas Sarkozy entend, au fond, séparer les deux débats. La loi supprimant la pub lui paraît plus "positive" que celle instituant une entreprise unique (porteuse d'un plan social) et modifiant le pouvoir de nomination du pdg ( porteuse d'un risque d'inconstitutionnalité et d'une longue polémique). Le chef de l'État a d'ailleurs émis des doutes sur la nécessité d'une entreprise unique pour France Télévisions. Christine Albanel a plaidé que c'était pourtant la seule façon de moderniser le groupe public... De toute façon, les deux lois seront débattues dans le même calendrier au Parlement.

3. Sarkozy exige un changement de l'exposé des motifs

C'est la principale exigence du Président : l'exposé des motifs qui précède la loi va être totalement modifié. La rédaction actuelle déplaît au Président car elle n'insiste pas assez sur l'objectif culturel de la loi. Il souhaite que le nouveau texte reprenne les grands thèmes du nouveau cahier des charges de France Télévisions qui fait la part belle à la musique, au théâtre, aux livres... Bref, Sarkozy veut un exposé des motifs plus lyriques et moins techniques. Et tant pis si le Conseil d'État (qui sera consulté pour avis) n'apprécie guère que l'on introduise de la littérature en préambule d'un texte de loi...

Cette nouvelle rédaction va exiger un énorme travail et va donc retarder, là aussi, l'envoi du texte finalisé au CSA et au Conseil d'État. Un retard préjudiciable, au vu du calendrier serré du projet qui doit être examiné à l'Assemblée le 18 novembre et au Sénat le 9 décembre. Du coup, l'examen des textes a été retardé au 15 octobre (et non plus au 8 octobre).

4. Sarkozy arbitre entre Albanel et Yves Jégo

Depuis quelque temps, le secrétaire d'État à l'Outre-mer s'est fait le défenseur des groupes privés en outre-mer au point d'obtenir que la publicité soit supprimée sur RFO (filiale de France Télévisions) dans le projet de loi. Christine Albanel a bataillé contre cette idée qui aurait laissé sur le carreau 60 personnes travaillant pour la régie pub de France Télévisions en outre-mer. "Il aurait été impossible de les reclasser à Paris", confirme-t-on chez France Télévisions.

Nicolas Sarkozy a tranché : la publicité sur RFO sera maintenue jusqu'à l'extinction du signal analogique outre-mer (2012). Et ce n'est qu'ensuite qu'elle sera supprimée. Un jugement de Salomon qui semble satisfaire et Yves Jégo et Christine Albanel. La ministre de la Culture sort de cette réunion en ayant sauvé 60 emplois dans les Dom-Tom...

5. On ne change rien au reste

La totalité des autres dispositions ont été validées par le président de la République : suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions après 20 heures dès le 5 janvier 2009 ; instauration d'une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées et d'une taxe de 0,9 % sur le chiffre d'affaires des abonnements des opérateurs des télécom et les FAI ; indexaction de la redevance audiovisuelle sur l'inflation ; dérégulation de la publicité sur les chaînes privées en application d'une directive européenne ; seconde coupure publicitaire dans les oeuvres de fiction sur les chaînes privées...

À lire aussi :
- le contenu de la future loi audiovisuelle
- le gouvernement craint l'inconstitutionnalité

11 COMMENTAIRE(S)

zamana

Emplois dans les DOM-TOM

dimanche 21 septembre | 23:15

« La ministre de la Culture sort de cette réunion en ayant sauvé 60 emplois dans les DOM-TOM... » écrivez-vous, avec un ton ironique. Je suis mal placé, étant collaborateur de RFO, mais il faut savoir tout de même que dans la plupart des collectivités d'outre-mer, la suppression de la télévision sur la télé publique revient à la mort programmée d'annonceurs, donc d'entreprises. En Polynésie, en Calédonie, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, les entreprises privées et les institutionnelles ne disposent que d'un seul et unique écran pour vanter leurs produits ou diffuser leurs messages. Il est vrai que dans les autres territoires, la concurrence avec RFO-Télé est réelle : à La Réunion, une chaîne privée hertzienne (Antenne Réunion), dont l'audience est égale à celle de RFO ; en Guadeloupe, deux chaînes sur le câble et le satellite (La Une, Canal 10) et une autre sur le câble (TV Eclair) mais RFO reste largement majoritaire ; en Martinique, une chaîne privée hertzienne (Antilles Télévision) et deux chaînes câblées (LCL/KMT et Zouk TV/LCC) mais RFO reste largement majoritaire. En Guyane, il existe une chaîne privée hertzienne et sur le satellite (Antenne Créole Guyane) mais son audience est nettement plus faible que celle de RFO. En clair : supprimer la pub sur la télé publique revient à menacer le tissu productif de nos pays. Et puis, maintenir 60 emplois de personnels hautement qualifiés qui contribuent à l'équilibre budgétaire d'une entreprise publique relève-t-il vraiment de l'ironie ? D'autant que le chômage dans nos pays oscille entre 20 et 30 %. Dommage de se moquer quand on ne sait pas. Mais peu importe, nous sommes habitués, dans les lointaines contrées d'outre-mer, à la condescendance, à l'indifférence. P.S : depuis la révision constitutionnelle de mars 2003, il convient désormais de parler de « collectivités d'outre-mer » et non plus de « DOM-TOM » [...]

db722

Entre télévision d'Etat et...

dimanche 21 septembre | 19:52

... télévision pour l'Etat, y'avait pas le feu au lac ? Une déclaration à la va-vite, tout le monde s'emballe, un dossier improvisé, qui va payer quoi, pas de concertation. Il y avait des dossiers plus urgent à régler, plutôt que les empiler.

renata

Loi audiovisuelle

dimanche 21 septembre | 18:35

Cher internautes, au lieu de vous défouler sur les problèmes de la télévision publique, c'est déjà fait, vous paierez encore et encore, par la redevance et parce que les opérateurs d'Internet taxés eux-mêmes sur leurs produits répercuteront les taxes sur nous ; allez plutôt voir l'article consacré au Sénat, là il y a à dire et à se rebeller !... C'est bizarre, sur cet article, il n'y a que 8 commentaires ! à l'heure où j'écris ces lignes ! les caisses sont vides, pas pour tout le monde !

ma7889

je rêve

dimanche 21 septembre | 11:44

La gauche le voulait, ils ne l'ont pas fait faute de courage, et maintenant que Sarko prend les choses en main les amputés du cerveau discutent. Une réforme identique est pourtant appliquée en GB et la BBC est satisfaite... Cherchez l'erreur !

RobertVnt

On croit rêver !

samedi 20 septembre | 23:55

Gloire à Mme Albanel qui a sauvé 60 emplois outre-mer, et pourquoi pas en étendre cette bataille en métropole ? J'aime bien aussi l'argument visant à garder M. De Carolis : si on s'en sépare, il risque de faire des dégâts. Bizarre comme argument. On aimerait surtout entendre parler du parachute doré. Enfin, on aimerait bien savoir à quoi sert la publicité. Nous expliquer que tel ou tel produit est mieux pour vous. Je préférerais moins de pub, et payer les produits moins cher. Les arguments, ça plane. En plus il faut beaucoup de travail pour corriger tout cela. On se moque de nous.

Debussy

Pourquoi des chaînes publiques ?

samedi 20 septembre | 22:56

Quel est l'intérêt du citoyen à payer pour des chaînes publiques ? C' dans l'air sur la Cinq est la seule émission intéressante et formatrice. Les deux nouvelles émissions littéraires sont d'une médiocrité affligeante. Où sont les opéras du temps de Marcel Jullian, les concerts classiqes, les émissions qui nous aident à approfondir nos connaissances dans différents domaines, nous aident à abandonner nos préjugés. Patrick de Carolis n'a pas rempli son contrat.

ML

Remarques

samedi 20 septembre | 19:36

Bref Otello, je m'en réjouis car moi je suis inquiéte en voyant la façon dont Sarkozy gére la France... sur beaucoup de sujets et notamment l'audiovisuel pour ce qui concerne cet article.

ml

Rectification

samedi 20 septembre | 19:34

Oui c'était réducteur Otello. Mes parents étaient à gauche mais ils ont voté sarkozy.. comme beaucoup de personnes de leur classe d'âge. Je constate un vrai mécontentement qui monte chez les personnes indécises... qui fera la différence. De toute façon les sondages indiquent un vrai recul de Sarkozy... c'est ce que je veux dire... surtout chez les indécis...

otello

ML

samedi 20 septembre | 17:45

Vous avez raison, vos parents ne sont pas contents et bien qu'ils votent pour la gauche... Ce n'est pas grave, chez moi, c'est l'inverse, ils étaient de gauche et sont maintenant pour Sarkozy, ça fait la balance...

gerardclermont

Idée !

samedi 20 septembre | 13:47

Une seule solution : Baptisé la taxe audiovisuelle Taxe Sécurité sociale et versez cette manne pour les comptes de santé publique et privatiser France Télévision (société qui mange les finances des contribuables pour du vent !)

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