Publié le 12/09/2008 à 11:48 Le Point.fr

EXCLUSIF - Loi audiovisuelle : le gouvernement craint l'inconstitutionnalité

Par Emmanuel Berretta

EXCLUSIF - Loi audiovisuelle : le gouvernement craint l'inconstitutionnalité

François Fillon © WITT/SIPA

Selon nos informations, la loi sur l'audiovisuel public (qui doit organiser la suppression de la publicité sur France Télévisions) a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale du 18 novembre prochain. Un délai très serré compte tenu du fait que le gouvernement a déjà reporté par deux fois son examen en conseil des ministres du 25 septembre au 8 octobre, alors que la loi est censée entrer en vigueur le 5 janvier 2009. Jean-François Copé, le président du groupe UMP, en sera le rapporteur. En privé, il se dit confiant dans la tenue des délais. Le gouvernement s'attend à un recours de l'opposition devant le Conseil constitutionnel, ne serait-ce qu'en raison du nouveau mode de désignation du président de France Télévisions (le pouvoir en a été retiré au CSA au profit du gouvernement).

Ce dernier point pose, en effet, question : est-ce un recul des libertés publiques ? Dans ce cas, le juge constitutionnel pourrait censurer cette disposition. Le débat traverse la stricte opposition gauche-droite et anime jusqu'aux cénacles gouvernementaux. La question de fond est la suivante : l'exécutif peut-il traiter France Télévisions comme n'importe quelle entreprise publique et y faire la pluie et le beau temps ? La rupture du cordon ombilical entre l'État et les chaînes publiques a été organisée en France depuis 1982 par la création d'une autorité administrative indépendante sous différentes appelations (Haute Autorité, CNCL, CSA...). Il faut bien le dire, ces différentes autorités n'ont eu bien souvent d'indépendantes que le nom... N'empêche, aux yeux du droit constitutionnel, elles constituent une avancée. Le gouvernement et le Parlement peuvent-ils revenir en arrière et reprendre ce qu'ils ont concédé il y a maintenant 26 ans ?

L'avis du Conseil d'État va éclairer Fillon et Sarkozy sur la constitutionnalité du projet

Même le gouvernement en doute. En marge du projet de loi que lepoint.fr s'est procuré , nous pouvons lire la mention suivante qui en dit long sur les appréhensions de l'exécutif : "La dégragation des garanties légales des principes de valeur constitutionnelle (même relative) que constitue la désignation du pdg de France Télévisions par décret en lieu et place de la nomination par le CSA, à considérer qu'elle ne soit pas censurée en elle-même par le Conseil constitutionnel, pourrait peut-être - afin de limiter les risques (effet cliquet) en la matière - être "compensée" par un moindre rôle de l'État sur la gouvernance de France Télévisions."

Fort de cette analyse, le gouvernement a donc baissé, dans le projet de loi, le nombre de représentants de l'État au sein du Conseil d'administration de France Télévisions (de 5 à 4) et a augmenté le nombre de ceux désignés par le CSA (de 5 à 8). Si bien que les administrateurs désignés par le CSA disposeraient, à eux seuls (à supposer qu'ils s'entendent), d'une majorité absolue au sein du futur conseil d'administration de France Télévisions (composé de 15 membres dont le pdg). Une façon de redonner un peu de poids au CSA afin d'apaiser les éventuelles remontrances du Conseil constitutionnel. Cela sera-t-il suffisant ? Nul ne le sait.

La Loi audiovisuelle comprend trois parties dont la première est la plus importante. Elle porte sur la réforme des sociétés de l'audiovisuel public, le financement de la nouvelle télévision publique (création des taxes et indexation de la redevance sur l'inflation), le calendrier de sa mise en oeuvre. La seconde partie du texte transpose la directive communautaire dite SMA (dérégulation de la publicité en faveur des chaînes de télévision). Enfin, la troisième partie consiste pour le gouvernement à obtenir du Parlement l'habilitation à moderniser le code de la cinématographie par voie d'ordonnance. Le projet de loi va être examiné pour avis par Le Conseil d'État et le Conseil supérieur de l'audiovisuel. L'avis du Conseil d'État est très attendu. Il pourra éclairer François Fillon et Nicolas Sarkozy sur la consitutionnalité du projet avant que ceux-ci ne s'aventurent dans l'arène parlementaire où l'on s'attend à l'une des plus terribles batailles d'amendement de la législature.

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12 COMMENTAIRE(S)

Malik Djawa

Loi audiovisuelle

vendredi 19 septembre | 17:52

Vous parlez de l'audiovisuel en France ; et nous les Francophones en Afrique du Nord, pourquoi sommes nous privés de toutes les chaines françaises ? La Francophonie est appelée à disparaitre si vous persistez dans cette voie. Réfléchissez, messieurs avant de décider.

jl95

Impossible

lundi 15 septembre | 11:24

Un projet de loi baclé ? Ca serait bien la première fois que j'entends dire ce genre de choses de notre cher gouvernement.

MARBAL

Je réitère

samedi 13 septembre | 18:25

L'idéal, c'est la privatisation. Alors, plus d'augmentation de redevance et plus de problèmes de pub...

Marsupilami

Réformons le CSA

samedi 13 septembre | 17:55

Enfin, on se pose les bonnes questions : notre constitution peut-elle tolérer les emportements narcissiques d'un président qui veut faire et défaire la télé publique ? Cet article apporte un éclairage intéressant sur le fonctionnement du pouvoir. Bravo au Point de fouiller là où personne ne va. Pourquoi ne pas réformer le mode de désignation du CSA ? Pourquoi ne pas en faire un vrai instrument de contrôle et de réflexion sur la télé, ouvert aux citoyens ? Pour une réforme du CSA raisonnable ! Et stop aux effets d'annonce de Sarkozy !

pommedapi

Retour au monopole ?

samedi 13 septembre | 16:50

Il est inquiétant qu'un président élu pour 5 ans s'approprie le pouvoir de l'information et passe par dessus le CSA crée en 1982 (sigle pas encore "mortifère" mais repris sans problème par une société de sondages pour faire confusion dans l'esprit des populations ?). La publicité permettait de faire connaître les produits au public à des heures de grande écoute et était vitale pour faire des programmes de qualité sur les chaînes publiques. En leur supprimant cette possibilité, l'Etat n'est il pas partie prenante des seuls médias privés et ne castre-t-il pas volontairement ces chaînes publiques ? Comme il surcharge une énième fois les utilisateurs mais aussi la population de plus de 65 ans ayant de basses retraites en les assujettissant à nouveau à cette redevance TV ? Trop c'est trop et quand on compare le niveau de vie en baisse des populations et les prix qui montent, il est inadmissible que ces commissions à répétition créent des taxes et diminuent le pouvoir d'achat continuellement ! La sensibilité des Français est exacerbée me semble-t'il quand on touche à certains domaines qu'ils aiment particulièrement comme l'armée la télé et le pouvoir d'achat.

Robespierre

Pour ne pas craindre...

samedi 13 septembre | 14:45

Modeste suggestion : éviter le travail de "cochon" sur un coin de table (réformes...). Contrairement à une idée reçue, "faire et défaire" n'est pas travailler, et en outre, cela coûte. Enfin, de menus aménagements choisis empêcheraient quelque idiot de bon sens de se dire : Vu ce qu'était la télé publique avec la pub, on imagine déjà ce qu'elle sera sans...

Alfred

Pub

samedi 13 septembre | 09:57

La suppression de la pub bien, mais pour quoi faire, il n'y a pas plus urgent que cette mesure, il ne faut pas se leurrer sur qui va payer...

cactus 22

@reidid et l'urgence

vendredi 12 septembre | 21:07

Ne vous inquiétez pas pour les textes votés selon la procédure d'urgence ! En général, ce sont ceux qui entrent en vigueur le plus tard, le temps que les décrets d'application sortent, lorsqu'ils sortent ! Des textes votés en urgence et jamais appliqués ou pas complètement, il y en a autant que vous voulez !!!

jc

A mort la télé

vendredi 12 septembre | 20:27

A une époque où la liberté médiatique est totale avec internet surtout, le CSA est devenu un machin vide de sens. La télévision est devenue un appareil du pouvoir (l'argent donc) jusque dans la caricature. Je suis pour la disparition totale de la télévision.

Max

L'indépendance du CSA ?

vendredi 12 septembre | 19:15

On peut avoir des doutes...Composition : 9 conseillers nommés par décret par le président de la République, dont : 3 désignés par lui ; 3 désignés par le Président de l'Assemblée Nle ; 3 désignés par le Président du Sénat. L'urgence, me semble-t-il, serait de réformer le CSA... avant même France Télévisions.

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