Imprimer - Version avec
commentaires - Cacher la
publicité
Création et Internet : best of des casseroles de Christine
Albanel Droit |
Durant les discussions au sein de l’Assemblée
nationale, mais aussi dans les médias, Christine Albanel aura connu plusieurs
accidents de parcours. Morceaux choisis.
Le point Godwin marqué
par Christine Albanel
Le plus fameux et sinistre moment fut le
point Godwin, nom tirée de la loi définie par Mike Godwin selon laquelle : «
Plus une discussion (…) dure longtemps, plus la probabilité d'y trouver une
comparaison impliquant les nazis ou Hitler s'approche de 1 ». Ce point
marque ainsi l’échec de la discussion lorsqu’un interlocuteur manque d’arguments
face à des attaques en béton.
Le dérapage a commencé lorsque le député
Lionel Tardy a décrit la mitraillette à sanctions « Selon les chiffres
fournis à plusieurs reprises par Mme la ministre, le projet sera calibré pour
décider jusqu’à mille sanctions par jour, prises par un collège de trois
personnes. Si l’on compte sept heures de travail effectif, cela représente 333
décisions par jour, 47 décisions par heure et par juge, soit un peu plus d’une
minute par dossier »expliquait le député.

Réaction
immédiate de Christian Paul : « C’est Robocop ! » Quand Tardy
poursuivait « Si l’on rapporte tout cela au collège – puisque les décisions
sont collégiales –, ces mille décisions par jour ou cent quarante-deux décisions
par heure demanderont vingt-cinq secondes par décision (….) Mais la lecture de
l’adresse IP n’est pas tout. À ces mille décisions par jour, qui prennent déjà
de précieuses secondes aux trois magistrats, il faut ajouter (...) ce que je ne
vois pas dans le texte mais qui y est, paraît-il, le fameux principe du
contradictoire que cherche à respecter scrupuleusement le projet. Avant toute
décision de suspension, d’injonction d’installer un logiciel ou un cadenas
numérique sur la machine de l’abonné, ou d’opter pour le ralentissement des
débits – dont nous parlerons plus tard et qui est inapplicable –, un échange
contradictoire devra avoir lieu avec l’abonné. Le droit européen notamment
l’exige dans la convention européenne des droits de l’homme. Dans ce laps de
temps, l’abonné assurera sa défense et tentera de démontrer comme il le pourra
que son IP a été repéré sur les réseaux peer to peer parce que sa box a été
piratée par un tiers. Cette preuve, déjà pas facile à apporter, devient
surnaturelle dès lors qu’on a vingt-cinq secondes pour la justifier
».
Mme Christine Albanel, ministre de la Culture. « Je suis
accablée par toutes les caricatures que j’entends… (…) la caricature affreuse,
qui consiste à présenter cette Haute autorité composée de magistrats… (M.
Patrick Bloche. Non, pas des magistrats !) (M. Christian Paul. Des
robots !) à partir de l’ART comme une sorte d’antenne de la Gestapo est
particulièrement ridicule ».
On connaît la suite de ce
moment qui va rester dans le C.V de la ministre :
Et notamment la
réponse de Patrick Bloche (17 :13 de la vidéo) : « À cause de la Gestapo qui
était présente dans notre pays il y a soixante ans, je n’ai jamais connu ma
grand-mère paternelle, parce qu’elle est partie, le 31 juillet 1944, par le
convoi 76 de Drancy et qu’elle a été gazée à son arrivée à Auschwitz le 4 août
1944. La Gestapo, c’est cela pour moi. M’entendre dire, dans cet hémicycle où je
siège depuis douze ans en respectant chacune et chacun, qu’en critiquant une
haute autorité indépendante qui n’est pas encore mise en place, je ferais une
référence historique aussi lourde me touche particulièrement. Je ne me sens pas
insulté, mais je considère que Mme la ministre est allée au-delà des limites de
son verbe. En tant que ministre de la Culture, elle est aussi ministre des mots.
Je pense que, pour elle, les mots ont un sens. »
La preuve
par disque dur
A Martine Billard qui déclarait « comme le
téléchargement est difficile à prouver, à moins d’aller inspecter le disque dur
de la personne suspectée, le gouvernement a cherché un autre critère
d’incrimination et n’a rien trouvé de mieux que d’obliger les particuliers à
installer un logiciel de sécurisation de leur poste et, en cas de défaut
d’installation, de les rendre responsables de tout téléchargement jugé illicite
par les représentants des ayants droit ».
Réponse
de Christine Albanel : « Quant au disque dur, c’est un élément de
preuve que le téléchargeur illégal pourra adresser à l’HADOPI. (…) Au bout du
long processus qui aboutit à la sanction, le disque dur fait partie des éléments
de preuve : je ne vois pas où est le problème ».
Nous conseillons
d’ores et déjà aux abonnés d’aller sur PrixduNet.com pour aller acheter un ou plusieurs disques durs
vierges en guise de « preuve » qu’ils soumettront aux magistrats de la Hadopi….
Dans la soirée, Martine Billard réexpliquait d’ailleurs la cruelle
dureté des technologies à la ministre : « Mme la ministre a indiqué qu’ils
pourraient apporter la preuve qu’ils n’avaient pas procédé au téléchargement
abusif avec leur disque dur. Mais ce type de preuve n’est recevable que dans une
procédure où la police judiciaire débarque chez vous et vérifie in situ que le
disque dur contient bien la preuve du délit commis. Or ce sera à eux de prendre
leur disque dur sous le bras. Outre que je connais peu de nos concitoyens qui
soient capables de démonter leur disque dur, si leur ordinateur est sous
garantie, ils ne pourront pas l’ouvrir sous peine de perdre cette dernière, ce
qui pose un problème. Du reste, cela ne prouverait rien du tout : vous pouvez
très bien changer de disque dur ou en effacer certaines données – si vous êtes
très doué, vous y arriverez beaucoup mieux que certains élus parisiens à propos
des faux électeurs. » Voir à ce titre notre actualité.
La solidité de la
preuve par IP
Lionel Tardy(UMP) décidément pointilleux, a
rappelé l’existence d’un jugement du tribunal de Guingamp, en date du 23 février, qui « met à mal le bien-fondé de
l’HADOPI ». Le député expliquait qu’en mars 2008, « un blog consacré
aux élections municipales de la commune de Penvénan a été piraté. Son
propriétaire avait alors porté plainte pour « modification à caractère
diffamatoire ». L’enquête a permis d’identifier l’adresse IP du prétendu pirate,
correspondant à la Livebox d’un homme de cinquante-trois ans, dans sa résidence
secondaire. Or, celui-ci a toujours nié les faits qui lui étaient reprochés.
Pour sa défense, le suspect a avancé qu’il était possible de pirater une Livebox
à distance et qu’on trouvait même sur certains forums des conseils détaillant la
marche à suivre. Fort de cette explication, l’avocat du quinquagénaire a affirmé
devant le tribunal : « Vous ne pouvez pas vous contenter de la seule adresse IP
pour pouvoir décider de la culpabilité de mon client. » Le tribunal de Guingamp
s’est montré sensible à ces arguments, puisque le prévenu a été acquitté. Fermez
le ban. »

Faute
de réponse de la ministre, le député reviendra à la charge la séance suivante :
« Lors de l’audience, l’adresse IP n’a pas été estimée suffisante pour
déterminer la culpabilité du prévenu. Or le principe de riposte graduée, dont
l’application sera confiée à l’HADOPI et dont nous discutons la moindre virgule,
repose entièrement sur l’identification des adresses IP pour repérer les
internautes qui s’adonneraient au téléchargement illégal. Les réseaux sans fil
posent de sérieux problèmes : si, en plus, les adresses IP ne sont pas jugées
des preuves suffisantes pour établir la responsabilité d’un internaute, tout le
débat actuel n’a plus lieu d’être, car quelle serait la légitimité des décisions
rendues par l’HADOPI ? J’aimerais que Mme la ministre me réponde sur ce point.
»
La ministre étant perdue sans doute dans ses fiches, il revenait
une troisième fois sur cette question : « J’aimerais savoir si je peux
espérer avoir, avant la fin du débat, une réponse sur le lien entre adresse IP
et culpabilité »
Réponse de Christine Albanel : « J’apporterai
toutefois une précision à l’intention de M. Tardy, qui a évoqué un jugement de
Guingamp sur l’adresse IP. L’adresse IP est considérée comme un élément de
preuve par la Cour de cassation, et ce de façon constante. Elle valide les
procédures judiciaires conduites sur cette base, comme le montre le dernier
arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 13 janvier
2009. Il s’agit d’un élément fort, même si le tribunal de Guingamp, à un moment,
a pris une autre position, jugement qui, d’ailleurs, n’est pas définitif ».
Le caractère non définitif du jugement laisse entendre que la ministre
va tout faire pour tuer dans l’œuf cette décision qui tombe au plus mal dans le
cadre du projet de loi. De plus, la ministre oublie de préciser que lorsque des
relevés d’adresses IP sont actuellement menés, ils sont le point de départ d’une
vraie procédure avec une vraie perquisition, des vrais avocats, etc. et pas un
système qui ne va consacrer que 25,20 secondes de temps pour analyser un dossier
et entendre les arguments de l’abonné. Enfin, l'argumentation tirée de la
décision du 13 janvier 2009 n'est pas bon puisqu'il s'agissait là de relevés
effectués manuellement, non automatiquement par des logiciels robots. Des
nuances de taille.
Le pare-feu d'Office
La
ministre a soutenu également que "s'agissant de la Wi-Fi, le projet de loi
vise à développer tous les logiciels de sécurisation. Nombre d'entre eux sont
gratuits. Lorsque vous achetez le « pack » Microsoft, Word, Excell ou
PowerPoint, l'un d'entre eux est fourni automatiquement. Même chose pour le «
pack » OpenOffice. Les éditeurs de logiciels libres fournissent également des
pare-feu gratuits. On peut aussi s'en procurer de manière payante. Ce marché va
sûrement se développer, à la faveur de la prise de conscience collective que
cette loi favorisera".
Sur la questions des outils de sécurisation,
on pourra retrouver les réponses faites par Franck Riester, interrogé à
l'Assemblée par nos soins.
"Les outils de sécurisation. Christine
Albanel parle systématiquement de solutions de type « pare-feu », vous aussi,
mais un pare-feu ne protège pas contre le téléchargement illégal. Il n’empêchera
pas de télécharger l’intégrale de Carlos, enfin je ne sais pas quels sont vos
goûts…
Pourquoi pas ! C’est la raison pour laquelle l’Hadopi
aura une mission d’établir une liste des spécifications techniques permettant de
sécuriser son accès internet.
Sécuriser, ça veut dire filtrer
?C'est-à-dire faire en sorte qu’il n’y ait pas de
téléchargement illégal sur internet.
Donc ça peut passer par un
filtrage protocolaire, DNS…Je n’ai pas dit que c’était un
filtrage, mais une sécurisation, des
logiciels de sécurisation…
Un blocage du téléchargement illicite alors ?
Quelle est l’expression à employer ? Car un pare-feu ce n’est pas
cela...
C’est
pour cela qu’on parle de
logiciel de sécurisation, il
y aura toutes les spécifications bien précises. D'ailleurs, l’ARMT (autorité de
régulation de mesures de protection) commence déjà à y travailler, ARMT qui va
être transformée en Hadopi."
La ministre, l'étudiant, et
l'abonnement à 7 euros
D’autres exemples peuvent être puisés
dans les médias. L’un des fameux moments est le passage de la ministre à TF1. Ce
11 mars 2009, Christine Albanel a sorti ses petites fiches aux questions
habituelles, en dérapant beaucoup (« 450 films piratés par jour » au
lieu des sempiternels 450 000 films qu’elle répète en boucle) mais d'autres fois
en tordant les faits pour les présenter sous leur meilleur jour. Quand bien même
le spectateur serait plongé dans l'ombre.
Laurence
Ferrari lui a ainsi demandé si l’amende ne serait pas préférable à la
suspension : « L’amende, ça crée des inégalités » a expliqué la
ministre estimant que c’est une autorisation à pirater pour les plus riches,
tandis que « pour des jeunes étudiants, on sait que ce n’est pas toujours
simple : une amende, ça serait évidemment très lourd, tandis au fond qu’une
suspension in fine c'est-à-dire un mail, deux mails, une lettre recommandée, et
vraiment une suspension qui sera assez brève après cette longue phase sera très
pédagogique. »
Et pour avoir une exacte idée de la connaissance du
dossier de la ministre, il faut écouter le passage concernant le risque de la
double peine (la personne suspendue continue à payer son abonnement) « Oooh
écoutez, explique Albanel, une suspension d’un mois, ça doit
correspondre dans un Triple Play à quelque chose comme 7 euros par mois. Donc ce
n’est pas extraordinaire de devoir être privé de cette petite somme compte tenu
des conséquences du téléchargement ». (voir la vidéo)
Bref, dans les chaumières, les
personnes peu au fait de ce questions auront traduit ainsi : 7 euros, pour un
étudiant, ce n’est rien. A peine plus cher qu'un paquet de cigarette et un
café au bar des sports... Mais le temps de cerveau disponible du téléspectateur
doit aussi savoir qu’un abonnement triple play, c’est juste quatre fois plus
cher, en moyenne. Et de plus, la suspension ne sera pas d’un mois comme le
laisse entendre la ministre puisque le rapporteur Franck Riester a justement
déposé un amendement pour que la durée minimale soit de deux mois. Enfin, la
suspension pourra atteindre 12 mois (voire plus longtemps si la Commission
rattachée à la Hadopi choisit la limitation des débits) !
Réécrivons le
discours de Christine Albanel : « l’amende est injuste, alors que la
suspension est pédagogique. Et puis 12 x 29,90 euros cela fait environ 360 euros
par an, avec l’obligation de trouver des plans B ou C ou Z pour pouvoir
travailler en ligne depuis sa chambre universitaire parce que vous,
incompétent(e) étudiant(e) en sociologie ou en psycho ou en histoire de l’art
(ou que sais-je) n’aura rien compris à la sécurisation de sa box ». Mais il
n’est pas sûr qu'avec cette version là, la ministre aurait gagné une
nouvelle manche dans sa guerre de communication.
Par Marc Rees - Le 16-03-2009 à 16:58:00