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Information en ligne : le règne du canon à dépêches

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(cc) The Library of Congress

On le soupçonnait un peu, une étude scientifique le confirme : la diversité de l’offre d’information dans les sites d’information en ligne est loin d’être aussi importante qu’on aurait pu l’espérer. Pire même, cette offre est massivement « redondante » et « stéréotypée » : les sites d’informations diffusent la même information en même temps, avec une extrême concentration de la production sur une toute petite quantité de sujets ultra-dominants dans l’actualité.

Le chercheur Franck Rébillard (dont on suit attentivement sur ce blog les travaux sur l’information en ligne ;-) ) me signale la parution des résultats d’une étude très intéressante sur la production d’information des sites d’information francophones. Cette étude « Internet, pluralisme et redondance de l’information », co-écrite par Franck Rébillard, Emmanuel Marty et Nikos Smyrnaios, a été présentée lors du colloque New Media and Information, à Athènes, du 6 au 9 mai dernier. Elle est disponible sur le site de Nikos Smyrnaios (format .pdf, en anglais).

Le grand intérêt de l’étude est d’être l’une des premières à apporter une analyse scientifique statistique sur la nature des contenus de type information d’actualité diffusés sur le web francophone. Elle a le mérite d’analyser un très large panel de sites, en ne se concentrant pas sur les « sites de presse », issus des médias traditionnels et « pure players » de journalistes, mais élargit le champ d’étude aux portails, aux agrégateurs, aux webzines et aux blogs.

A la recherche de la longue traîne de l’information

A la recherche d’une vérification de ce que la théorie de la longue traîne, de Chris Anderson, pouvait s’appliquer à l’information d’actualité sur internet, les chercheurs sont conduits à nuancer leur conclusion.

L’étude porte sur l’information diffusée en novembre 2008, et se concentre particulièrement sur les 6 et 10 novembre derniers, procédant à une analyse linguistique statistique semi-automatisée sur plusieurs milliers d’articles issus de plusieurs dizaines de sources.

Les chercheurs ont établi une procédure pour agréger automatiquement en « sujets » les articles consacrés au même évènement (repérés par l’observation des récurrences linguistiques dans les textes). Ils ont ensuite observé la distribution du rapport en nombre d’articles et variété des sujets traités, ce qui nous donne une sorte d’indice de pluralisme de l’information en ligne. Ils ont poussé l’étude plus loin en analysant le traitement d’un même sujet dans les différents articles qui l’abordent, ce qui fournit une sorte d’indice d’originalité.

Le règne du « canon à dépêches »

Le résultat est sans appel, l’information en ligne est massivement « redondante » et « stéréotypée ». Dit autrement, les sites d’information traitent les mêmes sujets, en même temps, de la même manière, et la variété de ces sujets est extrêmement réduite. Dit encore autrement, (l’expression est de moi, pas des chercheurs en question :-P), c’est le règne du canon à dépêches.

La distribution des résultats répond grosso-modo au principe de la « loi de Paretto » : 80% des articles se concentrent sur 20% des sujets, les 80% d’autres sujets abordés sont traités par les 20% d’articles restant, souvent par un seul article (c’est à dire une seule source). La récurrence de l’utilisation des mêmes formulations dans les différents articles traitant d’un même sujet, montre qu’il s’agit en réalité des mêmes dépêches d’agence de presse, peu ou même pas du tout réécrites.

Sur les deux journées [étudiées], les sources qui semblent les plus redondantes en terme de choix des sujets et d’utilisation de titres stéréotypés sont les trois portails MSN News, Yahoo News, Orange News, et l’agence de presse AFP. Cette tendance est due à la politique des portails qui publient des fils d’information en flot continu, privilégiant la réactivité plutôt que la créativité. D’un point de vue quantitatif, ces acteurs occupent une position centrale dans le secteur de l’information en ligne francophone, car ils diffusent de gros volumes d’information et agrègent de larges audiences. Mais d’un point de vue qualitatif, leur contenu est redondant et stéréotypé. D’autres sources, qui semblent proches de ce modèle que propose l’AFP, sont les sites des télévisions françaises, notamment France 2 et France 3 (TF1 et France 24 semble être moins redondantes en comparaison), ainsi que la station de radio RTL.

Les sites qui se démarquent : Agoravox, Bakchich, Le Post et des blogs

Parmi les sources, en France [à l’exclusion des sites francophones étrangers], quatre types de médias peuvent être distingués en fonction de leur production de titres originaux : Agoravox, site de journalisme citoyen, Backchich, webzine politique, Le Post, autre site de journalisme participatif, et certains blogs. Puis viennent les versions électroniques des médias de la presse écrite comme Le Journal du Dimanche, Le Point, Les Echos, et dans une moindre mesure, Libération, L’Humanité et Le Monde, qui ont également une identité lexicale assez originale. Enfin certaines sources apparaissent au carrefour de la diversité et de la banalité lexicale. Cette position est évidente pour la version numérique du magazine Nouvel Observateur, mais c’est aussi vrai, dans une moindre mesure, pour les sites des deux quotidiens gratuits 20 minutes et Métro, et les deux stations de radio numérique RFI et RMC [A la fois une réelle activité de production de titre, et une utilisation d’un langage très commun, qui est aussi utilisé par d’autres sources].

L’information redondante et stéréotypée domine

Au bout du compte, l’effet de longue traîne se vérifie-t-il ? L’extrême concentration de la production d’information sur un très petit nombre de sujets ultra-dominants est-elle compensée par une extrême variété des sujets traités dans la longue traîne ? En réalité pas tout à fait, la traîne est trop courte et pas assez dense par rapport au modèle attendu. L’information redondante et stéréotypée domine sur internet.

Les chercheurs avancent plusieurs explications, de méthodologie et de fond. L’échantillon des sources considérées sous-estime peut-être la production des webzines et des blogs, qui publient moins et pas quotidiennement. Sur le fond, la nature éphémère de l’actualité, qui se périme vite, ne permettrait pas de retrouver des effets « de fond de catalogue » que l’on trouve pour la musique ou la littérature (à moins, c’est une hypothèse personnelle, que l’on considère la consultation des archives, ce qui demande une approche par la consommation de l’information et non plus strictement sous l’angle de la production. On y revient plus bas).

Un journalisme low-cost sur internet

Plus profondément, les chercheurs avancent une explication que l’on a souvent abordée sur ce blog : les conditions économiques de la production de l’information dans ces sites (Avenir du journalisme ? Tu seras un prolétaire, mon fils)...

Les recherches récentes sur la conditions de production dans les rédactions en ligne montrent une forte tendance à la haute productivité (Estienne, 2007 ; Rebillard et al., 2007). Le journalisme en ligne a tendance à privilégier la réécriture et la republication des contenus existants au détriment du reportage original. Un élément de notre étude qui confirme cette tendance est que les sources les plus redondantes de notre échantillon sont les portails sans aucune équipe de journalistes, les quotidiens gratuits avec de petites rédactions et les radios et chaînes de télévision, qui ont une production limitée de contenu texte. Nous pouvons en déduire que les conditions particulières de production dans chaque site d’information en ligne ont un impact majeur sur la diversité de son contenu.

Dit autrement (edit : en forçant un peu, mais vous voyez l’idée... :-P) , c’est assez logique mais c’est tout de même rassurant : la diversité de l’information proposée est proportionnelle au nombre de journalistes que l’on emploie. Sauf que, et les chercheurs reconnaissent qu’il faudra d’autres études pour l’établir, ce qui reste déterminant c’est le rapport entre la diversité de l’offre et la réalité de la consommation d’information des internautes.

Les données dont on dispose ne sont, en la matière, pas du tout encourageantes : l’audience des sites portails « sans journalistes », les purs « canons à dépêches », domine largement celle des sites de médias disposant de journalistes et offrant une information plus originale et plus diversifiée. Doit-on en conclure qu’en ligne la qualité ne paye pas ? Ou plutôt que la demande d’information majoritaire des internautes se concentre bel et bien sur le type d’information proposée par ces « canons à dépêches » ? Car cette information leur suffit ? Car ils se défient des autres formes d’information produites par les journalistes ? Ce serait une très mauvaise nouvelle pour le journalisme...


Mise à jour (mercredi) :

Philippe Couve (Samsa news) : Nourrir Google affame les journalistes

Le chercheur Nikos Smyrnaios, participant à cette étude, a fourni à Philippe - qui la publie - la liste des sources étudiées. Le chercheur précise :

L’échantillon est quasi-exhaustif pour ce qui est des sites médias français. Dans d’autres catégories (blogs, médias francophones p.e) il a fallu effectuer des choix subjectifs.

Il y a plus de 80 sources pour l’analyse en continue du 1 au 20 novembre 2008 et autour de 60 pour les deux jours analysés plus en détail (6 et 10 novembre 2008), puisque toutes les sources n’ont pas publié une information nouvelle à ce moment là.

26 commentaires

  • Une « une analyse linguistique statistique semi-automatisée » peut-elle refléter le pluralisme de l’information ? Faut-il croire à « une sorte d’indice du pluralisme de l’information » et s’en munir pour proclamer le règne des dépêches ? Ça fait beaucoup de questions et un soupçon de scientisme.

    Ça me rappelle un peu le test de Binet qui disait : « L’intelligence, c’est ce que mesure mon test ». Que ce soit l’intelligence humaine ou le pluralisme de l’info, on est à l’évidence devant des grandeurs à plusieurs dimensions, qu’il est difficile de réduire à des indices.

    Outre l’« analyse linguistique », il me semble aussi pertinent d’examiner des choses comme l’actionnariat de chaque media, sa diffusion, son histoire et ses moyens. Entre autres...

    • Une « une analyse linguistique statistique semi-automatisée » peut-elle refléter le pluralisme de l’information ?

      Elle permet surtout très bien d’identifier sur des bases de plusieurs milliers de textes ceux qui ne sont que des variations sur une même texte original, plus ou moins réécrit avant republication. Allez fréquenter les sites de presse dont il est question et vous les identifierez vous-même très bien et très rapidement ces textes en question. Et vous me direz après si c’est du pluralisme. :o) L’intérêt de la démarche statistique de ces chercheurs est de vérifier que l’intuition qu’on en a à consulter ces sites est bel et bien une réalité : même si ce n’est pas à la virgule près, c’est pourtant bien exactement la même chose qu’ils publient. Ça calme votre soupçon de scientisme ? :-))

  • Information en ligne : le règne du canon à dépêches Le 24 mai 23:36, par Fabrice Epelboin

    Tiens, voilà une information qui ne me surprend pas du tout... (en dehors du cas de France Television vs. TF1, quoi que...).

    En ligne, la qualité ne paie pas, c’est clair... mais ce n’est pas forcément une fatalité. Ce manque de revenus est en partie du au fait que Google (encore eux, les salauds !) ne fait pas la différence entre qualité et travail baclé. Le lien humain (link journalism ou autre), lui, peut le faire, et son poids en terme de trafic ne cesse de grandir... il y a de l’espoir ;-)

  • Soupçon était à prendre au sens de la quantité, non de la suspicion cher ami.

    Bon, je vais prendre un exemple. Je n’aime pas les analogies, mais bon. Ce soir, Michael Haneke a eu la Palme d’Or dans un petit festival de cinéma. Avant de faire un papier sur pourquoi ce cinéaste a tous ses films pris à Cannes ou que vaut un prix reçu d’une présidente qui fut l’une de vos actrices dévouées, le travail du journaliste, par respect pour son internaute, est de donner le factuel (qui, où, quand, comment, pourquoi). Et ça, on a beau être pluraliste, c’est à peu près partout pareil et ça va forcément biaiser l’impitoyable pluralomètre, armé de sa légitimité statistique.

    Bref, le pluralisme est avant tout une question d’indépendance. Indépendance politique, indépendance éditoriale et indépendance financière. Et j’ai peur que cela ne se mesure pas vraiment dans un traitement statistiques des textes publiés. Oui, tout le monde colle le palmarès de Cannes via AFP ou Reuters, so what ?

    • « so what » ?

      So...on ne verrait pas vraiment pourquoi la carte de presse donnerait de quelconques privilèges fiscaux ou pourquoi on subventionnerait les médias massivement, puisqu’on la donne à des gens qui pour plus de 80 % d’entre eux (et narvic est plus sévère, cf le précédent papier sur l’investigation) ne font que recopier des infos déjà produites (les dépèches d’agence en majeure partie) ...quatrième pouvoir mon cul ! Ce quatrième pouvoir est entre les mains de quelques centaines de gens (agences de presses et enquêteurs) par pays, et les milliers de journalistes n’ont rien à y voir pour la plupart.

      Comme thierryl le pointe ci-dessous, ces pratiques existent de longue date, mais sont mises en lumière et surtout perdent leur valeur ajoutée à cause d’internet. Ces pratiques pouvaient se justifier quand un journal se devait de parler de tout et le plus vite possible, vu que les gens n’achetaient et ne lisaient qu’un journal . Quand Google permet d’accéder dans l’heure aux dépêches AFP, et que tout est gratuit, la plus-value d’une reprise présentée comme originale se vaporise instantanément. Le tuyau à dépêche ne peut plus se justifier que s’il est totalement assumé, et que les journalistes ne perdent pas de temps à faire semblant que ce n’est pas l’AFP qui fournit 98% du contenu de ces « articles AFP/nom de média ».

      • Beau petit point Godwin spécial journalistes=majorité de fainéants privilégiés. Merci.

        Rappel : la question porte ici sur le champ de validité d’une méthode d’analyse statistique de mesure du pluralisme dans la presse sur Internet. Ou alors peut-être aussi sur la définition du pluralisme.

        • Privilégiés, ça me paraît évident. Aucun journaliste n’envisagerait de dire que leurs imprimeurs ne sont pas privilégiés , ce n’est pas un gros mot. Fainéants, vous me mettez dans les doigts un mot que je récuse. L’immense majorité des journalistes, comme l’immense majorité des travailleurs, fait (fort diligemment) le travail qu’on lui donne à faire (pardonnez-moi cette lapalissade). Si on leur demande de faire du rewriting de dépêches ou de communiqués de presse, c’est ce qu’ils font, parce que c’est effectivement un travail. Et qu’au boulot, on ne fait pas ce qu’on veut. Quand les journaux alloueront ces journalistes à l’investigation, je ne doute pas qu’ils feront là aussi du bon boulot. Seulement, combien de journaux financent largement l’investigation ?

          Par ailleurs, pour revenir à la carte de presse, l’immense majorité des travailleurs ne prétend pas être le quatrième pilier de la démocratie, et ça fait une grosse différence. La faute en est-elle au journaliste, qui fait passer (bien logiquement hein, pas de blême là-dedans) son travail avant une déontologie vaporeuse ; au patron de presse qui croit que plus les articles sont courts et collent au buzz du moment il aura plus de pages vues et donc rapportera de l’argent à son actionnaire ; à l’actionnaire qui achète un journal comme on achète de l’influence ; à l’histoire des médias ; ou même aux lecteurs qui ne veulent que du prémaché ? Il y a certainement un peu de tout. Mais ne nous voilons pas la face.

          Est-ce que le pluralisme est le pluralisme des points de vue, ou/et le pluralisme des sources utilisées et de l’allocation des ressources journalistiques ? Quand dix points de vue différents s’expriment à partir d’une seule source, ou qu’un même sujet se voit consacré une grande partie de la surface éditoriale dans tous les médias pendant des jours , peut-on vraiment parler de pluralisme ? De la même manière, quand dix points de vue identiques s’expriment à partir de nombreuses sources, peut-on vraiment parler de pluralisme ? La pluralisme me paraît donc ici être double, et si cette étude statistique n’a pas d’intérêt dans la mesure du pluralisme des points de vue, elle est tout à fait éclairante concernant le pluralisme des sources et des sujets choisis. On voit ici la répétition et la reprise médiatiques à l’oeuvre. Et ça, sur internet, ça ne sert plus à rien. Pourquoi allouer des postes pour ce qu’un script (comme fait narvic avec sa machinerie de flux rss) pourrait faire comme un grand ; surtout quand les personnes à ces postes pourraient améliorer directement le pluralisme des sources et des sujets ?

          PS : un demi-point Godwin, éventuellement ;-)

          • Vous me semblez avoir une vision titinophile et parcellaire du métier de journaliste. Tous les journalistes n’ont pas vocation à être Denis Robert. L’investigation est un journalisme, pas le journalisme. Couvrir le festival de théâtre local, la Coupe du Monde de foot, le tremblement de terre en Asie, le chien écrasé (si si), ça ne va pas sauver la République, mais aussi bizarre que ça puisse paraître, ça fait que nous nous partageons avec des personnes plus ou moins proches des choses diverses. Cela a aussi une valeur. Sans parler des journaliste qui ne « signent » pas, des secrétaires de rédaction, qui relisent la copie et la mettent en page, des iconographes, des éditeurs, des gens qui passent leur journée dans les plannings. Dans les sites Web, les producteurs qui eux aussi traitent l’information.

            Pour revenir au sujet, le fait que plusieurs sites reprennent la même dépêche peut être même pris comme une preuve d’indépendance et d’autonomie d’un media, au sens où il a sa propre chronologie de l’info, indépendante de celle des autres sites. Produite avec les moyens dont il dispose.

            Ce que je questionne, ce sont les moyens pris pour juger du pluralisme et se dire parce qu’on brasse des statistiques on trouve forcément quelque chose qui manifeste une réalité. Je pense que dans cette étude, on est parti d’une hypothèse qui n’a pas vraiment besoin d’être démontrée : « Tout le monde reprend les mêmes dépêches ». Et on a voulu trouver une justification mathématique. C’est limite au niveau de la conformité avec la méthode scientifique car l’hypothèse de départ influence le résultat. Je comprends que vous rechigniez à payer des impôts à la place des journalistes, mais quid des salaires des profs de fac ?

            • @ Sylvie H

              Il conviendrait peut-être que vous remontiez à la source, que vous analysiez cette étude, et vous que vous nous disiez enfin précisémement ce qui vous pose problème dans sa méthodologie.

              J’ai un peu peur que vous fassiez une confusion entre site d’information et site de journalistes. Ce que cette étude montre c’est que la plupart de l’information diffusée sur internet n’est justement pas re-traitée, ou très peu, par des journalistes : c’est de la depêche d’agence brute ou simplement réécrite. Cette étude ne dit rien d’autre.

              • Je reprends juste votre texte. Je n’ai pas le temps matériel d’aller éplucher une étude que je présume aride de n pages destinées à un cercle universitaire restreint pour passer en revue tous les points de méthodologie. Ce que je ferai avec joie dans ma prochaine vie.

                « Les chercheurs ont établi une procédure pour agréger automatiquement en « sujets » les articles consacrés au même évènement (repérés par l’observation des récurrences linguistiques dans les textes). Ils ont ensuite observé la distribution du rapport en nombre d’articles et variété des sujets traités, ce qui nous donne une sorte d’indice de pluralisme »

                Rien ne pose vraiment problème et au passage bravo pour le travail accompli mais je me demande comment on peut jauger le pluralisme de la presse sur Internet (vous parlez d’une « sorte d’indice ») à partir de l’observation de « récurrences linguistiques ». Le fait que tous les sites disent « Nicolas Sarkozy a été élu président de la République » un soir de mai 2007 dit-il quelque chose sur le pluralisme alors que ne pas donner cette info serait un grave manquement vis-à-vis des internautes. Il faut raconter d’autres récurrences linguistiques que celles des faits vrais pour faire remonter ce « pluromètre » ? Où l’auteur s’est-il arrêté dans le périmètre des sites pris en compte ? Moi j’ai un bon blog sur l’actualité de la philatélie qui fait autorité. Mon blog a-t-il été pris en compte ? Il aurait fait remonter l’indice parce qu’on n’en parle jamais dans les media. Et pourtant, il s’en passe des choses.

                Autre question, mais là on dépasse sans doute le domaine de publication techno-scientifique de notre équipe de recherche, par ces temps d’affaire Bourreau et de media détenus par de grands groupes industriels, ne serait-il pas plus productif de questionner le pluralisme en décortiquant les relations entre ces groupes et les rédactions qu’elles possèdent ?

            • Je me permets de vous retourner le compliment. J’ai du mal à voir en quoi la chronique des chiens écrasés à a voir avec la bonne marche de la démocratie (comme vous le dites si bien) , et partant de là en quoi cet argument de 4è pouvoir peut permettre de justifier certains des avantages de la carte de presse. Le vivre-ensemble et le « sentiment de proximité » n’ont rien à voir avec l’idée de démocratie (et vous ne me ferez pas croire que les journaux locaux privilégient l’analyse politique locale dans leurs colonnes...).

              Pour être plus clair, si en tant que citoyen je suis tout à fait prêt à faire jouer la solidarité de l’Etat en ce qui concerne notre éducation, autant j’ai nettement plus de mal à le faire pour une profession qui dans sa majorité n’a rien à voir avec la bonne marche de la démocratie (et prétend, contrairement à ce que vous dites, faire dans sa majorité de l’investigation, c’est d’ailleurs cet argument qui vient en premier) . Quand les patrons de presse (ceux qui décident, quoi) tiendront le même discours que vous et assumeront, cela ne me posera plus de problème.

              PS : Un Denis Robert, puisque vous le citez, n’a pas sa carte de presse...cherchez l’erreur.

              • OK, vous combattez avec vigueur la niche fiscale dans laquelle se terrent tous les journalistes. On a compris. Mais ce n’est pas directement la question soulevée par la news qui nous rassemble.

  • La vision de cette étude correspond bien à mon expérience.

    Mais le canon à information des grands titres de la presse quotidienne - je ne tiens pas à être désagréable, je demande plutôt des explications - cela fait au moins 20 ans que cela existe. En 1989, j’avais eu un projet de communication où l’on partait d’une dépêche pour étudier et rapprocher son traitement dans au moins 4 titres de la presse quotidienne nationale. En fait, j’ai eu quatre fois la même information dans quatre quotidiens où le traitement différait uniquement sur le vocabulaire sélectionné pour parler des différents protagonistes de l’info. C’est par ce biais que passait l’orientation éditoriale.

    J’ai donc l’impression que ce canon à dépêches était déjà sérieusement en marche bien avant l’arrivée du Web, sauf qu’il fallait payer en plus de la réclame. Donc il n’est pas étonnant que nous ayons pour l’instant de l’information industrielle injectée dans les réseaux, sans particulière adaptation aux nouvelles possibilités du support. En terme de blogueurs beaucoup de lecteurs lambda qui ont du mal à se détacher de l’info, vu qu’on leur a dit pour faire de l’audience de publier souvent. rien à voir avec Narvic, Authueil, Versac, et beaucoup d’autres, où il y a un effort de personnalisation et d’originalité, mais ils sont encore minoritaires.

    Comme le dit Eric Schmidt, ce n’est pas sur ce créneau de l’information basique, que les gens accepteront de payer autrement que par les publicités. Il y a une expérience que mène Google avec le Washington Post (excellent journal) et d’autres titres pour voir s’il existe des possibilités de manipulation interactives et de présentations différentes des infos. Les premiers résultats promis dans le cours de l’année.

    Je pense que nous sommes encore dans un état intermédiaire, où le public n’est pas encore impressionné par ce qui est présent en ligne, car cela ressemble trop a du contenu « ancien » collé sur de la page de navigateur, exactement comme si c’était collé sur du papier.

    Et cela correspond à des gens qui regardent la catastrophe se produire, tétanisés par le spectacle.

  • Comme le note un des commentaires, il n’y a pas moins de diversité aujourd’hui qu’hier. Et pour cause, on ne fabrique pas le contenu des médias de façon très différente qu’il y a 50 ans. La différence, c’est qu’aujourd’hui se manque de diversité se voit.

    On oublie souvent que le paysage médiatique a été façonné autour d’une série de contraintes économiques et industrielles. Pour la presse écrite, le coût de l’impression et de la diffusion ont été, et sont toujours, deux facteurs fondamentaux. Ces coûts limitaient l’accès à la machine à fabriquer et distribuer l’information. Ils permettaient de canaliser « le canon à dépêches », de se répartir les marchés et de mettre en place des monopoles rentables, et parfois très rentables.

    Le numérique fait voler en éclat l’ancienne structure de coûts... plus besoins de 36 marques pour nous servir l’info brut, façon agence de presse. Il fait aussi voler en éclat la structure de la diffusion de messages publicitaires.

    Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile de se différencier sur le plan éditorial pour les grands médias de masse. Les lignes de partages des territoires audio-visuelles et print sont, eux aussi, en train de disparaître. Et, l’économie de la rareté donne place à celle de l’ubiquité et fait peu à peu s’écrouler le modèle du tout publicitaire.

    Tout ça pour dire, que la consolidation des marques masse médias est donc, à cours ou moyen terme, difficilement évitable.

  • Ah, je ne me souvenais plus que j’avais écrit sur le même sujet, mais de manière ironique, il y a quelques jours. Une transcription d’idées communes à Jeff Jarvis et Umair Haque.

    Voir en ligne : Sauver l’information de la Presse

  • Concernant le dernier point, je crois qu’il ne faut pas perdre de vue que la très grande majorité des citoyens ne se posent pas du tout ces questions que l’on se pose ici ou ailleurs sur le net à propos du métier de journaliste, de l’avenir des médias sociaux, etc.

    Pour de nombreuses personnes, les médias traditionnels restent la référence. c’est triste, mais c’est comme ça. Mais je pense que cette information leur suffit non pas parce qu’ils n’ont pas le soucis d’être bien informé, mais parce qu’ils n’ont pas conscience : 1. Que d’autres moyens de s’informer existent et 2. Que les médias traditionnels sont out.

    Autrement dit, oui c’est une mauvaise nouvelle, mais avec un peu de pédagogie et surtout un peu de temps, les choses vont changer (enfin j’espère).

    • @ Stan

      Le problème, pour les marques de médias traditionnelles, c’est justement qu’en ligne elles ne sont manifestement plus des références, puisque le public se tourne d’abord vers Google News, Yahoo ! News, MSN News et Orange News. Et il semble se satisfaire - ou peut-être même préférer - une information uniquement sur le format de la dépêche.

  • Pour le titre, on pourrait parler d’orgue de Staline : frapper au même endroit pour frapper fort et s’assurer de l’efficacité du tir plutôt que viser des cibles distinctes ;-)

    Un commentaire donne une piste : aujourd’hui il est plus aisé de trouver en ligne que les sujets se recoupent, tandis qu’avant il aurait fallu faire une razzia. Au final, on aurait peut-être davantage un effet « première mesure et prise de conscience » (première fois que l’on peut comparer) qu’un véritable changement dans le temps.

    Il manquerait peut-être un élément dans cette étude, que je n’ai pas pris le temps de parcourir encore : la question de la différenciation de traitement. Celui qui prend un sujet déjà largement couvert par des dépêches mais dans le même temps : interviewe un protagoniste, fait un rappel des faits, illustre par des chiffres, met en perspective... fait un travail d’information plus profond et sans commune mesure avec une simple reprise. Pourtant, il semblerait être redondant à nouveau dans un comptage.

    Le problème n’est pas toujours de faire autre chose (c’est un des problèmes des journalistes à propos de certains sujets : « on ne peut pas ne pas traiter de ceci, parce que C’EST l’actualité ») mais de faire différent. Les boulimiques de l’info repèrent rapidement le sujet « batonné » du sujet similaire mais plus fouillé, qui apporte davantage de clés de lecture ou qui donne un ton différent.

    L’autre souci, c’est un raccourci un peu rapide entre « les médias qui balancent des dépèches en masse sont ceux qui ont le plus de succès » et « c’est ce que les gens recherchent ». Cela revient à dire : les gens vont au cinéma plus qu’au musée parce que c’est ce qu’ils recherchent, ou les gens achètent industriel plutôt qu’artisanal parce que c’est ce qu’ils recherchent.

    En effet, la puissance des marques médias en ligne compte, de même que les grandes surfaces sont plus connues que les petits commerçants, ou que le box office dispose d’une couverture médiatique supérieure à celle des expositions. On va plus spontanément vers un média que l’on connaît, identifier, dénicher les médias différents demande du temps. Savoir détecter ce qui est différent demande d’ailleurs un apprentissage, que beaucoup n’entament pas faute de temps ou par méconnaissance. Lemonde.fr, c’est plur rassurant pour mamie que bakchich.info... Faute de poteau indicateur, on va vers ce qui est connu, reconnaissable.

  • Bizarre qu’a partir d’élément strictement quantitatifs et statistiques (occurrences linguistiques, passage à la moulinette de milliers d’articles) on en vienne à des conclusions qualitatives, à savoir le pluralisme de l’info sur le net ... J’ai l’impression qu’on fait un raccourci... Et que justement pour vérifier cette donne il faut s’intéresser à la queue de la longue traine (les milliers de petits sujets différents de milliers de petits sites), plutôt qu’à la masse constituée des médias nationaux qui ne fait qu’appliquer son modèle passé sur le Web (pas besoin d’études pour le voir). En fait si on avait comparé France 2, France 3, M6 et TFI à Lemonde .fr Libé.fr et consorts, on se serait retrouvé avec le même genre de résultats. La vraie différence pour moi c’est que sur le Net cohabitent deux formes d’infos et donc de rédacteurs. L’info « obligatoire et immanquable » traitée de façon classique, parfois un peu enrichie (élections, grippe porcine) et répétée sur tout les médias mainstream (de RMC info en passant par la M6, France 2, France 24 et Libération.fr) et une info un peu moins « classique » fruit d’une investigation, ou d’une recherche plus poussée, dans des sources autres que les agences de presse (bakchich en est un bon exemple).

    Le diversité de l’info sur le Net c’est ça. Déjà, la POSSIBILITE DE LA TROUVER et de l’exprimer est une avancée. La diversité vient de cette potentialité encore peu exploitée en réalité, plus qu’un « rich media » c’est un média qui se réinvente qu’il faut promouvoir à mon avis, avec une vraie recherche de sujet et de forme de traitements inédits. Tout en gardant des techniques et une éthique journalistique réelle.

    Linker des choses c’est bien mais déjà twitter, ou facebook montrent les limite de ce genre de choses par la redondance de l’info qu’on y observe, pour peu qu’on suive les bonnes personnes (à base de Retweet et de liens « exclu » qui sont parfois déjà grillés depuis une semaine) !!!

    Voir en ligne : http://www.biblioroots.fr/

    • @ Biblioroots

      Plusieurs points :

      • D’abord, ne pas confondre les travaux de ces chercheurs, et l’interprétation personnelle que j’en fais ici (se rapporter à leur travaux avant de les juger eux, merci).

      • J’estime que les caractères « redondants » et « stéréotypés » (ce sont les mots de l’étude) de l’information disponible dans l’échantillon couvert par l’étude est une information qualitative. C’est moi qui en tire des conclusions en terme de pluralisme (on peut aussi dire pluralité ou diversité). Le manque de diversité est manifeste sur la répartition des sujets (redondance) comme sur leur traitement (stéréotypé).

      • Pour vous éclairer, peut-être, ces chercheurs ont fourni à Philippe Couve, sur Samsa News, la liste des sources d’information en ligne considérée par leur étude... Nourrir Google affame les journalistes.

      • Vous dites : « C’est moi qui en tire des conclusions en terme de pluralisme (on peut aussi dire pluralité ou diversité). »

        OK, je comprends mieux. C’était le raccourci journalistique dans sa splendeur :) .

        Attention cher ami, pluralisme n’est pas synonyme de pluralité. Voyez votre dictionnaire favori.

        Et si les journalistes se contentaient de bâtonner des dépêches pour éviter justement ce type d’extrapolation hasardeuse ?

        Car l’objectif, dans le cadre d’un certain respect de l’internaute, ne devrait-il pas être de ne pas dénaturer l’information ? ;)

        De manière plus lapidaire, quand on sait pas, on parle pas : on cop-colle ou on se renseigne, on fait relire, c’est plus sûr.

        • On ne se comprend décidément pas du tout. Je vous précise seulement que ces termes sont utilisés par moi et non par ces auteurs, et je l’assume. C’est MON interprétation des données récoltées par ces chercheurs. Qu’elle est la vôtre ?

          Avant d’affirmer qu’il s’agit d’un « raccourci journalistique dans sa splendeur » et d’une « extrapolation hasardeuse », il faudrait peut-être que vous fassiez un début d’effort intellectuel pour le démontrer. Mais vous ne cessez de vous perdre en commentaire de commentaires de commentaire, sur une étude que n’avez toujours pas lue, en pinaillant sur des termes dont vous n’avez toujours pas été voir à quoi ils renvoyaient. En l’occurrence, c’est vous qui venez de faire un splendide « raccourci » et une « extrapolation hasardeuse ».

          Et c’est surtout vous, me semble-t-il, qui ne cessaient de parler sans savoir. Vous ne dénaturez même pas l’information, puisque vous n’en apportez aucune. Mais si vous voulez rester dans le vide en boucle de ce pur pinaillage lexical détaché de toute référence à des données réelles et à l’interprétation qu’on peut en faire : bâtissez-moi donc une grande théorie sur le pluralisme sans pluralité, et sur la pluralité sans pluralisme.

          • Je me perdrais dans un ultime commentaire car, effectivement, ça tourne en rond et je réalise un peu tard que je me suis faite encore avoir par un titre racoleur. Je vais donc prendre congés. Bonjour chez vous.

            Votre raccourci : vous assimilez pluralité et pluralisme. Les mots ayant un sens, il se trouve que ces deux-là en ont deux très distincts, à plus forte raison quand il s’agit de presse, d’informations. La pluralité de la presse c’est une chose, son pluralisme, c’en est une autre. Je renouvelle mon engagement à vous documenter sur l’affaire... 1945, une presse libre et indépendante... etc.

            Votre extrapolation hasardeuse : avec au poing cette approximation (vous avez des excuses, ce sont presque des homophones) vous nous bombardez le pluralisme mis à mal sur le Net comme une vérité statistique.

            Or - et vraiment j’arrête là - si on doit évaluer l’état du pluralisme de la presse, on le fera sans doute d’abord en se demandant qui la possède et de quelle manière. Et on verra alors qu’il y a aujourd’hui beaucoup à dire.

            • Merci à Guillaume Narvic pour cette synthèse tout à fait fidèle de notre enquête qui a déclenché ce vif débat.

              Je me permets de signaler à vos lecteurs et commentateurs attentifs que nous sommes d’accord également sur l’insuffisance d’une approche strictement quantitative du pluralisme de l’information en ligne.

              C’est la raison pour laquelle nous avons complété l’étude en question par un volet qualitatif d’observation ethnographique des conditions de production au sein des plusieurs rédactions web françaises ( des pure-players et des sites-médias). Les résultats de ce volet de l’enquête, disponible ici en français (PDF), vont dans le même sens : sur le web le pluralisme réel de l’information offerte cohabite avec une forte redondance de celle-ci.

              Enfin, afin de réfléchir sur cette question, il est bien entendu indispensable de prendre en compte l’état de propriété des médias et notamment le phénomène de concentration. C’est la raison pour laquelle nous avons consacré en 2007 un rapport de recherche sur le sujet intitulé « Mutations de la filière Presse et Information », qui malheureusement n’est pas encore publié. Une mention à ce rapport est cependant faite dans un article de Simon Piel dans Bakchich.

            • @ Sylvie H

              On va en finir là en effet : mais je ne vois toujours pas ce que change le fait que MSN News, Yahoo News, Google News et Orange News (qui sont les plus gros sites d’information en ligne) aient, manifestement, des propriétaires différents, si c’est pour diffuser, tout aussi exactement, la même information. Ce que démontre cette étude.

              Quand à votre théorie oiseuse qui ferait à dire à pluralisme le contraire de pluralité. Je ne vous demande même plus de me préciser comment une information sans pluralité pourrait faire preuve de pluralisme, ou l’inverse.

              Vous avez embrayé votre monologue sur la méthodologie, mais ça n’a pas marché. Vous vous rabattez sur un autre thème qui ne fonctionne pas plus. Je vois bien que votre objectif est d’avoir raison à tout prix, alors que l’honnêteté intellectuelle aurait dû vous conduire à reconnaitre que vous êtes tombé un peu à côté. Au plaisir.

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