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Sonnez trompettes et oriflammes, c’est aujourd’hui la journée de l’Europe. Comme on voulait se mêler à cette grande messe médiatique, on vous (re)propose un entretien avec le journaliste François Ruffin. Autant vous l’avouer, son discours ne cadre pas exactement avec le discours dominant… Même : il se fait un malin plaisir de gâcher la fête. Tant pis, n’est-ce pas ?

François Ruffin : « Si l’Europe sociale est imaginable, ce n’est pas sur les bases de l’Union Européenne. »

samedi 9 mai 2009, par Lémi

Il a débarqué dans les kiosques il y a quelques jours. Avec quelques défauts - sans doute [1] - mais aussi une sacrée gniaque et une vision revigorante du journalisme, sans faux-semblants ni chichis. Le premier numéro de Fakir (le journal qui pique, autrefois réservé aux Picards) à l’échelle nationale donne le ton en s’attaquant à un gros morceau, le projet européen, celui du libre-échange et du libéralisme débridé. Loin, très loin, de l’Europe sociale prétendument en chantier.

François Ruffin, qui n’en est pas à sa première apparition sur ses pages (voir ici et ici), est l’instigateur du projet [2]. Il l’a pensé, mûri, porté sur ses épaules. Également franc-tireur chez Mermet et au Monde Diplomatique, il revient ici sur un idéal de plus en plus flou et sur les errements d’une construction européenne contaminée dès ses débuts par le virus libre-échangiste.


Est-ce qu’il y a encore des espaces où une autre voix sur l’Europe peut se faire entendre ?

Très peu. Les médias sont une machine à propagande, c’est particulièrement flagrant avec l’Europe. Sur ce sujet, ils ne remettent jamais en cause les fondements économiques, ça leur est interdit. Par exemple : hier [3], il y avait une journée consacrée aux Européennes sur France Inter, avec entre autres pour invités le président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering, le responsable du site Café Babel, un Italien très européiste, et pour animateurs des journalistes pro-européens, Nicolas Demorand et Bernard Guetta. La seule chose que tout ce beau monde mettait en avant, c’était Erasmus, qu’ils décrivaient comme le symbole de la réussite européenne. C’est un peu ridicule : Erasmus, ça fait peut-être jeune et Europe qui bouge, mais ça ne représente pas grand monde. Au final, ça concerne uniquement 1% des étudiants européens et les bourses accordées sont généralement minimes.

"Erasmus, ça fait peut-être jeune et Europe qui bouge, mais ça ne représente pas grand monde."

Pourquoi est-ce que ce pseudo-consensus n’est jamais remis en cause ?

Le point commun du PS, de l’UMP du Modem et de tous les partis de gouvernement est l’européisme. Pour eux, c’est un dogme qu’on ne peut pas remettre en cause, comme le libre-échange. Dès que ces sujets - considérés comme les fondements économiques de la société - sont abordés, comme hier sur France Inter, c’est le grand déferlement : la notion de pluralisme disparaît et le débat est occulté dans les médias dominants.

 [4]

Tu as des exemples précis ?

Bien sûr. Par exemple, la France ne compte qu’un seul prix Nobel d’économie, Maurice Allais. Et pourtant – je pense que c’est significatif – on connaît davantage les noms d’Alain Minc, de Jacques Attali ou de Pascal Lamy que le nom de ce monsieur : il est interdit de médias parce qu’il est contre l’Europe du libre-échange et qu’il revendique le protectionnisme pour défendre les salariés. Il est scandaleux qu’un intellectuel de cet acabit n’ait pas le droit de s’exprimer dans les médias simplement parce qu’il est en faveur d’une Europe différente. Pour nous, c’est parfait, puisqu’il prend finalement la parole dans Fakir. Mais même là, ça pose question : quand l’unique entretien publié du seul prix Nobel Français d’économie l’est dans un journal aussi marginal que Fakir, il y a un problème. C’est le signe que toute idée qui n’est pas conforme à la pensée économique dominante est marginalisée.

"Quand l’unique entretien publié du seul prix Nobel Français d’économie l’est dans un journal aussi marginal que Fakir, il y a un problème."

La chape de plomb semble paradoxalement s’être encore plus développée depuis le "Non" du 29 mai 2005.

On entend beaucoup ce discours. Les gens estiment que ce vote n’a rien changé et que le passage en force du Traité de Lisbonne en est la preuve. Je ne suis pas tout à fait d’accord.
Alors, c’est vrai : le soir même, en direct à la télévision, Arlette Chabot et ceux qui l’entouraient, Strauss-Kahn et Cie, niaient ce vote, le réduisant à une victoire nationaliste, comme tous les médias et partis dominants. Pourtant, le 29 mai 2005 a d’abord été un vote de classe : 80 % des ouvriers ont voté pour le "non", comme 67 % des employés et 71 % des chômeurs ; à l’inverse, la grande majorité des cadres a voté pour le "oui". Et on retrouve ce même schéma en Irlande, où les élites tentent aussi de faire comme si la population n’avait pas voté "non".

"Le 29 mai 2005 a d’abord été un vote de classe : 80 % des ouvriers ont voté pour le "non", comme 67 % des employés et 71 % des chômeurs."

Mais je pense qu’il y a des choses qui avancent malgré toutes ces négations de la démocratie. Il ne fallait pas s’attendre à ce que le 29 mai au soir, les socialistes, la droite, les banquiers, les publicitaires, les médias changent leur fusil d’épaule. Cela fait un demi-siècle qu’ils construisent cette Europe du libre-échange, ils n’allaient pas rebrousser chemin d’un coup. L’histoire n’avance pas comme ça.
A la limite, le fait que le gouvernement n’ait pas fait voter les français sur le traité de Lisbonne en le passant en force à l’assemblée est une victoire pour notre camp. Ça veut dire qu’ils savent très bien qu’ils auraient essuyé un échec sévère – 60 ou 65% de non – s’ils avaient organisé un scrutin sur ce traité.

Ces élections à venir ne passionnent pas : le fossé se creuse encore avec les citoyens ?

C’est déjà le cas depuis un bout de temps. Et puis, dans le cas des élections européennes, il n’y a pas ce vrai enjeu qu’on retrouvait en 2005, celui de se positionner pour ou contre l’Europe du libre-échange. Et les gens ont compris que le Parlement européenne était une instance sans poids réel, à l’influence plus limitée que celle de la Commission européenne, pourtant pas élue.
Pour que les gens votent, il faut aussi qu’il y ait des forces politiques convaincantes. Aujourd’hui, il y a les partis du "oui" qui sont organisés d’une manière forte, tandis que ceux du "non" ne se présentent pas de manière unie et crédible. La division du camp du "non" – le Front de Gauche, le NPA et tout un tas d’autres formations plus marginales – sabote en partie ce vote.

Pourquoi cette alliance n’a pas pu se réaliser ?

Je pense que c’est le résultat de tactiques internes. La gauche de gauche ne s’est pas montrée à la hauteur de l’enjeu. Il y avait pourtant une opportunité historique, avec la possibilité de rebondir sur le 29 mai 2005, de réaffirmer l’opposition à l’Europe du libre-échange tout en pointant la crise actuelle. Montrer que cette crise, cette impasse, résulte du libre-échange. C’est un discours crédible qui aurait séduit.

"La gauche de gauche ne s’est pas montrée à la hauteur de l’enjeu. Il y avait pourtant une opportunité historique."

Au fond, je pense que ces formations prouvent leur manque de maturité en agissant ainsi. Il n’y a jamais eu de climat aussi favorable à leur discours, et pourtant les scores risquent d’être limités. Pour prendre un exemple historique : à la veille de 1789, quand ils sont arrivés aux États Généraux, Mirabeau, Brissot, Danton et Robespierre ont commencé par marcher ensemble, avant de s’opposer plus tard ; s’ils avaient fait l’inverse, 1789 n’aurait jamais eu lieu.
Il me semble que si, avant même la première marche politique, on n’arrive pas à trouver un terrain d’entente, c’est mal barré. En face, il y a une machine de guerre : ils ont les entreprises et les banques, les médias, l’Elysée, l’assemblée, le Sénat… Si on veut leur rentrer dedans, il faut construire une force crédible. Ce n’est pas le cas cette fois-ci.

Ils ne vont donc pas être « punis » ?

Il y a de bonnes chances pour qu’ils ne le soient pas. Ceci dit, je pense que se mobiliser de manière marginale peut être utile. Même les petits journaux et les petites réunions servent à quelque chose. Ça s’est vérifié dans le passé : la formation de la classe ouvrière anglaise au 19e ou l’avancée des idées politiques en France au 20e siècle se sont faites par petites étapes. Rappeler que le vote du 29 mai n’a pas été oublié permet de maintenir la flamme allumé. Et un jour, quand il y aura une circonstance historique, cette petite flamme pourra se transformer en incendie.

Tu penses que l’Europe sociale reste une possibilité ?

Non. Si l’Europe sociale est imaginable, ce n’est pas sur les bases de l’Union européenne. Pour exemple, je me suis récemment livré à une généalogie des traités européens pour retracer la genèse de cette idée de libre-circulation des capitaux - y compris avec les pays-tiers - qui m’avait le plus choqué dans le Traité constitutionnel de 2005. Et bien, ça remonte au traité de Rome de 1957 : le vers était déjà dans le fruit à cette époque. Maurice Allais, que je citais tout à l’heure, le remarque également : « Toute la construction européenne et tous les traités relatifs à l’économie internationale (GATT, OCDE, etc.) ont été viciés à leur base par une proposition enseignée et admise sans discussion dans toutes les universités américaines – et à leur suite dans toutes les universités du monde entier : "Le fonctionnement libre et spontané des marchés conduit à une allocation optimale des ressources."  »
Bref, le Traité de Rome proclamait déjà la toute-puissance du marché. C’est pour ça que si on veut une Europe sociale, il faut demander des fondements complètement neufs.


 [5]

Autre exemple, je suis allé à Bruxelles pour enquêter et j’ai vu le poids des lobbies et de l’industrie. Par des plaques, par des cadeaux aux députés, par des réunions où les banquiers parlent côte-à-côte avec Manuel Barroso, le poids de la finance se visualise concrètement. Une présence aussi éhontée des lobbies et de la finance ne passerait pas, par exemple, au sein du parlement français, de la démocratie française. Pourquoi l’accepter au niveau européen ?

Quand on voit ça, il est difficile de s’imaginer un simple raccommodage menant à une Europe sociale. Pour qu’elle devienne sociale, il faudrait une remise à plat radicale. Ce qui demande une exigence populaire, voire un soulèvement populaire.

Tu parlais d’enquête : quelle est l’approche développée par Fakir ?

Fakir, à la base, c’est une une démarche en rupture complète avec l’approche journalistique habituelle. Je te parlais de l’entretien avec Maurice Allais : ça fait un an qu’il traînait dans les cartons, sans nulle part où le publier. Il faut s’interroger : pourquoi personne ne voulait de cette interview avec le seul prix Nobel d’économie français ? De même, le papier sur les lobbies à Bruxelles : je ne l’imagine pas publié ailleurs. Même le Monde Diplomatique ne sera pas dans cette ligne-là, de reportage, d’enquête. Mon approche sur ce genre de papiers, c’est presque du reportage à la Tintin, un peu naïf.
Un peu naïf mais… ça débouche sur quelque chose. Quand tu enquêtes sur les lobbies, tu n’enquêtes pas sur des secrets cachés, tu ne mets pas à jour des complots : tu décris ce que tout le monde pourrait voir. Mon reportage part ainsi d’une plaque apposée sur le Parlement européen, posée à 15 mètres de l’entrée et financée par les lobbies - c’est écrit noir sur blanc. Elle est là, visible, évidente, mais des centaines, des milliers de journalistes sont passés devant elle sans jamais s’interroger dessus. Comment ça se fait ?

"Quand tu enquêtes sur les lobbies, tu n’enquêtes pas sur des secrets cachés, tu ne mets pas à jour des complots : tu décris ce que tout le monde pourrait voir."

Pour moi, les médias classiques reposent sur une double censure. Une censure politique, d’abord, qui refuse le "non" à l’Europe et ne veut pas donner la parole à un économiste défendant le protectionnisme. Mais aussi une censure dans la forme : le journaliste est quelqu’un qui fait des papiers de 1 500 signes extrêmement sérieux mais vides. Pour moi ça se joue autant sur le fond que sur le forme, ce que je montrais d’ailleurs dans Les petits soldats du journalisme.

Deuxième exemple, j’ai aussi enquêté sur Delors, avec un démontage en règle de la politique qu’il a menée entre 1985 et 1995 à l’Union Européenne, et avant ça au sein du Parti socialiste et du ministère de l’Économie. Je me suis coltiné beaucoup d’archives, ça a été long et fastidieux, mais il n’y avait rien de secret, de caché. En visionnant des dizaines de vidéos à l’INA, n’importe qui déboucherait sur la même conclusion que moi : Delors est l’homme des multinationales, la marionnette de l’industrie. On essaye de lui faire une statue de saint homme, on prétend qu’il aurait réconcilié la France avec l’Europe, la gauche avec l’économie. Les archives suffisent pourtant à mettre à jour la vérité : c’est un traitre, un renégat. Et le fait qu’il soit considéré comme un saint et que sa fille revendique son parcours est tout un symbole de ce qu’est aujourd’hui le socialisme français, libre-échangiste et européiste.

La crise financière aura au moins eu le mérite de mettre à mal ce modèle…

Tu crois ? Jusqu’à maintenant, pas tellement je trouve. C’est d’ailleurs ce qui me surprend dans le débat : on présente toujours la crise comme n’ayant rien à voir avec l’Europe. Comme si elle n’avait pas toujours été un encouragement à la libre circulation des capitaux, à la déflation salariale, à la maximisation des profits des entreprises et à la réduction des droits des salariés. C’est pour ça que la crise est aussi fille de l’Europe telle qu’elle s’est construite. C’est d’ailleurs ce qu’expliquait clairement le grand patron Denis Kessler : « L’Europe est une machine à réformer la France malgré elle.  »

Cette machine, il lui a fallu du temps pour se mettre en place. Mais aujourd’hui, elle est devenue très efficace. A preuve, en France, les salaires n’ont plus augmenté plus depuis 20 ans, les temps partiels ont triplé, le travail précaire a été multiplié par deux…C’est pour ça que Kessler et tous ses amis grands patrons sont si satisfaits de l’Europe : ils savent très bien qu’elle contribue fortement à diminuer les salaires et les droits sociaux.

Notes

[1] Votre serviteur pense notamment à un ton uniforme et à une maquette parfois un peu chargée.

[2] Auquel participe JBB, copinage assumé.

[3] Soit le mardi 28 avril

[4] Ce dessin est oeuvre de l’ami Tristan. Tu peux retrouver son très bon coup de crayon sur son blog. Hop !

[5] Signature du Traité de Rome, 25 mars 1957.


39 Messages de forum

  • Constat implacable et sans appel. Quant à eux :

    "La gauche de gauche ne s’est pas montrée à la hauteur de l’enjeu. Il y avait pourtant une opportunité historique."

    DE...SO... LANT !

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  • Petite précision concernant erasmus.

    Pour avoir pu en apprécier les rouages cette année, j’en suis arrivé à la conclusion que Union Européenne ou non, le programme aurait parfaitement pu être mis sur pieds.

    Les accords sont de fait bilatéraux, l’organisme central sert globalement à rien d’autre qu’à filer de faibles bourses. Concretement ce sont les responsables des relations internationales de chaque département des différentes fac qui signent des accords avec leur homologue des autres fac. Le seul intérêt d’une instance supérieure est que les frais d’inscriptions sont payés dans la fac de départ. Intérêt important en France (pour le moment...) mais pas spécialement en Allemagne, Italie ou bien sûr Angleterre. Je suis pas sûr qu’ils trouvent un intérêt à payer 1000eur l’année en Allemagne pour venir faire une année en France qui couterait deux fois moins s’ils s’y inscrivaient directement. Concernant l’Angleterre, pour protéger leur petite élite et leur finances ils ont trouvés la parade : limite au maximum l’offre de cours disponible aux étudiants étrangers.

    L’uniformisation des crédits est une vaste blague : les médecins doivent (certains) revenir en france passer leur exams, le volume de travail et le niveau n’a strictement rien à voir d’un pays à l’autre, etc.

    Dernière chose. Des programmes et des accords d’échanges existent et fonctionnent dans le monde entier, sans organisation politique concrete derriere. La question centrale au finale est d’une part la reconnaissance des diplomes, qui ne peut que se faire sur une base bilatérale et les bourses, qui sont des toutes manières extremement variables selon les regions en France (la Bretagne ou le midi pyrénée étant tres genereux à l’inverse des pays de la loire par exemple) ou les pays en général.

    Donc au final considérer Erasmus comme une réussite de l’UE, pourquoi pas, sauf que rien de ce qui fait l’UE aujourd’hui n’était sérieusement nécessaire pour faire un programme de ce type.

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    • Merci de ces précisions. Il m’a toujours semblé itou qu’Erasmus ne relevait pas vraiment d’une décision européenne, plutôt d’une convergence d’intérêts particuliers, chacun tirant de son côté pour l’adapter à ses besoins. Si on allie tes conclusions à celles de François Ruffin, cela donne : "Erasmus ne concerne quasi personne et ne relève pas particulièrement des instances politiques de l’Union Européenne." Si bien que la chose qu’ils mettent le plus en avant n’est qu’un condensé de vent, une vaste fumisterie. Mais comme Erasmus fait jeune et moderne, personne ne s’avisera jamais de le critiquer : que mettre en avant, sinon ?

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  • Un certain nombre de choses un peu contestables dans cet article, pour le reste intéressant, même si je suis bien plus nuancé que son auteur.

    D’abord, concernant le "Non" irlandais : contrairement au "Non" français, causé d’après une enquête Eurobaromètre par le fait que les Français considéraient que "le TCE allait faire empirer la situation de l’emploi en France" et qu’il était "trop libéral dans son ensemble", le "Non" irlandais était causé par la crainte des Irlandais de voir l’Union européenne leur faire perdre leur neutralité diplomatique, leur imposer une législation plus favorable à l’avortement, et les forcer à adopter une politique économique plus interventionniste (beaucoup tiennent à leurs impôts faibles et proportionnels plus que progressifs).

    Ensuite, concernant le lobbyisme à Bruxelles : OUI, il y a de nombreux lobbyistes à Bruxelles. NON, ils ne sont pas TOUS au service des multinationales : il y a une masse de lobbyistes institutionnels (collectivités territoriales, grandes villes, réseaux d’universités par exemple) et de lobbyistes d’ONG "de gauche" : un exemple, Greenpeace, qui est réellement à la pointe en matière de militantisme et qui n’est pas ignorée, grâce à ça. L’Union européenne, une fois l’union économique achevée, veut se développer dans d’autres domaines, et a trouvé très intéressant de le faire au niveau environnemental, et quoi qu’on puisse critiquer les limites de sa politique environnementale, elles existent (sinon, on ne pourrait pas les critiquer) - mais cela mériterait un autre article.

    Concernant l’absence de pouvoirs de décision du Parlement européen : c’est faux. Son pouvoir de co-décision, en extension réelle, lui donne un droit de veto réel sur les mesures adoptées : pour rappel, c’est le Parlement qui a imposé une révision en profondeur de la "directive Services" (Bolkestein, si vous préférez), avec un impact à long terme bien plus important que n’importe quel vote du Parlement français. D’ailleurs, n’est-ce pas le Parlement européen qui, dans le cadre des débats sur le "paquet télécom", s’est prononcé contre la "double peine" (cumul de la coupure de la connexion Internet avec le fait de devoir la payer malgré tout) ? Et dans le cadre des négociations finales avec la Commission (procédure d’arbitrage, cadre de la codécision), si le Parlement s’attache à cela et que la Commission refuse de céder quoi que ce soit, le texte peut être rejeté. Un autre exemple de pouvoir du Parlement européen : en 1999, il a forcé la Commission Santer à la démission, et en 2004, il a empêché l’Italie de nommer Buttiglione (très conservateur et homophobe) commissaire JLS (Justice, Libertés, Sécurité).

    Enfin, concernant le fait que c’est l’Union européenne en tant que telle qui est coupable de ses évolutions : oui, ses structures sont fondées sur la recherche de l’union économique, oui, elle cherche toujours à résoudre les problèmes qui lui sont présentés par la "régulation du marché", mais d’un autre côté, ceux qui l’ont voulu, conçu, encouragé, etc, ce sont nos dirigeants, qui, ensuite, accusent "Bruxelles", alors que la Commission n’a pas de pouvoir exécutif, elle ne peut donc rien imposer. Elle a simplement le monopole de la proposition de directives et règlements, même si les exécutifs essaient en permanence de râcler le plus possible pour rerécupérer des prérogatives, notamment au niveau des affaires étrangères de l’UE via le Conseil européen, qui s’est en gros emparé de l’initiative des décisions portant sur les sanctions commerciales, lesquelles étaient uniquement proposées par la Commission jusqu’à présent (commerce extérieur + relations extérieures).

    Pour rappel, De Gaulle a accepté le Marché commun parce qu’il considérait que cela développerait économiquement la France, et l’a fait en échange de la PAC + de la politique de coopération (outil post (enfin, néo, à vrai dire) colonial) + d’Euratom. Tous nos dirigeants ont soutenu les développements économiques de l’Union européenne. On peut même dire, en forcissant le trait, que c’est "la faute à la France", puisque le choix de développer d’abord l’outil économique date d’après l’échec de la CED, en 54, "à cause des députés français" : même si la CECA représentait déjà un exemple de projet de gouvernement économique assez intéressant (pour un secteur précis, le charbon et l’acier, et pour des raisons précises, pacifier l’Allemagne), on avait considéré que l’intégration européenne se ferait logiquement à partir du moment où on constituerait une "armée européenne". Mais évidemment, il faut aussi s’adresser aux dirigeants qui, à cette époque, mettaient en place dans leurs pays respectifs des outils intéressants de planification, mais qui n’ont aucunement cherché à coordonner ça au niveau européen. Après, au niveau de la politique sociale en particulier, n’oublions pas que les Etats regardent également ça comme un outil régalien d’unification nationale : la politique sociale a été un outil d’imposition des formes plus ou moins modernes de l’Etat à une époque où elles étaient encore contestées (années 1870 - 1880, par exemple en France et en Allemagne). Il est logique qu’une institution s’accroche à son pouvoir, même s’il est vrai que l’Union européenne pourrait avoir un pouvoir démultiplicateur. Enfin, pour l’instant, on est sensés se contenter du Fond social européen, qui finance il est vrai des projets intéressants (ça, par exemple : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_compl%C3%A9mentaire_Sol ). Et il faudrait aussi que l’Union européenne puisse financer les projets au-dessus d’une limite fixée, on ne sait trop pourquoi, à 30% (sauf pour l’humanitaire), mais ça marcherait mieux si l’Union avait plus de fric - au hasard, il faudrait que les Etats acceptent de lui donner plus de pouvoirs au niveau fiscal, et que des groupes de pression se forment, au niveau par exemple du Parlement européen, en ce sens, mais je doute bien que c’est assez complexe à mettre en œuvre - et certainement pas adapté au format court du journalisme.

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    • Un certain nombre de choses complètement fausses dans ce mot, mélange tout et n’importe quoi et de plus sont à côté de ce qui a été dit, j’en remballe une partie, pas tout. Je laisse aux courageux la suite.

      "D’abord, concernant le "Non" irlandais : contrairement au "Non" français, causé d’après une enquête Eurobaromètre par le fait que les Français considéraient que "le TCE allait faire empirer la situation de l’emploi en France" et qu’il était "trop libéral dans son ensemble", le "Non" irlandais était causé par la crainte des Irlandais de voir l’Union européenne leur faire perdre leur neutralité diplomatique, leur imposer une législation plus favorable à l’avortement, et les forcer à adopter une politique économique plus interventionniste (beaucoup tiennent à leurs impôts faibles et proportionnels plus que progressifs)."

      1 - L’eurobaromètre ne mesure qu’a priori en fonction de ses instruments relevant du marketing. Quand bien même la motivation entre les nons seraient divergentes, le résultat est le même, l’auteur ne dit rien de plus rien de moins. Cette première contestation est nulle et non avenue, puisqu’elle veut faire dire à l’auteur ce qu’il n’a pas dit, pour faire croire ensuite que son propos est contestable.

      "Ensuite, concernant le lobbyisme à Bruxelles : OUI, il y a de nombreux lobbyistes à Bruxelles. NON, ils ne sont pas TOUS au service des multinationales : il y a une masse de lobbyistes institutionnels (collectivités territoriales, grandes villes, réseaux d’universités par exemple) et de lobbyistes d’ONG "de gauche" : un exemple, Greenpeace, qui est réellement à la pointe en matière de militantisme et qui n’est pas ignorée, grâce à ça."

      2 - Sauf que là, il faut être peu honnête pour faire comme si les proportions et les influences étaient les mêmes. Et, faire passer pour des lobbys relevant des pouvoirs privées pour des entités identiques à des institutions publiques, faut pas avoir peur de manipuler les termes jusqu’à l’absurde. La remarque est donc frelatée et viciée mais en aucun cas nuancée. Il n’y a pas homogénéité et unité des formes et des pouvoirs, et cette distorsion sémantique est loin d’être respectueuse du minimum nécessaire au débat.

      Quant à l’écologie, un des derniers numéros d’Actes de la recherche en sciences sociales, montrent clairement que l’union et les lobbys économiques privés jouent contre toutes politiques écologiques.

      " L’Union européenne, une fois l’union économique achevée, veut se développer dans d’autres domaines, et a trouvé très intéressant de le faire au niveau environnemental, et quoi qu’on puisse critiquer les limites de sa politique environnementale, elles existent (sinon, on ne pourrait pas les critiquer) - mais cela mériterait un autre article."

      3 - C’est comme les droits sociaux ! après maastricht ? le TCE et Lisbonne ? Trève d’imbécilités mensongères, allons !

      "Concernant l’absence de pouvoirs de décision du Parlement européen : c’est faux. Son pouvoir de co-décision, en extension réelle, lui donne un droit de veto réel sur les mesures adoptées : pour rappel, c’est le Parlement qui a imposé une révision en profondeur de la "directive Services" (Bolkestein, si vous préférez), avec un impact à long terme bien plus important que n’importe quel vote du Parlement français."

      4 - Là encore l’argument est d’une mauvaise foi assez dérangeante, car il fait prendre l’exception pour la règle. De plus il est hors sujet par rapport au texte. Même si ce parlement a un pouvoir, il ne va que dans un sens d’où son inutilité sur le plan démocratique.

      " D’ailleurs, n’est-ce pas le Parlement européen qui, dans le cadre des débats sur le "paquet télécom", s’est prononcé contre la "double peine" (cumul de la coupure de la connexion Internet avec le fait de devoir la payer malgré tout) ? Et dans le cadre des négociations finales avec la Commission (procédure d’arbitrage, cadre de la codécision), si le Parlement s’attache à cela et que la Commission refuse de céder quoi que ce soit, le texte peut être rejeté. Un autre exemple de pouvoir du Parlement européen : en 1999, il a forcé la Commission Santer à la démission, et en 2004, il a empêché l’Italie de nommer Buttiglione (très conservateur et homophobe) commissaire JLS (Justice, Libertés, Sécurité)."

      5 - Là effectivement, chapeau bas, je crois que j’ai rarement eu affaire à des preuves d’une telle vacuïté. Les utilisateurs d’internet viennent de voter "oui" rétroactivement au TCE et tremblent de jouissance devant cette témérité. Les autres s’en tapent.

      "Enfin, concernant le fait que c’est l’Union européenne en tant que telle qui est coupable de ses évolutions : oui, ses structures sont fondées sur la recherche de l’union économique, oui, elle cherche toujours à résoudre les problèmes qui lui sont présentés par la "régulation du marché""

      6 - Voilà encore un détail absolument mensonger qui, de plus, fait mine encore une fois de ne pas avoir lu le contenu de l’entretien. L’UE tente de mettre en place une politique économique unique, stricte, sans le moindre respect pour la démocratie. Elle le fait dans l’intérêt des classes sociales puissantes et pour le désintérêt des basses classes. C’est ca, le problème.

      "mais d’un autre côté, ceux qui l’ont voulu, conçu, encouragé, etc, ce sont nos dirigeants, qui, ensuite, accusent "Bruxelles","

      7 - B. Guetta n’aurait pas dit mieux.

      "La Commission n’a pas de pouvoir exécutif, elle ne peut donc rien imposer. Elle a simplement le monopole de la proposition de directives et règlements, même si les exécutifs essaient en permanence de râcler le plus possible pour rerécupérer des prérogatives, notamment au niveau des affaires étrangères de l’UE via le Conseil européen, qui s’est en gros emparé de l’initiative des décisions portant sur les sanctions commerciales, lesquelles étaient uniquement proposées par la Commission jusqu’à présent (commerce extérieur + relations extérieures)."

      8 - Delirium total. Contrafactuel, pas l’envie de répondre.

      "Pour rappel, De Gaulle a accepté le Marché commun parce qu’il considérait que cela développerait économiquement la France, et l’a fait en échange de la PAC + de la politique de coopération (outil post (enfin, néo, à vrai dire) colonial) + d’Euratom. Tous nos dirigeants ont soutenu les développements économiques de l’Union européenne."

      9 - Confusion historiographique grave couramment dénommée anachronisme.

      "au hasard, il faudrait que les Etats acceptent de lui donner plus de pouvoirs au niveau fiscal, et que des groupes de pression se forment, au niveau par exemple du Parlement européen, en ce sens, mais je doute bien que c’est assez complexe à mettre en œuvre"

      10- Ca existe, ca s’appelle le dumping fiscal et les normes promues au moins disants sont protégés et soutenues par l’UE. On ne peut pas donner plus de pouvoir.

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      • @ Le Putsch :
        Je vais être franc : c’est dimanche matin, les oiseaux chantent et ma voisine Marilyn bronze en maillot de bain sur son balcon, je ne vais surement pas prendre une heure à répondre à cette déferlante d’arguments contradictoires, j’en suis désolé mais bon. D’abord, Angelo (que son nom soit loué sur mille génération) y a pas mal répondu. Et puis, nous partons de bases tellement divergentes que je crains de ne rien pouvoir faire pour vous. Même si vous maitrisez visiblement votre sujet, vous êtes soluble dans le discours dominant : vous ne retenez que les rares moments ou l’UE telle qu’ils la construisent s’est vue ralentir le temps de contourner la chose.
        J’acquiesce par contre à une de vos remarques : l’ensemble mériterait plus d’articles. Chaque point soulevé mériterait qu’on y revienne plus en profondeur.

        @ Angelo :
        Je vous aime. Et bravo pour votre "courage".

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      • Un commentaire général pour commencer :

        - Il faut bien comprendre que l’objet de mon intervention n’est pas de faire la "défense" de l’Union européenne, mais de signaler que l’Union européenne est ce que les leaders politiques en font. Ce qui se fait au niveau européen n’est que la volonté de dirigeants qui font, au fond, la même chose au niveau national.

        - Néanmoins, j’essaye de tenir un discours relativement nuancé par rapport à ce qui se fait au niveau européen.

        Ensuite, concernant ce que vous avancez pour remettre en cause mes arguments : je vais essayer d’y répondre.

        Point 1 :
        - Le propos de l’auteur du texte est de présenter le "non" au TCE comme un "vote de classe". Mon propos est de nuancer cette approche, qui peut avoir une cohérence en France, mais qui perd toute cohérence dans le cas irlandais : si les dirigeants irlandais tendent à vouloir remettre en cause le résultat de leur propre référendum, c’est parce qu’ils y ont intérêt (pression des autres pays - positionnement propre d’eux au niveau européen - intérêt du fric qu’apporte l’UE à l’Irlande), néanmoins, les arguments qui leur ont été opposés sont des arguments qui n’ont rien à voir avec un vote de classe, et bien plus à un arrière-plan "nationaliste" de la population irlandaise, agrémenté de conservatisme catholique isolationniste.

        Point 2 :
        - EVIDEMMENT, les lobbys soutenant des positions privées et institutionnelles disposent de bien plus de moyens financiers que la plupart des lobbys d’ONG. Néanmoins, cela ne suffit pas forcément : l’argent ne fait pas tout, dans le lobbyisme, il y a aussi la stratégie de communication et la connaissance du sujet, et justement, un petit nombre d’ONG, notamment dans le domaine environnemental, a un temps d’avance de ce côté-là, et en dépit du fait que leurs revendications ne sont pas forcément entendues (nombre de substances chimiques touchées par REACH divisées par 3 ; rejets de carbone par les voitures moins diminués que prévu ; financement alloué aux programmes de stockage de carbone plus faible que prévu (200 m€ au lieu de 500 m€), etc), elles ont malgré tout de l’écho : parce que l’Union européenne, c’est aussi le principe de précaution, les normes environnementales sur la qualité de l’air ou de l’eau, les quotas halieutiques, Natura 2000, etc etc. Est-ce que, si seuls les lobbys des grandes entreprises avaient un écho à Bruxelles, ce serait possible, ça ?

        Point 3 :
        - Ma réponse d’au-dessus concernant les avancées environnementales que la France n’aurait pas faite toute seule est également valable. Egalement, je précise qu’il y a d’autres moyens de nuancer la politique menée par l’Union européenne en ce sens. Notamment, au niveau environnemental, l’UE a commencé à s’intéresser au sujet en 1986 sur la base d’un problème au niveau du COMMERCE entre deux Etats membres, et du fait en particulier que des normes de protection environnementales pouvaient entraver le commerce : c’est en s’appuyant là-dessus que l’UE s’est emparée du sujet. Donc, OUI, je nuance mon propos, mais NON, l’UE n’est pas inactive sur le plan environnemental (en tout cas, elle est plus active pour les questions environnementales que pour les questions sociales, c’est clair et net).

        Point 4 :
        - Le Parlement européen a un pouvoir, nous sommes bien d’accord. Qu’entendez-vous par "sens" du pouvoir ? Qu’il maintient "l’institution européenne" ? Evidemment, la révolution ne se fera pas au Parlement européen. Pour autant, il ne va pas toujours dans le sens de la Commission et des Etats (un autre exemple : le "paquet climat").

        Point 5 :
        - Il n’y a absolument RIEN À VOIR entre ce que j’ai dit et l’idée que "les utilisateurs d’Internet auraient rétrospectivement voté oui au TCE". Pour votre information, j’étais contre le TCE en 2005 et considère que son rejet est une bonne chose aujourd’hui encore : le problème vient du fait que les leaders politiques n’ont pas fait ce qu’il y avait à faire par la suite pour produire un texte moins libéral - je pense que si ce rejet s’était produit dans le contexte de la crise économique actuelle, les choses auraient été différentes. Pour ce qui est du Parlement européen, il gagne du pouvoir en dépit du rejet du TCE, et malgré les pressions dans le sens contraire des gouvernements nationaux. Pourquoi fondamentalement y voir du mal ? (il est évident que la révolution ne se fera pas au Parlement européen ; tout comme elle ne se fera pas à l’Assemblée nationale, à vrai dire)

        Points 6 et 7 :
        - La politique économique stricte de l’Union européenne a été voulue, encouragée et appuyée par les Etats. Les élites en question sont au pouvoir dans les Etats, rejeter l’Union européenne parce qu’ils s’en sont servis en ce sens alors que l’Union européenne dispose malgré tout d’outils démocratiques réellement intéressants et qui permettent, parfois, de "doubler" la volonté des élites politiques au niveau national, c’est assez idiot. On pourrait dire que les Etats y avaient intérêt, parce que cette unification économique les a enrichi, et, historiquement, leur a permis de sortir du marasme d’après-guerre. Je ne dis pas que ce ne sont pas les élites politiques qui en ont profité d’abord et avant tout : simplement, ce sont les élites nationales qu’il faut mettre en cause, élites qui, ensuite, se reflètent au niveau européen.

        Point 8 :
        - Faisons simple : factuel, au contraire. La Commission n’a PAS de pouvoir exécutif : elle a un pouvoir d’initiative, et ensuite de contrôle de ce qui se fait. Le Parlement européen peut, en fonction de la procédure, amender voire empêcher l’adoption d’un règlement ; les Etats se prononcent à la majorité qualifiée ou à l’unanimité, et contrôlent ensuite longuement l’application des directives, via des négociations dans ce qu’on appelle le processus de "comitologie" : des experts nationaux délégués par les gouvernements qui délibèrent sur les modalités d’application des directives.

        Point 10 :
        - Le "dumping fiscal" est une pratique des Etats, et lorsque la Commission négocie (avec les Etats, encore une fois) sur les normes qu’elle propose, ce sont les Etats qui sont les partisans du moins-disant.

        Pour finir, un commentaire général : l’objet de mes constatations n’est pas de défendre l’Union européenne telle qu’elle est actuellement, mais de constater qu’il n’y a pas lieu de la rejeter en bloc comme si elle ne servait à rien, et de suggérer que si on prenait le temps de s’intéresser aux pouvoirs sur lesquels on peut faire levier actuellement (le Parlement européen, je me répète), il y a moyen d’envisager une évolution des choses ; et que l’obstacle principale, c’est le plus souvent les Etats, même si bien évidemment, la Commission européenne est très fréquemment critiquable.

        @ Lémi :

        J’ai, dans mon message précédent, volontairement mis en avant certains éléments en vue de nuancer le débat. Néanmoins, je peux tout aussi bien avancer des éléments très intéressants pour critiquer l’action de l’Union européenne, au niveau environnemental par exemple. Par exemple au niveau des OGM, où les administrations européennes se limitent aux rapports pondus par les producteurs d’OGM, et où la Commission laisse passer plein de trucs au niveau des négociations à l’OMC. Mais là aussi : ce que fait l’Union européenne, les Etats l’auraient fait également.

        Et je serai heureux de débattre de nouveaux articles portant sur l’Union européenne, s’il y a lieu. :)

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        • "ce que fait l’Union européenne, les Etats l’auraient fait également." : c’est bien là le problème, à mon avis. Si aucun parti de gouvernement ne s’élève contre l’Europe telle qu’elle se fait, si l’idée d’Europe du libre échange n’est jamais réellement remise en cause, c’est que ses fondements sont profondément ancrés au cœur des pays membres depuis sa création. La critique européenne de François Ruffin rejoint une critique d’ordre national. Les deux avancent de concert, en quelque sorte. Même si, j’en reste convaincu, l’Europe permet souvent de contourner le national (cf. Kessler, le grand humaniste :"L’Europe est une machine à réformer la France malgré elle"), comme ce fut le cas avec le traité de Lisbonne.

          "Et je serai heureux de débattre de nouveaux articles portant sur l’Union européenne" : argh (plus sérieusement, je suis impressionné par la taille de vos commentaires et votre abnégation dominicale)

          Salutations (et je ne voulais pas vous enfermer dans une opinion, on est bien d’accord. Mais vous parliez du "format court du journalisme". Et je soulignerais le "format encore beaucoup plus court du commentaire", tel que je le pratique en tout cas, survie oblige. Ça oblige à parfois enfermer dans un cadre)

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          • A putsch : J’ai fait ce commentaire samedi soir tard, et je dois dire que j’ai peu argumenté. J’ai laissé passer l’eau… pour qu’on puisse y voir plus clair. Mais il est évident que le commentaire est trop long et reprend parfois des lieux communs un peu lourds ou fait des erreurs de proportion. A lémi : Tu me déclares ton amour en me vouvoyant ? Et bien moi en te tutoyant : je t’aime aussi et j’aime aussi beaucoup le boulot que vous faites.

            Point 1 : c’est faux. Il y a confusion des registres à double titre. 1 – le vote de classe en France et en une chose et quand bien même les motivations entre les classes laborieuses irlandaises et françaises seraient opposées, cela n’enlèverait rien au constat du vote de classe. 2 – L’auteur parle d’une identité de gestion politique des médias de l’après non. C’est la deuxième erreur, celle-ci non conceptuelle, mais de lecture.

            Point 2 : Évidement, il y a de petites ONG écolo, dis-tu, dont l’action qui n’a aucun, ou très peu effet sur la politique de l’UE. L’argument initial est donc nul et non avenu, tu l’as toi-même démonté.

            Point 3 : „UE n’est pas inactive sur le plan environnemental” qui a dit le contraire ? Mais il faudrait dire qu’elle est à peine active. Ce n’est pas à mes propos que tu t’adresses, car ils n’existent pas. 4 : ca irait loin et sans vraiment d’intérêt. Je dirai seulement que la direction idéologique centrale du parlement dans ces décisions est à sens unique. Evidemment, il y a des décisions périphériques, mais elles ne remettent pas en cause le tronc central, d’où mon point 5.

            Point 5 : c’était un propos ironique.

            Point 6-7 : Il y a toute une histoire de l’UE. Les politiques de base de l’après guerre cherchaient à éviter la guerre et un niveau de concurrence trop élevé de manière à pouvoir garder un équilibre sociétal donné et des inégalités acceptables. Autrement dit on faisait bien un marché des politiques économiques communes, mais réglementé et en gardant des marges politiques qui laissent la place à la décision collective etc. etc. Aujourd’hui, c’est le contraire, d’où le terme de capitalisme déréglementé.

            Point 8 : camarade, encore une fois, tu as un propos contradictoire. Si la commission peut rendre des décisions exécutoires, alors elle a un pouvoir… exécutif ! En fait, on peut aller plus loin. Formellement, la commission n’est pas l’exécutif européen. Je suis bien d’accord avec toi. Cependant, cela ne veut pas dire qu’elle n’a pas de pouvoir exécutif. Il suffit de penser aux contentieux en matières économiques et de réglementation économiques. Allons encore un peu plus loin, car c’est une illusion que la commission s’attache à entretenir, le droit des traités pour reprendre ce que dit Lordon dans les cahiers du Ceri « est notoirement sous déterminé ». Il faut le rendre applicable, ce qui permet d’intervenir de manière exécutoire. (http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/33/discu_crit.pdf). On est face à une institution qui crée de la jurisprudence en termes de règlements économiques. Il faut parfois éviter de se laisser prendre au piège.

            Point 10 : Oui. Mais le dumping social et écologique (etc.) ne peut exister sans un cadre réglementaire qui lui est favorable. Or ce cadre ne tombe pas du ciel… Maintenant, si tu veux aller plus loin, ce ne sont pas des États, mais des élites autonomisées des États dont il est question.

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  • " Quand on voit ça, il est difficile de s’imaginer un simple raccommodage menant à une Europe sociale. Pour qu’elle devienne sociale, il faudrait une remise à plat radicale. Ce qui demande une exigence populaire, voire un soulèvement populaire." Que ça fait plaisir de lire cette retranscription des propos de François Ruffin (comme tout le reste de l’article d’ailleurs). Sans vouloir à tout prix tout mettre à feu et à sang, face à la "machine de guerre" d’en face, il me semble que c’est le degré minimal de détermination dont un opposant "sérieux" doit faire preuve. Au moins dans son discours. Sinon, impossible de faire le poids. Bref je réhabilite François Ruffin qui m’avait plutot foutu la frousse lors d’une émission de Là-bas si j’y suis présentant son dernier bouquin (http://www.la-bas.org/article.php3 ?id_article=1519&var_recherche=La+guerre+des+classes dernière séquence, environ 03:20).

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  • Première fois que je lis un article intéressant (et compréhensible, sous-entendu sans langue de bois) sur l’Europe ! Merci.

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  • Bonjour,

    Tu écris « Le point commun du PS, de l’UMP du Modem et de tous les partis de gouvernement est l’européisme. »

    Personellement, je classe ces partis historiques comme "constitutionnalistes". Cela signifie qu’ils sont pour les structures actuelles de l’Europe et partisans du oui à la fausse constitution Giscard proposée en 2005.

    Qu’en penses-tu ? Ne serais-ce pas un meilleur repère ?

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  • «  Si l’Europe sociale est imaginable, ce n’est pas sur les bases de l’Union Européenne. »

    Nous pourrions, malgrès quelques contre-exemples, dire de même pour « L’Europe écologiste ».

    QUE FAIRE ?

    Certainement pas nous abstenir de voter le mois prochain, ce que semble montrer les sondages !

    Certes, le système Européen est à vomir et nos élus sont des fantoches sans réels pouvoirs mais ce serait oublier un peut vite qu’une élection reste au moins un moyen d’expression, ce qui n’est pas zéro.

    Les partis constutionnalistes ne sont pas seuls et voter n’importe quoi d’autre peut être un moyen de les désavouer, ce qu’ils redoutent déjà ! (La preuve en est le faible intéret des médias pour la campagne.)

    Coté alternatives le choix ne va pas manquer, des anti-capitalistes aux anti-sionistes en passant par les décroissants...

    Il y a aussi les écolos indépendants.

    Voir à ce propos la vidéo de Francis.

    Bon... Au moins VOTEZ ! N’importe quoi sauf pour les partis historiques et leurs alliés !

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    • A titre personnel, l’incitation au vote me laisse plutôt froid. La déroute est annoncée, la mascarade probable. Et ce n’est pas Francis Lalanne qui va me faire changer d’avis (qu’il est mignon... Bordel, si on en est réduit à ça pour se mobiliser). Quand aux anti-sionistes, je préfère ne même pas réagir...
      "une élection reste au moins un moyen d’expression, ce qui n’est pas zéro" : en l’occurrence, j’aurais tendance à penser que pour ces élections, le zéro est bien la règle. Il se peut que je me trompe.

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    • Il y a eu un référendum en 2005, les médias, les principaux partis politiques ont dit aux gens de voter oui et ils ont voté non quand même.

      On leur a répondu : "fermez-là", et les politiques ont voté le traité de Lisbonne qui est celui de 2005 sans référendum.

      De l’avis de la population, les technocrates qui font l’europe n’en ont rien, mais alors rien à foutre. Et ils ont raison puisqu’à l’arrivée c’est eux qui décident.

      C’est pourquoi les gens ne vont pas sans doute pas ou peu voter, parce que la preuve est faite que ça ne sert à rien.

      De plus, prendre appui sur cette élection-bidon pour regretter qu’il n’y ait pas eu une vraie union de la gauche de gauche (et blablabla et blablabla) est d’une grande hypocrisie. Comme si la division des leaders de la gauche de gauche n’était pas profonde : il suffit de leur demander, à ces leaders : "que faisiez vous dans la nuit (de la gauche) entre 1997 et 2002 ?"

      Alors voter à ces élections ou pas a très peu d’importance par rapport au combat social contre le néo libéralisme en cours.

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    • Bonjour,

      Elections illégales ? Peut-on penser que après le non au traité de Lisbonne on puisse continuer les processus Européens comme auparavant ?

      Le plus important, à mon sens, est que prendre part à un vote quel qu’il soit , c’est ACCEPTER LE REJET par nos politiques DU "NON" de 2005.

      Simple et difficile à exprimer simplement - l’idée de continuer à collaborer avec des pouvoirs qui rejettent les votes des électeurs + l’impossibilité de faire prendre en compte, dans un scrutin, les bulletins blancs (signe du rejet des choix proposés), je ne parle même pas du fait que je ne peux pas voter pour, par exemple, une liste Allemande ou Anglaise (ce qui fait de tout ce cirque une élection d’enjeu national et non européen) - , fait que participer à cette élection ne fera que conforter nos dirigeants dans leur choix de nier les résultats des urnes !

      Ouf !

      Je ne voterai pas.

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  • François Ruffin : « Si l’Europe sociale est imaginable, ce n’est pas sur les bases de l’Union Européenne. »

    OK, ça c’est intégré. Mais alors "sur quelles bases ?"

    Le défi est de le mettre noir sur blanc, pour convaincre. Convaincre le plus grand nombre. Y compris les européistes actuels convaincus. Je parle des électeurs, non des leaders d’opinion.

    Dire non, en mettant en oeuvre un nouveau OUI... CREDIBLE

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  • Merci pour cet article. Mais juste une remarque : quand vous(tu) dites que ce qui se passe en Europe ne pourrait pas se passer dans la démocratie française, vous oubliez tout simplement un "petit" détail : les réseaux souterrains qui sont le vrais décideurs de nos politiques. Allez voir par exemple le livre de Sophie Coignard un Etat dans l’Etat, juste un petit tour... Et il y en d’autres (réseaux) qui parachèvent le tout

    La France n’est plus une démocratie. Ce n’est pas une raison ceci dit pour croire que l’Europe l’est davantage, je n’ai pas dit çà !!

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  • Et si on sortait de "l’europe" ?

    Ce serait-y pas plus simple ?

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  • Merci pour cet entretien très intéressant.

    "L’Union européenne comme force pour contrer les Etats-Unis", voilà la grosse couleuvre que le pouvoir continue de faire avaler aux gogos. Un média-mensonge de plus...

    Hélas, un cauchemar se prépare dans notre dos. Il a pour nom "Union transatlantique" et le projet est ressorti des cartons. Il en est question ici, ou encore ...

    A mon sens, il est vraiment difficile d’être optimiste quant à notre avenir. Tant que la gauche restera divisée et les gens désinformés, il n’y aura aucune issue.

    Mais je salue la gniaque du Fakir et de quelques autres !

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