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Très drôle — L’homosexualité version « grand public »

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Wellan Bolanga

par Wellan Bolanga - Samedi 30 juillet 2011

Né à Douala en 1982, de père camerounais et de mère helvétique et doté de diverses origines, Wellan Bolanga n’est pas tant militant qu’agité par sa conscience. Il a grandi à Lausanne (Suisse) et a travaillé en milieu médical et paramédical tout en intégrant diverses formations théâtrales et musicales entre Lausanne et Genève. Il se prépare à reprendre des études littéraires germaniques à Paris.  

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Les blagues pleuvent sur nous en ce moment. Il y a le célèbre « Je n’aime pas mettre de suppositoire dans mon trou, moi, je ne suis pas pédé », les fameux jokes sur des personnages qui s’enfoncent des fruits dans le cul parce que c’est la condition posée par le chef d’une tribu cannibale pour ne pas être mangés (Un Belge, un Français, un Portugais capturés par une tribu cannibale, etc…). Il y a les références automatiques au plus vieux métier du monde, l’homosexualité pratiquée plus par caprice et par intérêt financier que par nature, l’homosexualité des mecs putes qu’on voit s’exprimer sur TF1 ou celle des lesbiennes de RTL9. 

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n y fait tout avec tout le monde parce que ça rapporte plus de fric (ou de freak, suivant les avis). Il semble d’ailleurs que toutes les femmes soient lesbiennes et prêtes à se jeter à deux sur toutes les braguettes pour en tirer le maximum de jus. Bref, le cul est l’antre sacré dont seuls les désaxés ne semblent pas fermer l’accès.  D’ailleurs,  officiellement la femme ou l’homme respectable qu’on applaudit dans les talk shows n’écarte jamais les cuisses, ne fait pas pipi, ne fait pas caca. Autrement, c’est « Toute une Histoire » (Prononcez « Teuteunistuare »)!

À part les acteurs porno, les mecs ne sont pas pédés, c’est connu, mais les femmes sont toutes des gouines gourmandes bien vicieuses qui se révèlent devant la caméra. En plus, il faut toujours que le pédé ou la gouine soit « gros(se) » quand on les évoque, comme s’ils ne faisaient pas attention à leur ligne. Personne n’a vu The L World, ni Queer As Folk. La seule rédemption grand public, c’est du Brokeback Mountain, de l’homo qui finit triste, mais que ni Brad Pitt, ni Joaquin Phoenix ne voulaient incarner. Il y a bien eu Philadelphia, touchant pour les hétéros, mais il a été porté par un Tom Hanks à tronche de rigolade et un Banderas quasi asexué pour l’occasion, et pédé désaxé, dans d’autres prouesses, « perpétrées » au nom d’Almodovar.

 

 

Immersion dans ma normalité d’origine

 

Si j’étais hétérosexuel, à quels clichés serais-je susceptible d’adhérer concernant l’homosexualité ? Les grimaces des medias, quand il s’agit d’homosexualité, s’accordent parfaitement avec les vieux propos de bistrot. On ne construit pas de famille par la porte arrière, « faire un enfant dans le dos à quelqu’un » reste une expression. Ah, la famille et la perpétuation du nom! Priscilla, folle du désert ou pas, doit trouver au moins le moyen de s’accoupler avec un Priscillo et faire un gosse, Dan Futterman a fait une erreur sexy en jouant dans Urbania qui n’est passé que très rarement et tard le soir, après avoir été le gendre idéal dans The Birdcage, remake d’une célébrissime célébration cinématographique des tatas. Ah Renato ! My Own Private Idaho se devait d’être un truc de toxicos gays et catins devant bouffer de la bite pour bouffer autre chose, un truc dont Keanu s’est largement éloigné en donnant la trique par la grande porte de Matrix (encore une allusion aux bébés et à la reproduction, babes).

 

Né en Afrique, j’ai souvent rencontré cette « évidence » suivant laquelle le mariage et la lignée étaient incontournables. Dans les années 80, en pleine capitale économique du Cameroun, un gosse de 7 ans, assis en culotte courte sur la barrière d’une terrasse pouvait s’entendre demander, juste pour ce fait, s’il était « pédé ».

Dans les années 2010, croisez un mec d’origine africaine en ville de Lausanne, si des connaissances communes lui ont vaguement parlé de vous, il voudra vous sauver de votre solitude en vous expliquant qu’il vous faut aller « prendre femme au pays ».

 

Quelques Africains vivent avec des amants en ville de Genève, de Zürich ou encore, un peu plus discrètement, en ville de Lausanne.

Il va de soi que « ce n’est qu’un penchant » sur lequel on ferme les yeux parce qu’ils sont mariés en Afrique et qu’il s’agit de ne pas parler d’une « perversion », de garder le tabou « bien à sa place ». L’homosexualité, pense-t-on, est une « bizarrerie de Blancs » et on ne sait pas qui chez eux « fait l’homme ou la femme ». N’allez surtout pas répondre que ça dépend des soirs et de qui a décidé d’ovuler, on ne vous croirait pas.

 

Interrogez vos frères et sœurs nés en Afrique sous le régime de l’hétérosexualité absolue de droit divin. Ils pourront vous parler du « bizarre Vincent Mc Doom », qu’ils ont découvert en regardant la télé, de cet épisode de Cold Case où un représentant de l’homosexualité est un jeune transformiste que l’on assassine.

On vous parlera de ces vieux télécrochets où un « homosexuel typique » pleurait comme une madeleine parce qu’il avait peur de perdre au jeu. Il y a aussi eu les quotas obligeant à choisir « forcément », pour de la télé-réalité, le seul gay prêt à dire ouvertement à ses « colocataires « qu’il « crève la dalle de sexe » après avoir été enfermé dans un loft.

Bref, les médias choisissent leurs gays « bien mûrs », comme on cueille une blonde à forte poitrine ou un « basketteur noir », pour définir une espèce.

 

Il n’y a pas de mal à être coquette quand on est joli garçon, seulement, à force de ne voir que de beaux damoiseaux à talons hauts, comment expliquer ensuite à Madame, Mademoiselle et Monsieur la distinction entre métrosexuels et homosexuels ? Chacun ses codes, mais sans décodeur, une manifestation peut être golée comme un carnaval et horrifier les fortes natures.

 

 

« Perversité humaine »

 

Il n’y a pas si longtemps que ça, ma cousine (dont je ne donnerai  ni le nom, ni les coordonnées car elle est vraiment adorable) me disait qu’elle pensait que l’on ne pouvait pas naître homosexuel et que « la perversité humaine » était la cause de l’homosexualité». J’avais d’ailleurs appris que si je me risquais à regarder des pornos, je « pouvais devenir homosexuel ». Quelques années plus tard, elle me disait encore qu’il me faudrait me trouver une copine et m’installer avec. Je suppose qu’il faut se débrouiller comme on peut avec n’importe qui, pourvu que la personne soit du sexe opposé.

 

« Ah c’qu’on est bien dans les bras d’une pas personne du sexe opposé », Guy Béart ? « On » l’est vraiment ? « Les gens le sont tous » ? Peut-être s’agit-il de ce fameux « tout homme normalement constitué » dont « tout le monde parle » quand il s’agit d’évoquer la réaction à avoir face à une jolie fille. On s’exprime ainsi partout que l’on soit prof de français dans un gymnase lausannois en 2000 ou présentateur de jeu télé français sur France 2 en 2010.

 

Regarder Tout le monde veut prendre sa place, c’est aussi s’intéresser à un animateur qui trouve le moyen de faire siffler son public contre les remarques dures envers les Arabes et de faire rire sur les homos car il est drôle et bizarre d’être homosexuel, même pour les Parisiens, dans un milieu télévisuel où c’est encore une curiosité. Notre animateur jovial embarrasse un homme par des insinuations, soit parce qu’il n’a pas toujours goûté qu’au sexe opposé et le candidat se dépêche de saluer sa chérie à la caméra. Ah, la bonne blague que voilà ! Avec la blonde stupide qui écaille les Smarties pour faire des cookies parce qu’il y a pénurie de pépites de chocolat dans le monde, le drogué flemmard originaire du Tiers-Monde, la lesbienne camionneuse et le pédé de music-hall ont leur place dans la fanfare des risibles.

 

Faut avouer qu’Omar, Fred et Élie Semoun nous font tous sacrément plus marrer que la « bite des Nègres » de Sevran, les propos parfumés au souffre de Guerlain ou les élucubrations de Dieudonné, même si, comme on dit, « il n’y a pas mort d’homme ».

 

Je n’ai jamais été intégré dans une communauté quelle qu’elle soit, je ne dis pas que je m’oppose à le faire, mais mon côté hybride m’a habitué jusque-là à une forme de neutralité culturelle: les métis ont parfois du mal à prendre des partis. On quitte l’Afrique un matin. Après avoir été dévisagé pendant plus de huit ans, admiré pour la clarté de votre peau par certains, détesté comme un reste de colonisation par d’autres, on découvre que des endroits de la planète comptent dans leurs expressions les termes « bon Blanc » et que d’autres, si les mots sont honnêtement exprimés dans un coin sombre, peuvent définir des « sales Nègres ». Même si nous savons que les discriminations n’ont plus d’existence officielle, être un mélange de quelque chose et se tourner plus vers un de ses composants que vers l’autre est compliqué. Dans les années 1990 à 2000, on me demandait encore régulièrement, en Suisse, si je comprenais le français, avant même que j’aie ouvert la bouche pour parler. A neuf ans, un camarade d’école d’origine espagnole qui avait l’amabilité de m’inviter chez lui pour le goûter, m’avait fait l’immense surprise de me dire, devant un épisode du Prince de Bel Air, que lui et sa famille aimaient bien les Noirs comme moi et ma famille. Quelques temps après, des imitations de singes faites à mon intention par des gamins Allemands et des jets de pierres, j’avais alors bien compris pleinement les joies du métissage. Tout ça allait constituer un bel amas de complexes, en plus du fait qu’on m’avait expliqué à sept ans que le Schtroumpf coquet était pédé « comme moi », un enfant irritable étant d’emblée pédé.

 

Je dois donc  avouer que les crises identitaires me connaissent bien et me paralysent parfois et que la quête d’un épanouissement m’interpelle, tout comme les questionnements au sujet de ce que peut être une communauté.

 

 

Pédé, Tata, Nègre, Mulâtre

 

Petit, ma mère m’avait dit que le mot « pédé » portait à confusion. Dans la famille de ce mot (qui comme on le sait n’a rien à voir avec une pédicure), le terme « pédiatre », par exemple, n’a pas de connotation péjorative en soi. Nous savons tous, cependant, que beaucoup de mots de cette famille-là se réfèrent à l’enfance ou à l’adolescence massacrée à la façon des Grecs antiques ou encore à celle de Mr. Oscar Wilde.

 

Force est néanmoins de constater que le mot « pédé », au-delà des amalgames qu’il véhicule, est autant employé par les homophobes qui font la moue, aboient ou cassent de la « tata » que par les cibles de leur haine.

Eh oui, il paraît que « pédé » n’est plus péjoratif et que c’est, pour les enfants, « une insulte comme une autre » puisque les « pédés », eux-mêmes se tartinent de ce mot, comme d’une crème qui servirait à se protéger des coups de colère.

 

Seulement, les questionnements sont toujours les mêmes d’une « tare » à l’autre: il s’agit de pouvoir s’auto-qualifier de « Nègre », de « Mulâtre », de « pute » en ironisant et sans avoir l’air de tendre le bâton (ou de donner le fouet) pour se faire battre. S’assume-t-on en tant qu’homo comme on dit s’assumer en tant que pédé ?

 

Bien que beaucoup de gens issus de toutes les faunes possibles et imaginables se lavent régulièrement, le mot « sale » est presque un préfixe à tous les particularismes. Il faut que le pédé, la gouine, la pute, le catho, le Nègre, le métèque, le musulman soit « sale », c’est une vieille tradition de la langue française.

 

On peut donc penser que la première qualité du pédé, par exemple, comme celle de la professionnelle, c’est d’être un cul ou un organe sexuel (ou les deux). Le pédé peut-il être officiellement sodomite et pas forcément humain ?

 

Quand on appelle la pute ou la femme « respectable » « pétasse », on entre dans la spécificité historique. Rappelons que le pet médiéval était considéré, en son temps, comme l’expulsion du Malin d’un corps, le diable ayant la fâcheuse habitude de se loger dans les personnes sous forme de gaz. Arrivait donc la joyeuse pétasse, qui, en guise de péage, se libérait de ses démons à l’entrée d’une ville. On n’est pas pétasse comme on est pute et on peut prétend être escort sans être pute. On peut y mettre les formes, à un métier.

 

Pour ce qui est du pédé, la science homophobe (communément nommée « propos de café de commerce ») prétend qu’il a forcément des penchants destructeurs (pédophiles, pédérastes) et son appellation, souvent assumée, ne le dément pas et s’il se fout bien souvent de ce qu’il sait basé sur de l’ignorance, « Monsieur et Madame Tout le monde », n’étant pas informés, nourrissent le mythe et continuent à le faire circuler.

 

N’oublions pas aussi qu’avant la télévision du XXIème siècle, tout le monde « ignorait » l’existence du « polyamour », de l’échangisme, du latex et même du cul en dehors du mariage, du strip-tease. L’homosexualité est comprise dans le lot, elle a une éternelle gueule de nouveauté et naturellement, elle est toujours exposée sans exagération des traits et toutes ses horreurs et toutes ses extravagances sont des généralités avérées. Il n’y a pas de nuances, il y a « gay », synonyme de « queer », de « queen », de « cuir », de « chevelure », de « cru », de « cul », de « culbute », antonyme de « straight », de « clean », de « cool ».

 

 

Culture cul, culture pute et identité 

 

Le papier journal et les écrans d’ordinateurs s’habillent d’images bandantes au sujet d’une certaine culture gay. L’homosexualité prend ses airs de choix artistique et pas d’un trait d’identité, l’on ne peut être amoureux que d’une personne du sexe opposé.

Tout le dit. Dans les journaux lausannois, lorsque les petites annonces présentent du bougre, c’est du sodomite pur et pas de l’amour fleur bleue qui est recherché, on offre du trou du cul.

 

On demande du bien membré, pour les moins de 70 ans et, plus rarement, du partenaire de vie, par crainte de ne pas vieillir et mourir seul. Les pédés qui s’annoncent dans les journaux gratuits les plus lus proposent des massages avec finition, des partouzes prêtes à accueillir des débutants.

Les pédés y sont rangés dans les lignes des allumeuses, des putes, des « rencontres coquines ». Quand aucune annonce pour des « rencontres coquines » ne se présente, on bouche les trous d’un journal par un numéro de téléphone et un « Rencontres 100% entre mecs, envoie « Boys » au numéro (…) ! »

 

La culture et la sagesse populaires savent que l’homo, c’est de l’érection, une spécialité à la saucisse qui pourrait figurer au menu d’un bordel. Et s’il y avait de la tendresse entre Monsieur et Monsieur, ces pédés-là semblent vivre bien cachés, comme pour ne pas faire mentir le côté marginal de « Nancy Boy ». Les « gens normaux » connaissent ses attitudes. Le pédé qui s’assume est prof de fitness, le jour, et apte à exploiter son instinct grégaire d’une tout autre façon, la nuit.

 

Ceux qui se prennent pour des vampires, les gothiques, les homos, les gays, les tarlouzes, les travelos, les folles, les tatas, les échangistes, les drag queens, les schizophrènes, les proxénètes et les créatures dont ces derniers sont managers, c’est comme dans Taxi Driver, un ensemble compact de déviances qui bafouent le bon sens, qui mettent en danger la famille et l’honneur de l’espèce.

 

C’est pour cette raison que les reportages les maintiennent entre deux histoires de tourisme sexuel, pris en sandwich entre le commerce de la chair et les festivités de carnaval, les fesses à l’air, ressortant d’un pantalon troué, dansant sans complexe au milieu d’une rue, partisans royaux du SM, narcissiques véhiculant des saletés, violeurs potentiels, baiseurs insensibles et sans foi ni loi.

 

Ainsi se perçoit une « soirée mousse » du Mad de Lausanne: une fête à laquelle il vaudrait mieux ne pas se rendre parce que c’est une manifestation de folles. Il est aussi dit, presque comme on construit une légende urbaine, que la boîte réserve des nuits de la Saint-Sylvestre à ce pandémonium, à ce péril gay, mais le doute persiste, un lieu de référence des nuits lausannoises ferait mal de réserver un moment crucial de l’année à une communauté particulière, de limiter sa clientèle ainsi. Ce serait de l’argent perdu.

 

 

Pédé BCBG

 

LGBT, ces initiales mettent en transe, mais il faut le savoir, que ça ne signifie pas « longue grosse bite tendue ». Dans le genre tête de label, on dirait que ce qui se vend et se présente à la face du monde se goûte avec joie seulement si ça sait se fondre dans le moule, même si ça n’apprécie pas la moule. « Il y en a de plus en plus et ils s’affichent de plus en plus. », affirment les vieilles dames françaises que le journal de TF1 interroge.

 

Reste que sur Lausanne, deux filles qui se donnent la main, bien que la peur de passer pour des lesbiennes ait aussi atteint les jeunes filles du XXIème siècle, on trouverait toujours ça plus mignon et innocent que deux mecs qui voudraient baiser du bout des doigts, c’est choquant. Même le porno hétérosexuel, qui met en valeur toutes les capacités féminines, est jugé plus acceptable par certaines Africaines éduquées que le porno gay, sur lequel on tombe tout autant par hasard, parce qu’on paie des chaînes particulières et que ça fait partie de ce qui est décrypté. Rocco Siffredi ne nous a-t-il pas dit la fierté de sa maman et de son papa, qui l’applaudirait tant qu’il ne jouerait pas avec un autre mec ?

 

« Tu seras un homme, mon fils », pas une femmelette et toi, ma fille, tu ne seras jamais une des « lèchebiennes » dont l’appellation te fait rire dans la cour de récré, je t’élèverai, t’offrirai le « Guide du zizi sexuel » et combattrai le Baiser de la lune.

 

Tous ces marginaux, ce sont des zoophiles qui prétendent que l’humain est un animal à aimer. Lorsqu’on permet le PACS, ce n’est que pour donner aux homosexuels plus d’avantages qu’aux concubins, au nom de famille. Dans certains pays, ils parlent de mariage contre-nature et c’est souvent Noël chez ceux qui aiment les caresses mammaires quand ils abordent la question et puis ensuite, ce seront des enfants qui morfleront. Heureusement, ailleurs, on les calme aussi et même des Russes qui les voient et les entendent ne serait-ce que parler de « gays » peuvent dire, par anticipation et par clairvoyance : « Un enfant, ça a besoin d’un père et d’une mère et pas de deux pères ou de deux mères ». Pourtant, lui, l’infiltré, celui qui s’est introduit dans nos sociétés presque avec l’air de la normalité, lui, se veut naturalisé et s’entête à se créer une légitimité bourgeoise en parallèle de sa bestialité.

 

Lui, il est coiffeuse, serveuse, journaliste, étudiante, styliste, directrice d’école d’art, prof de Lettres, et tout le monde dit l’aimer et on ne le critique que par jalousie. Ces « fendus », ces poignets mous, cette voix haut perchée, cette démarche hors-norme, on ne les rencontre jamais parmi les musclors, les vrais, ceux qui se musclent plus les bras que les fesses, ceux qui ont fait l’armée, ceux qui préfèrent les maths aux langues, l’alcool au jus d’orange, qui se meuvent à peine en boîte, qui jouent à la poupée dès la quinzaine et rendent papa fier et nous sauvent tous d’un monde trop permissif.

 

Lui (ou elle) est snob, toise avec l’air Sciences politiques de l’individu capable de dire si les IST s’évitent en se brossant les dents avant ou après la fellation, pour des questions de connaissances bactériologiques et virales qui échappent au commun des mortels et qui font que les gays peuvent prétendre avoir une longueur d’avance sur ces bêtas hétéros.

 

En plus, à la parade, il y a ceux qui sont assez visibles et qui méritent de faire la princesse sur le char et ceux qui ne sont pas assez royales, il les repère vite, les vilaines, leur dit combien elles lui sont inférieures, les asperge de ses paroles instructives, leur dit parfois combien elles sont lâches et mal assumées. Si certains (ou certaines) ne défendent pas la cause comme il faut, c’est tant pis pour leurs fesses, le pouvoir de la blonde et le règne des yeux bleus sont les armes qui combattent la discrimination, mais il y a de la place pour tout le monde et personne n’est méprisé.

 

Lui, il ne porte pas de jupe, mais il sait comment une belle jupe est supposée être, comment on se maquille parfaitement et qu’il faut mouiller des cheveux noirs pour qu’ils paraissent encore plus noirs. Peut-être a-t-il été l’accessoire d’une copine, durant l’adolescence, à l’époque où toute jeune fille se devait d’avoir le bon sac à main, les chaussures tendance et le gay qui allait avec. Un peu bourré, il est du style à avouer sans complexe qu’il a servi au bar d’un club échangiste, sans en arriver à la finition, et juste pour s’encanailler un peu pendant les vacances universitaires. Il vous raconte le pire job d’étudiant qu’il a fait, c’est un exploit, et il sait aussi que sa bouche laissera s’échapper, par mégarde probablement, la moindre de vos confidences.

 

S’il avait jamais essayé de sortir avec une fille avant l’âge de dix-huit ans, elle aurait probablement été la première à rire de sa sortie du placard, elle lui aurait donné un surnom moqueur tel que « choupette » et il se serait vengé en l’appelant « la convertisseuse ». Il aurait eu une période un peu gothique et aurait endossé le rôle du gay déclaré de l’école et tout le monde aurait eu des sourires affectueux, par devant, en formulant, par derrière, des blagues sur ses maux de cul racontés dans le bus.

 

Dix ans après l’école secondaire, les anciens « loosers » ricaneraient encore dans les réunions d’anciens élèves en se demandant s’il est toujours homosexuel et en se rappelant qu’il était revenu au pays dépressif après une relation amoureuse ratée, du gâchis, pour des gars qui auraient pu avoir tellement de belles meufs.

 

Lui, c’est celui qui a appris à tricoter, qui, pour ne pas devoir intégrer son école de recrue, a demandé à faire un service civil pour travailler dans une maison de retraite. Son opportunisme y fait fureur, à travers des « Il y a ceux qui veulent bien faire et il y a les autres ». Il a l’art de chercher à grader là où il n’y a pas de possibilité de grader et celui de feindre l’amour de la perfection pour briller.

 

Etudiant, il impressionne d’emblée ceux qui n’ont pas mis les pieds à l’université et son homosexualité, inscrite dans son CV par des références à des associations, fait qu’on pense automatiquement à lui dès qu’il y a un mot à dire sur une activité artistique de la maison. Il a appris, dans son monde d’enfant unique, à dicter sa volonté, à cirer élégamment des pompes, voire à pomper, pour ainsi dire.

 

Lui, c’est la diva bien éduquée qui donne des leçons, fume à toutes les pauses et dit pourtant que manger des pains au chocolat n’est pas bon pour la santé. Il combat l’homophobie en replaçant sa mèche principale juste au-dessus du front et connaît mille ruses pour faire d’un reproche personnel un reproche homophobe. C’est un peu Chris Crocker avant l’heure, celui qui veut que l’on arrête de harceler Britney, fait le buzz en jouant à la tata maxima, sait placer une larme là où elle lui est utile.

 

À 20 ans, il a un joli amant, qu’il présente à sa mère, féministe, celle qui l’a éduqué à repasser son linge depuis tout jeune, alors qu’il prenait bien soin de ne pas laisser traîner ses chaussettes et ses sous-vêtements dans sa chambre, par simple respect pour la femme de ménage. Il est le garçon que personne n’a voulu jeter hors de la maison familiale et qui peut compter sur l’argent de papa pour compléter ses revenus et payer son loyer. En étudiant à plein temps, il peut même miraculeusement se vanter de travailler assez pour payer la moitié d’une location dans un quartier assez agréable de la ville.

 

On ne sait pas où il sera dans une vingtaine ou une trentaine d’années, peut-être en train de vieillir avec son âme sœur, voyageant de par le monde. Peut-être dira-t-il partout qu’il recherche l’amour ou donnera-t-il des conseils sur la vie homosexuelle à des jeunes, comme on initie la relève avec générosité, après avoir pris part à des actions d’organismes internationaux.

 

Lui, c’est la version de la féministe des années 80, mais dans les années 2000, c’est le « working gay », qui a toutes les ressources et la science infuse, qui sait servir le thé comme une geisha, qui ne croit pas en l’existence de la bisexualité, qu’il présente comme une homosexualité masquée.

 

Lui, c’est peut-être aussi un adapté social parfait, une construction comme on en trouvait dans la vieille bourgeoisie, bien qu’il soit déclaré, contrairement à ce qu’exigeait l’ancien système, alors que tout le monde faisait semblant de ne pas comprendre, sûr pourtant qu’il « en était ». On en fait des  versions améliorées, des produits dérivés, des séries télé américaines qui lui montrent avec démagogie sa future trentaine, des « Brothers And Sisters », où il est aimé de sa famille nombreuse, comme un élément qui a sa spécificité à apporter au clan, comme une Spice Girl se démarquait d’une autre.

 

Lui, comme par hasard, a la vie maritale la plus stable de tout son entourage, il s’agit d’aller à contre-courant, de montrer le bon exemple, de créer une version « same sex couple » du rêve américain, incluant les prévisions d’adoption, si on ne réussit pas à trouver la porteuse parfaite, les ovules dernier cri. Un smoking, une réputation, une normalité, une villa, un chien feront son prestige. On ne le prendra pas en train de manger du fast-food, comme la Beyoncé de Cazwell au Burger King, ni en train de s’exprimer de façon incorrecte, il est de la génération des corps parfaits et des esprits performants, dédiés au sexe propret. Lui, ce sera un peu Bearman ou Supertwink la nuit tout en restant Loïs Kent ou Bruce Poison Ivy, le jour.

 

 

Le mot de la faim

 

Méli mélo, gourmandises, étrangetés ou jetés, les castings pour créer l’image d’une communauté ne manquent pas. Même si on ne sait pas toujours comment le prendre, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’entre les théories pour définir ce qui est homo, gay, tata, on joue au yo-yo parce qu’il y a à boire et à manger.

 

Quand on parcourt les réseau sociaux, ils sont pleins de versions « hakuna matata » de gamins boostés aux hormones, de jeunes coqs, dont on doute parfois de la majorité. Chacun cherche son père ou sa sœur à dévorer, les nouveaux pseudos à la mode étant « Sugar quelque chose », « Body autre chose ». La nouvelle génération de courtisanes semble être née devant des images qu’elle a très vite su maîtriser.

 

Pour ceux qui connaissent la série télé Deadwood, histoire d’une ville ultra violente de cowboys du XIXème siècle, les noms de scène des filles de saloon y sont « Trixie », « Joannie » ou « Miss Flora ». « Tu seras pute ou fermière, dans les deux cas, tu auras la possibilité d’être reine », dit la sagesse populaire, pour ne pas rajouter un « dixit » suivi d’un nom imaginaire.

 

Rien de tout ça ne ressemble à du Emilie Dickinson, ni à du Charles Dickens, le nom de l’auteur d’une telle annonce ne changerait rien au fait que les vitrines du gay power semblent être autant composées de Trixies que de fils de Wilde, de Sade (je ne parle pas de la chanteuse), ou de Diana Ross. Il paraît qu’être homo, ça n’est pas tout et qu’être gay, c’est un art « as gay as un lark ».

 

Pour prouver qu’on est noir, même si ça se voit en général qu’on l’est, on peut serrer la ceinture de sorte à maintenir son pantalon au-dessous du boule, se coller plein de bijoux, un foulard et rugir plein de slogans virils et cela crée des clichés souvent associés à tous les Noirs et aux métis, qui sont souvent rangés parmi les Noirs. Pour « être une femme », il y a des modes qui vous  distinguent d’une virago, du maquillage pour se mettre en valeur, des tenues qui font de vous une star, ou des opérations suivies de petits déjeuners à base d’hormones. Si on a les talents d’une Amanda Lear, on épouse un prince pris au berceau et si on s’appelle Cher, on a un corps qui ne vieillit jamais et qui rend risibles les efforts déployés pour élaborer les anciennes techniques de momification et tous les fantasmes de cryogénie. Les tendances de tout bord sont là pour conforter les femmes dans leur féminité.

 

Même si leurs formes sont parfois généreuses et qu’elles choisissent l’option de l’habit qui dévoile le ventre, l’Occident leur reconnaît le droit de porter le pantalon, moulant ou large, le droit de râler férocement parce qu’un gay porte la jupe et celui d’admirer les peintures faciales de Braveheart et les Ecossais en kilt qui montrent leurs culs aux Anglais. Elles ont leurs très durs combats, mais l’Occident leur reconnaît une grande diversité dans leurs choix d’apparences. Même si la dictature de la mode et les exigences de leur condition sont terriblement compliquées, lesbiennes ou hétérosexuelles, il y a mille façons légitimées de paraître femme.

 

Quand on en arrive au cas de l’homosexuel masculin, il peut être difficile de déterminer, in ou out un milieu, s’il est mieux d’avoir le poil lisse ou être lisse à poil. La détermination de certains points d’intégration au pays des gays s’apparente presque à de la franc-maçonnerie, le secret maçonnique se découvrant probablement par certaines pratiques pour savoir ce qu’il faut porter à droite ou à gauche et peut-être même avec quels services ont doit manger des aliments définis, pour être Pretty Woman ou Carabosse.

 

Yogi Bear, rat devil, reine des chiants, crevettes, baguettes, pour quelqu’un qui doit s’orienter ou simplement comprendre ce qui fait les leaders, les codes, qui rend fier, il vaut mieux savoir à qui graisser la patte pour obtenir des informations.

 

Il y a peut-être des portes auxquelles on fait bien de frapper si on est un vampire un peu rondelet, d’autres plus appropriées si on a la banane, la fritte et des tablettes de chocolat implaquables. Que l’on soit un Mark de Ugly Betty ou un hardi Conan, welcome to a fantasy world !

 

Quant à l’inconnu qui m’a proposé, sur Myspace, de lécher mon coq et mes balles, si je me rends aux USA un jour, ce sera, bien sûr, uniquement pour lui expliquer que je ne suis ni éleveur de volaille ni footballeur.


Wellan Bolanga