http://owni.fr/2011/09/12/wifi-alternatif-ondes-radio/
Le 12 septembre 2011
Libertés Numériques
Ophelia
Noor
ensible au lobbying des industriels des télécoms, le Conseil de l’Union européenne pourrait rejeter l’idée de rendre plus accessibles les bandes de
fréquence radio, empêchant le développement de réseaux WiFi alternatifs et indépendants. Des rapports intermédiaires
du Conseil oublient les amendements du Parlement européen soutenant une utilisation libre des ondes radio. Leur
rejet marquerait donc l’opposition du Conseil au développement des réseaux WiFi libres en Europe.
L’innovation
contre toute attente
Or
depuis le début des années 2000, des communautés WiFi
autonomes, indépendantes, fondées sur les principes de la culture libre,
existent en Europe comme Freifunk [de] en Allemagne, FunkFeuer [de] en Autriche ou Guifi.net [es] en Catalogne.
Elles regroupent des milliers d’utilisateurs qui sont partie prenante du réseau
et qui peuvent se connecter à Internet et entre eux pour échanger des mails,
passer des appels ou partager des fichiers1.
Et
jusqu’ici c’est bien la société civile qui a assuré la couverture des zones
blanches, délaissées par les infrastructures des opérateurs « pour manque de
rentabilité ». Avec les moyens du bord, ces réseaux associatifs se sont implantés
dans les zones rurales isolées des Pyrénées ou du Djursland
au Danemark et ont
contribué à la réduction de la fracture numérique. Mais également chez les
Touaregs au Sahara, ou dans les villages tibétains, tous reliés à Internet par
la seule volonté et la force d’innovation de ces communautés d’utilisateurs.
Elles développent des technologies open source associées, tel le protocole de
routage B.A.T.M.A.N. et
c’est ainsi que l’on peut trouver des modes d’emplois (pdf) pour la mise en place de réseaux
maillés Freifunk en Afrique.
Les
communications sur les fréquences WiFi ont ex-plosé en dix ans malgré les contraintes imposées par
cette minuscule bande radio de faible portée2 souvent surnommée « junk band » ou bande poubelle puisque n’importe qui peut l’utiliser3. Voulue libre d’utilisation et
gratuite par les gouvernements au niveau mondial, ces fréquences sont comprises
entre 2,4 GHz et 2,5GHz, ainsi que la fréquence 5 GHz. Cette évolution a été
possible sur cette bande du spectre grâce à la baisse des prix de l’électronique,
aux possibilités offertes par l’évolution des normes WiFi et aux talents
des hackers, bidouilleurs, ingénieurs et autres passionnés d’électronique.
Mobilisation
des groupes d’utilisateurs
Des
groupes d’utilisateurs sont sur les rangs pour défendre ces acquis et cette
culture de la communication libre. Pour que ces réseaux citoyens continuent à
innover techniquement et à se développer en dehors de toute pression étatique
ou commerciale, il est nécessaire de ne plus se limiter à la « junk band » et de pouvoir accéder à d’autres parties du
spectre radio. Le groupe international Open
Spectrum [en], composé
majoritairement d’ingénieurs en télécommunication, milite ainsi auprès des
gouvernements et des institutions internationales comme l’UIT (Union
Internationale des Télécommunications, dépendant des Nations Unies) pour faire
lever les licences sur les ondes radio. Inter-rogé
par OWNI, Alexander List, un des fondateurs de la communauté WiFi FunkFeuer basée en Autriche,
raconte les débuts d’Open Spectrum :
Il y a environ deux ans et demi, tout le monde
discutait du dividende numérique et de la libération prochaine des fréquences
de la télévision analogique en prenant pour acquis le fait que ces fréquences
allaient revenir aux opérateurs mobiles. J’ai tout de suite pensé qu’il serait
plus logique de libérer encore d’autres portions du spectre pour les zones
rurales. Nous avons réussi à réunir des gens de communautés WiFi,
des universitaires, des inventeurs comme Vic Hayes [en],
le père du WiFi et des activistes spécialisés dans ce
domaine comme Bob Horvitz.
Même si l’Union européenne avec sa politique de gestion du spectre (RSPP) [en] est actuellement en train de tenter une harmonisation sur l’utilisation de cette ressource, les États restent frileux sur la question, selon Félix Treguer de la Quadrature du Net. « Nous avons réussi à faire passer une série d’amendements au mois d’avril mais ils seront sûrement retoqués par les ministres des États membres. »
Et les intérêts financiers en jeu sont conséquents.
Nous savions que nous aurions beaucoup de travail, ajoute Alexander List, particulièrement face aux puissants lobbies des télécommunications. Nous travaillons depuis pas mal de temps du côté américain avec la New American Foundation et nous pouvons compter sur des groupes comme La Quadrature du Net à Bruxelles qui s’est positionnée sur cette question cette année avec succès.
Cependant, ces licences représentent pour les États une manne financière non négligeable, on parle de milliards d’euros,
qui préfèrent généralement les vendre aux opérateurs historiques, comme les
licences UMTS (3G) il y a dix ans et aujourd’hui la 4G, déployée notamment sur les fréquences
de la télévision analogique
Faire exploser des limitations établies… au début du XXe siècle
De l’autre
côté, les opérateurs n’ont pas d’intérêt à laisser filer
ces fréquences radios entre les mains de la société civile pour la laisser déployer,
à une plus grande échelle et avec plus de puissance, le type de technologies
open source développées depuis dix ans sur la bande WiFi.
Des limitations imposées par les États et soutenues par les opérateurs, qui ont
été établies au début du XXe siècle, et ne sont plus valables
aujourd’hui selon Open Spectrum, car elles ne tiennent pas compte de l’évolution
des technologies et notamment des recherches en radio intelligente4.
Guy Pujolle, chercheur au CNRS, travaille sur ce type de radio
dont la norme sera prête d’ici deux ans. Il explique : « C’est une technologie qui utilise les ondes radio de
manière intelligente en repérant automatiquement les autres fréquences qui ne
sont pas utilisées dans une zone délimitée du spectre radio et dont vous n’avez
pas la licence. » Un procédé qui permettra aux utilisateurs de
passer d’une bande à l’autre sans interférences et en augmentant par exemple,
le débit de leur connexion Internet. Reste à savoir si les opérateurs seront d’accord
pour partager ces fréquences. Alexandre conclut :
Le principal problème est que l’État, ou
les instances de régulations, se comportent comme les nounous des ondes radios.
Or la mise sous licence du spectre est la vache à lait de ministres des finances aux abois. Il ne faut pas oublier que es
ondes radio sont un bien commun, comme l’air qu’on respire.