http://owni.fr/2011/10/22/le-grand-emprunt-booste-les-fab-labs/
Le 22 octobre 2011
Découverte Sabine Blanc
op ! nous sommes en 2020, les hackerspaces, fablabs et autres usinettes (le nom importe peu) se comptent par milliers en France et pas seule
ment
dans les grandes villes. Des gens de bonne volonté se sont regroupés dans
certains villages désertiques, dans d’anciennes MJC-Algeco de banlieues
“chaudes”, dans des usines désaffectés. Le passionné de mécanique auto prête
ses outils et donne des cours à des types qui font en échange un peu d’ingénierie inverse sur la puce qui contrôle l’allumage de sa fourgonette
TDCI. On peut voir aussi un artisan potier essayer une machine de prototypage
rapide qui, d’après un fichier 3d qu’il aura peaufiné avec un fan
de Blender, verra apparaitre sous ses yeux une œuvre originale prête à passer
au four.
En
2009, Alexandre Korber, créateur d’Usinette, anti-cipait une France où les fab labs pulluleraient autant que les
Leroy-Merlin. Pour l’heure, ces mini-usines où les gens viennent concevoir
leurs objets à l’aide de machines assistées par ordinateur, ne sont guère
légion. Aux États-Unis, où le concept est né au MIT (Massachusetts Institute of
Technology), au début des années 2000 grâce au professeur Neil Gershenfeld, ils
sont une vingtaine. En France, selon
notre liste, ils sont seulement une demi-douzaine en fonctionnement, et le
premier a ouvert seulement en 2010, à Toulouse. Mais les projets pullulent, une
dizaine, et c’est là le véritable indicateur.1. Comme nous disait Jaap Vermas, un Hollandais
qui a créé Fab Lab
truck [en], « c’est chaud en France les fab labs ! » Et c’est chaud
pour deux raisons : l’État va apporter des subventions via le Grand Emprunt et
c’est dans l’air du temps, les deux n’étant pas sans lien.
« On ne veut pas
institutionnaliser »
Dans
les quatre ans qui viennent, 5 millions d’euros2
y seront consacrés, dans le cadre d’Inmediats, sur un
total de 15 millions. Inmediats (Innovation pour la Médiation dans les
Territoires) est le lauréat de l’appel à projets “Développement de la culture scientifique et
Égalité des chances” du Programme des Investissements d’Avenir.
Associant six centres de sciences de toute la France3,
il entend diffuser auprès d’un large public la culture scientifique et
technique grâce au numérique. Et les fab labs font partie de ces « nouveaux espaces de médiation » amenés à
être développés. Et c’est un bon point car la volonté est à l’ouverture au
public, pour faire sortir le concept du cercle des initiés. En jeu, une
nouvelle façon d’aborder l’éducation populaire scientifique, la
réhabilitation du geste manuel, la suppression de la barrière entre low tech et
high tech, la réappropriation de l’objet, du concret, la transdisciplinarité,
et la mise en valeur des savoirs locaux. Un programme bien dans l’esprit
initial des fab labs. Tous les centres feront d’ailleurs une demande groupée
pour avoir le label du MIT. Second point intéressant, ce ne sera pas forcément
les centres de sciences qui prendront en main les fab labs : association, école
seront associées. « On ne veut pas
institutionnaliser », résume Bruno dosseur, de Relais
d’Sciences à Caen.
« Depuis que j’en parle, des gens très divers sont intéressés, explique Laurent Chiconneau, de la Casemate à Grenoble, par exemple des gens qui travaillent le bois, “des boiseux”, comme on les appelle chez nous, nous avons la forêt de la Chartreuse à côté. Même les retraités sont à fond, mais sans nostalgie : comment on construit du futur. » Un appétit qui devrait trouver de quoi se satisfaire puisque le réseau initial devrait s’étoffer, en s’appuyant sur son expérience. L’objectif, c’est d’essaimer de petites structures, des fab labs mobiles, entre autres. Le premier cercle des centres de sciences devrait aussi s’élargir.
D’autres
fab labs à vocation pédagogique sont ou seront ouverts, de façon logique
puisque l’université est le berceau d’origine. L’ENSGSI de Nancy en accueille
déjà un, mais uniquement pour les élèves, la faculté de Cergy (95) s’apprête à
franchir le pas en janvier, le CERFAV (Centre Européen de Recherches et de
Formation aux Arts Verriers) en a ouvert un à Vannesle-Châtel
(Meurthe-et-Moselle). Si l’école a l’avantage d’avoir des moyens et des outils,
il est en revanche plus délicat d’ouvrir l’accès au public, pour des questions
de responsabilité.
Les yeux de l’ancien garagiste brille quand on parle de fab lab
Le milieu rural est aussi un terrain potentiel de développement. Net-Iki ouvre le bal le mois prochain, dans le petit village (350 habitants !) de Biarne (Jura). Convaincre le conseil municipal – 65 ans de moyenne d’âge – n’a rien eu d’un parcours du combattant : ce fut plié en une poignée de réunions, avec un vote à l’unanimité à la clé. « On leur a montré des projets concrets », explique Pascal Minguet, vice-président de l’association Net-Iki qui porte le projet. Cela tombe bien, un fab lab, pour reprendre Neil Gershenfeld, a pour objectif de transformer les bits des modélisations 3D en atomes. La mairie a donc prêté des locaux. De son côté, le conseil général a financé l’achat des machines. « L’ancien garagiste, qui est un grand bricoleur, a les yeux qui brille quand on parle du fab lab, s’amuse-til, on ne dirait pas, avec ses airs bourrus. Il vient : ‘la mère machin a un souci avec son aspirateur, qu’est-ce qu’on peut faire’, et il apporte ses solutions. » Et le fab lab n’aura plus qu’à concrétiser ses idées. « Il faut amener les gens à collaborer, pour créer du lien social », explique Pascal. Et quoi de mieux qu’un projet au-tour duquel les gens collaborent, en partageant leurs savoirs-faire ?
Le
futur fab lab attise la curiosité des élus locaux, à l’image du vice-président
en charge du développement et des technologies de la communauté d’agglomération
de dôle, dont fait partie Biarne : il a prévu d’organiser un prochain conseil
au fab lab.
Sans
compter que l’industrie « classique » s’intéresse aussi au concept. Et gageons que la conférence euro-péenne sur les fab
labs qu’organise jusqu’à dimanche Artilect aura donné des idées.
afficher Carte de France des fabs labs sur une carte plus grande
Légende
: vert, en fonctionnement, jaune, projet. Cette carte est un work in progress,
n’hésitez pas envoyer vos commentaires, nous la mettrons à jour. Concernant
l’évaluation, le label MIT est le plus ancien. Depuis, un système
d’autoévaluation [en] a été mis en
place, selon quatre critères (accès, charte -du MIT-, outils, réseau), notés de
A à C.
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Les Fab Lab incubateurs
du futur
Imprimer le réel à
portée de main
Image de
une par Ophelia Noor pour Owni /-)
Photos et
illustrations via Flickr par jeanbaptisteparis [cc-by-sa] et Quasimodo [cc-by-sa]
1. voir la liste mondiale la
plus complète à ce jour [↩]
2. locaux compris, sinon, ça
ferait un paquet d’imprimantes
3D et de découpes laser… [↩]
3. Cap Sciences (Bordeaux aquitaine), l’Espace des Sciences (rennes Bretagne), La Casemate (Grenoble Agglomération), Relais d’sciences (Caen Basse-nor-mandie), Science Animation (Toulouse Midi-Pyrénées) et Universcience (Paris Ile-de-France). [↩]