Vice privé 30/10/2011 à 19h21
Plaintes, nouveaux concurrents : Facebook en difficulté sur la vie privée
Martin
Untersinger
Journaliste et étudiant (et
inversement)
Attaqué par un étudiant autrichien sur sa gestion des données personnelles, le réseau social géant voit également se multiplier les alternatives à ses services.
A l'instar de celui de Google d'Amazon ou de Yahoo, le siège européen de Facebook est situé en Irlande, où les impôts sont considérablement plus bas.
Seulement voilà, cela le soumet à la législation européenne sur la conservation et la gestion des données personnelles. C'est le raisonnement qu'a suivi l'Autrichien Max Schrems, étudiant en droit, qui a demandé à Facebook l'intégralité de ses données personnelles, en vertu de la directive européenne 95/46/CE.
Après plusieurs semaines de patience et de relances, Facebook a fini par lui faire parvenir un fichier PDF de plus de 1200 pages, dans lesquelles absolument toutes ses données conservées sur les serveurs du réseau social étaient consignées. Photos, statuts, commentaires... Rien de bien surprenant.
Mais en se penchant de très près sur cet amas de données, il a noté plusieurs graves anomalies.
1
Tout le monde est fiché, même ceux qui n'y sont pas inscrits
On pouvait auparavant penser que les errements de Facebook en matière de vie privée et de confidentialité ne touchait que ceux qui y était inscrits.
C'est faux, et c'est sans doute la découverte la plus effrayante de l'étudiant autrichien : Facebook entretient des « profils fantômes » en utilisant la fonction d'importation de carnet d'adresses emails qu'il propose à ses utilisateurs, utilisée pour trouver plus rapidement ses amis.
Il stocke les adresses mails, même si elles ne correspondent à aucun profil inscrit, et, par recoupement, dessine des relations... même entre ceux qui ont choisi d'échapper à l'emprise du réseau social.
2
Des contenus impossibles à supprimer
Schrems, comme tous les utilisateurs de Facebook, avait échangé des messages, tchaté et publié des photos sur la plateforme. Il avait, comme tous les utilisateurs, choisi de supprimer certains contenus qu'il ne voulait plus voir figurer sur le réseau social. Il a remarqué, en fouillant dans les données transmises par Facebook que ces contenus figuraient encore sur les serveurs.
Loin d'être supprimés, ils lui étaient simplement « dissimulés », mais Facebook y avait encore plein accès.
3
Suivis à la trace
Depuis quelques années, Facebook est de plus en plus utilisé en mobilité, via les smartphones. Facebook conserve minutieusement toutes les dates, heures et surtout coordonnées géographiques de chaque connexion au service.
Le réseau social garde aussi précieusement le détail des machines (téléphones, ordinateurs, tablettes...) utilisées par les utilisateurs pour se connecter :
« Facebook [a] une liste complète des ordinateurs qu'une personne a utilisés pour aller sur Facebook, et une liste de toutes les personnes ayant utilisé un même ordinateur pour aller sur Facebook » a expliqué Max Scherms à Ecrans.fr.
Des plaintes contre Facebook
L'étudiant a mis en ligne un site Internet, sur lequel il conseille les internautes qui souhaiteraient suivre la même démarche et se procurer leurs données.
Choqué par sa découverte, Max Scherms a également déposé pas moins de 22 plaintes contre le géant californien auprès du commissaire irlandais à la protection des données pour infractions à la législation européenne.
Ces plaintes s'ajoutent aux difficultés qu'a rencontré Facebook en Allemagne, où la justice a jugé son bouton « J'aime » illégal.
De plus en plus d'alternatives
De plus en plus de services sont lancés comme alternatives à Facebook. On peut penser à Diaspora, un réseau social « décentralisé » qui veut donner un maximum de contrôle à ses utilisateurs sur leurs données.
Il y a quelques jours était lancé en grande pompe Unthink, qui se dit ouvertement « anti-Facebook ». Ses créateurs sont parvenus à lever 2,5 millions de dollars pour ce projet. Unthink affiche fièrement son modèle sans publicité... même si ses utilisateurs doivent choisir une marque pour « sponsoriser » leur page, ou payer 2 dollars par an.
« La confidentialité est sacrée, les libertés ne sont pas négociables, les comportements intrusifs ne sont pas tolérés » proclame-t-il néanmoins sur son site.
Google a quant à lui fait une entrée plus qu'honorable sur le marché des réseaux sociaux en lançant Google + en septembre, attirant 40 millions d'internautes en deux mois.
On se souvient également du « Quit Facebook Day », qui, malgré son succès très limité, avait suscité le débat sur la gestion des données personnelles par Facebook et l'emprise que ce service avait acquis.
Facebook est loin d'être en danger
Même si quelques failles sont apparues, Facebook n'a pas grand chose à craindre à court-terme. Il a s'achemine vers les 800 millions d'utilisateurs (près de 23 millions en France) et rentrera en bourse sur la base d'une valorisation de 70 milliards de dollars.
Il n'en demeure pas moins que la vie privée est « un enjeu de concurrence essentielle entre réseaux sociaux ». C'est ce que rappelait récemment Isabelle Falque-Pierrotin, la nouvelle présidente de la CNIL.
Pas sûr qu'à ce petit jeu, Facebook soit le grand gagnant.