Nulle part où se cacher
Les investisseurs viennent de traverser des moments difficiles. L'avenir immédiat semble tout aussi pourri.

Plaignez les épargnants du monde entier. Les économistes et les donneurs de conseils leur reprochent de ne pas dépenser plus, ce qui stimulerait l'économie. Mais en même temps leurs régimes de retraite deviennent de moins en moins généreux, ce qui les oblige à épargner davantage, plutôt que moins, pour espérer profiter d'une retraite confortable. Les Britanniques qui prennent leur retraite maintenant, avec le système des pensions privées, vont percevoir 30% de moins que ceux qui ont quitté le travail il y a trois ans . Et les épargnants qui cherchent à mettre leur argent à l'abri voient leurs journaux faire leur manchette tous les jours sur le renflouement des banques, la crise de la dette souveraine et la possibilité d'une autre récession.

Compte tenu de l'ampleur des risques, les investisseurs ne se voient pas offrir beaucoup de gains. Dans la plupart des pays développés, les rendements sur la trésorerie sont de 1,5% ou moins. Les marchés des obligations d'État les plus liquides (Amérique, Grande-Bretagne, Allemagne et Japon) offrent des rendements de 2,5% ou moins. Dans les deux cas, ces rendements faibles participent d'une politique délibérée: les gouvernements et les banques centrales veulent que les entreprises qui pourraient créer des emplois se mettent à emprunter à nouveau. Même les actions américaines, en dépit d'un triste record au cours de la dernière décennie, offrent un rendement de dividende de seulement 2,1%, un niveau qui a été historiquement associée à de faibles rendements pour les années à venir . C'est l'héritage des valorisations stratosphériques atteints par Wall Street au plus haut de la bulle Internet.


Le danger pour les épargnants n'est pas simplement celui d'un rendement décevant, mais aussi des tempêtes qui pourraient dévastater leur richesse. Juste après la seconde guerre mondiale, les obligations du gouvernement britannique offraient des rendements similaires à ceux d'aujourd'hui : ceux qui en ont acheté alors ont perdu les trois quarts de leur argent, en valeur de 1974. Les investisseurs plus gourmands de risque peuvent faire encore pire :Ceux qui ont acheté des actions japonaises à leur sommet, en 1989, ont perdu 80%.

Frottez votre boule de cristal


Le choix des investisseurs sera guidé par la façon dont ils pensent que la crise va se dérouler. Le meilleur espoir est que les autorités vont «se débrouillent»: stabiliser la crise de la dette souveraine en Europe, orienter les économies développées vers le retour à une croissance annuelle de 2-3%, tout en élaborant des plans réalistes pour réduire la dette publique à moyen terme. Mais si cette perspective optimiste ne se matérialise pas et que la malchance s'en mêle, le monde se dirige vers trois scénarios.

Dans le premier scénario, le monde développé tente de gonfler sa dette, peut-être par des doses croissantes d'assouplissement. Une flambée des prix des matières premières en 2010 et début 2011 a poussé l'inflation au-dessus de ce qu'elle était il y a un an dans chacun des pays du G7, idem au Brésil, en Russie et en Chine. (l'Inde est l'exception parmi les pays BRIC). L'inflation suggère normalement que investisseurs devraient faire fortune. Mais son prix stratosphérique, et le fait que la plupart des économistes pensent que l'inflation va reculer puisque l'économie mondiale ralentit, incitent à penser le contraire.

Dans le deuxième scénario, les autorités européennes font une erreur de calcul fatale, et laissent la Grèce glisser vers la faillite et le chaos, sans étayer suffisamment les banques et protéger contre les dommages collatéraux des économies plus fortes comme celles de l'Italie et de l'Espagne. Le résultat pourrait être une très forte chute du PIB européen, avec des répercussions sur le tout reste du monde riche. Ce scénario plaide en faveur d'obligations du Trésor américain.

Ce journal persiste à croire que les politiciens de l'Europe ne sont pas assez stupides pour laisser l'euro s'effondrer, mais, aussi peu inspirés que leurs pairs d'Amérique, ils ne sont pas disposés à faire beaucoup pour aider à la croissance des économies occidentales. Donc nous pensons que le monde riche est confronté à un troisième scénario: la stagnation de style japonais. Les récessions seront peut-être plus fréquentes qu'elles ne l'étaient dans les années 1980 et 1990, et le taux de croissance global sera morose. Un tel résultat rendrait le désendettement très difficile pour les pays développés ; plusieurs d'entre eux pourraient tomber dans un piège de la dette comme celui du Japon.

Chacun ses choix

Ces sombres perspectives invitent à se tourner vers les bons du Trésor. En période de récession, elles ont généralement été un bon pari, offrant un rendement moyen positif de 10,4% tandis que les actions ont livré un rendement moyen négatif de 15,3%. Mais avec une inflation négligeable. Et étant donné que le taux actuel américaine est de 3,8% et que le taux moyen depuis 1900 a été de 3,1%, c'est un gros risque à prendre pour les investisseurs. C'est l'inflation qui ruiné les gros porteurs britanniques après la seconde guerre mondiale.

Les actions offrent une meilleure protection contre l'inflation, mais les actions américaines semblent toujours chères. Selon un calcul corrigé des variations conjoncturelles qui lisse le ratio prix/profit sur plus dix ans, elles ont rapporté 19,4, comparé à une moyenne historique de 16,4. Les actions européennes, qui en moyenne ont été moins performantes que les américaines, semblent plus attrayantes : le ratio cours-bénéfice dans la zone euro est de 11. Mais on peut espérer du profit si les choses s'aggravent avant de s'améliorer.

Si les marchés continuent de baisser, les actions pourrait être une bonne affaire l'an prochain; déjà certaines entreprises de grandes marques annoncent des rendements de dividende de plus de 5% . Beaucoup de grandes entreprises ont d'énormes réserves de trésorerie et bénéficient de la croissance continue en Asie. Un pari plus pur sur les marchés émergents serait d'acheter des actions en Chine et en Inde, mais l'Asie ne sera pas l'abri d'un ralentissement économique mondial et ces marchés sont toujours opaques. À l'heure actuelle les meilleurs refuges se trouvent dans les obligations de sociétés. Les obligations européennes à haut rendement offrent 10% de plus que les obligations d'états , et le taux de défaut est actuellement très faible: au cours de la dernière année, 1,9% seulement des obligations ont fait défaut. Mais, encore une fois, si l'économie stagne, même les obligations de sociétés peuvent perdre de la valeur.

Il vaudrait mieux pour l'économie mondiale que les épargnants placent leurs liquidités dans des actions et des obligations de sociétés dès aujourd'hui, plutôt que d'attendre de meilleures nouvelles. Mais les épargnants hésitent à acheter dans un contexte d'incertitude politique, portant aussi bien sur bien l'échec de l'Europe à régler la crise grecque ou l'échec de Washington à concevoir un plan combinant une relance économique à court terme avec une réduction à long terme du déficit. Voilà une bonne raison pour les politiques de chercher à se mettre d'accord: Ils encourageraient ainsi les épargnants à sortir leur liquide de sous le matelas pour le rendre productif.



(The Economist, 15 Oct 2011)


Nowhere to hide
Investors have had a dreadful time in the recent past. The immediate future looks pretty rotten, too

PITY the world’s savers. Economists and other busybodies chide them for not spending more, thereby stimulating the economy. Meanwhile their pension schemes are steadily being made less generous, a process that will require them to save more, not less, if they want to enjoy a comfortable retirement. Britons now retiring on private pensions will receive an income 30% less than those who left work three years ago (see Buttonwood). When savers try to find a home for their money, they face daily headlines about bank bailouts, sovereign-debt crises and the possibility of another recession.

Given the scale of the risks, investors are not being offered much in the way of reward. In much of the developed world, yields on cash are 1.5% or below. The most liquid government bond markets (those of America, Britain, Germany and Japan) offer yields of 2.5% or less. In both cases, such meagre returns are part of a deliberate policy: governments and central banks want companies that might create jobs to start borrowing again. Even American equities, despite a dismal record over the past decade, offer a dividend yield of just 2.1%, a level that historically has been associated with low returns for several years to come (see article). That is a legacy of the stratospheric valuations attained by Wall Street at the height of the dotcom bubble.
In this section

The danger for savers is not simply of disappointing returns, but of devastating blows to their wealth. Just after the second world war, British government bonds (gilts) offered yields similar to today’s; those who bought them lost three-quarters of their money, in real terms, by 1974. Investors with more of an appetite for risk may do even worse. Those who bought Japanese shares at the peak in 1989 are now sitting on a nominal 80% loss.

Polish up your crystal ball

Investors’ choices will be guided by how they think the crisis will unfold. The best hope is that the authorities will “muddle through”: stabilise the European sovereign-debt crisis, steer developed economies back on to a path of 2-3% annual growth while simultaneously devising realistic plans to reduce government debt over the medium term. But if that rosy prospect does not materialise—and the odds are against it—the world is looking at three scenarios.

One possibility is that the developed world will attempt to inflate its debt away, perhaps by ever-larger doses of quantitative easing. A surge in commodity prices in 2010 and early 2011 has pushed inflation higher than it was a year ago in each of the G7 countries, and in Brazil, Russia and China as well (India is the exception among the BRICs). Inflation normally suggests investors should go for gold. But its stratospheric price, and the fact that most economists think that inflation will fall back as the global economy slows, argue against it.

A second possibility is that the European authorities make a fatal miscalculation, allowing Greece to default chaotically, without adequately propping up the region’s banks or protecting bigger economies such as Italy and Spain from collateral damage. The result could be a very sharp fall in European GDP, with knock-on effects in the rest of the rich world. That scenario argues in favour of US Treasuries.

This newspaper persists in believing that Europe’s politicians cannot be stupid enough to allow the euro to collapse; but, like their equally uninspiring peers in America, they are unlikely to do much to help the West’s economies grow. So we suspect that the rich world faces a third scenario: Japanese-style stagnation. Recessions are likely to be more frequent than they were in the 1980s and 1990s, and the overall growth rate sluggish. Such an outcome would make it very difficult for the developed world to work off its debts; more countries would fall into the kind of debt trap faced by Japan.

Different quotes for different folks

On the face of it, a gloomy outlook argues for Treasuries. In recessions, they have generally been a good bet, delivering an average positive return of 10.4% while equities have delivered an average negative return of 15.3%. But that depends on negligible inflation; and given that the current American rate is 3.8% and that the average rate since 1900 has been 3.1%, this is a big risk for investors to take. It was inflation that wiped out British gilt-holders after the second world war.

Equities offer a better hedge against inflation, but American shares still look expensive. On a cyclically adjusted price-earnings measure, which smooths profits over ten years, they trade on a multiple of 19.4, compared to a historic average of 16.4. European equities, which have on average underperformed American ones, look more attractive: the price-earnings ratio in the euro zone is 11. But there is a case for holding cash on the ground that things may get worse before they get better.

If markets continue downwards, equities could be a bargain next year; already some companies with global brand names trade on dividend yields of more than 5%. Many big companies are sitting on piles of cash and are benefiting from the continued growth in Asia. A purer bet on emerging markets would be to buy shares in China and India; but Asia will not be immune from a global downturn and their markets are still opaque. At the moment many of the best refuges are to be found in corporate bonds. European high-yield bonds pay 10 percentage points more than government issues, even though default rates are currently very low: in the year to September, only 1.9% of issues defaulted. But, once again, if the economy stalls, even corporate bonds may become cheaper.

It would be better for the global economy if savers piled their cash into equities and corporate bonds now, rather than waiting for better news. But savers are understandably reluctant to buy in the face of political dithering; whether it is Europe’s failure to sort out the Greek crisis or Washington’s failure to devise a plan that combines short-term economic stimulus with a long-term plan to reduce the deficit. That is yet another reason for politicians to get their various acts together: doing so will encourage savers to remove their cash from under their mattresses and put it into productive assets.