Les idées fausses, ça
suffit !
Pauvreté, immigration, assistanat, fraude... :
cassons les idées reçues
Nous vous invitons à déconstruire des préjugés et des
stéréotypes répandus sur la pauvreté et les pauvres, afin que ceux-ci cessent
d’être les boucs émissaires des maux de nos sociétés et qu’ils deviennent au
contraire des partenaires à part entière dans la construction d’un monde plus
juste.
Voici
quelques-unes de ces idées reçues. Diffusez-les autour de vous, réagissez,
participez au débat.
1) Sur la
pauvreté, les revenus et les patrimoines
« La pauvreté a diminué en France entre 2006 et
2009 »
Faux. Le
gouvernement a publié le 19 octobre 2011 son rapport sur l’évolution de la
pauvreté en France, qui conclut effectivement à une baisse de 5% du nombre de
personnes sous le seuil de pauvreté entre 2007 et 2009. Mais cette diminution
de 5% concerne le taux de pauvreté « ancré dans le temps », contesté
par de nombreux experts et associations de lutte contre la pauvreté (voir www.uncitoyenencampagne.com/ ?p=120).
Tous les indicateurs de l’INSEE montrent au contraire que la pauvreté et son
intensité se sont aggravées entre 2006 et 2009 (on n’a pas d’indicateurs plus
récents) :
le
taux de pauvreté à 60% du revenu médian est passé de 13,1% en 2006 à 13,5% en
2009, soit 8,2 millions de personnes,
entre
2000 et 2008, le nombre de personnes sous le seuil de 40% du revenu médian est
passé de 2,7 à 3,2 millions (et pas de chiffre en 2009 ! pourquoi ?).
Sources : voir en particulier www.insee.fr/fr/themes/document.asp ?ref_id=ip1365
À
savoir : on parle
souvent des inégalités de revenus, mais c’est surtout au niveau des patrimoines
et donc au moment des héritages que les inégalités se creusent :
les 10% des ménages les moins aisés détiennent moins de 2 700 euros
de patrimoine brut (avant remboursement des emprunts). Les 10% les mieux dotés
disposent d’un patrimoine supérieur à 552 300 euros. Soit un rapport de 1
à 205, qui a crû de près d’un tiers depuis 2004. Un écart bien plus
important que celui relatif aux revenus, qui était en 2009 de 4,2 entre
les 10% les plus modestes et les 10% les plus riches. Source : www.insee.fr/fr/themes/docum…
2) Sur les
minima sociaux
2-1) « La France distribue des minima sociaux
élevés. »
Faux. La
France est dans la moyenne européenne. En France, le montant des minima sociaux
pour une famille de deux enfants s’élève à 72% du seuil de pauvreté à 60% du
revenu médian, alors qu’il est en moyenne de 76% dans l’Union Européenne
(source OCDE, cité dans la revue Études et résultats de la DRESS du ministère
de l’Emploi, n°464, février 2006)
Par ailleurs, le montant des minima sociaux (RSA, AAH) ne connaît pas la même
progression que l’ensemble des revenus. En 1988, le Revenu Minimum d’Insertion
équivalait à 50% du SMIC. En 2012, le RSA socle est à 42% : soit
474,93 € pour une personne seule.
2-2) « Il n’y a pas assez d’argent dans les
caisses pour augmenter les minima sociaux »
Faux. D’une
part, la moitié seulement des 7,5 milliards € prévus pour le RSA sont
effectivement dépensés, à cause des non-recours (voir
2-4). D’autre part, il est possible de prendre des mesures (en particulier de
plus grande justice fiscale) afin d’accroître les recettes de l’État et des
collectivités territoriales.
2-3) « Les pauvres font des enfants pour toucher
des aides et des allocations. »
Faux. Ce
n’est pas avec les allocations qu’on peut vivre dignement en famille ; une
famille proche du seuil de pauvreté s’appauvrit encore plus lorsqu’elle
s’agrandit. Démonstration pour une famille de deux enfants. Le seuil de
pauvreté est pour elle de 954 € (seuil de pauvreté à 60% du revenu médian) x
(1+0,5+0,3+0,3)= 2003 € mensuels. Disons que cette famille a 2100 € de revenus
(y compris allocations familiales). Elle se situe juste au-dessus du seuil de
pauvreté. Si un nouvel enfant survient, son seuil de pauvreté deviendra 954 € x
(1+0,5+0,3+0,3+0,3) = 2290 €. Ses revenus seront augmentés de 161 €
d’allocations familiales, soit 2261 €. Elle passera alors sous le seuil de
pauvreté. Pour tout nouvel enfant, le revenu de la famille (en l’absence
d’autre variation de revenu) s’élèvera de 161 € d’allocations familiales, et
son seuil de pauvreté s’élèvera de 0,3x954 € soit 286 €. C’est ainsi que l’on
décourage les familles pauvres d’avoir des enfants…
2-4) « Les gens font tout pour toucher le maximum
d’aides »
Faux. La
moitié des personnes éligibles au RSA n’en fait pas la demande (source Odenore http://bit.ly/zfPwiI).
Voir aussi 6-4) pour les taux de non-recours aux
prestations sociales. Les raisons : la volonté de ne pas dépendre de
l’aide publique, la complexité des démarches, le manque d’information, le
souhait de ne pas être contrôlé…
2-5) « Les pauvres demandent tous des droits,
mais ça va avec des devoirs »
Tout à fait.
Mais la société doit aussi engager des moyens suffisants pour que son devoir de
soutenir les personnes en difficulté ne consiste pas uniquement en du contrôle,
mais se traduise en un accompagnement réel. Or « Le suivi des allocataires
du RSA paraît s’être dégradé, puisque, pour les seuls allocataires du RSA
socle, ils sont un tiers à avoir signé un CER (contrat d’engagement réciproque)
alors que près de la moitié de ceux qui touchaient le RMI avaient à l’époque un
contrat d’insertion. » (source Odenore, http://bit.ly/zfPwiI).
Pour ce qui est de l’accompagnement des chercheurs d’emploi, il n’est pas à la
mesure des besoins. Le nombre moyen de demandeurs d’emploi suivis par
conseiller de Pôle Emploi était de 85 fin 2008, 95 en 2009, puis 105,8 fin
décembre 2010. Le Sénat et le Conseil Économique Social et Environnemental
estiment qu’il faudrait se rapprocher de la cible de soixante demandeurs
d’emploi par conseiller (Source : rapport du Sénat sur Pôle emploi, juillet
2011, téléchargeable sur www.senat.fr/rap/r10-713-1/r…)
2-6) « On peut s’en sortir mieux au RSA qu’avec
le SMIC »
« Un
couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux,
peut gagner plus qu’un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au
SMIC » a déclaré le ministre Laurent Wauquiez le
8 mai 2011. Cette affirmation est fausse. Exemple d’un couple locataire en
Île-de-France :
Ressources
mensuelles (y compris APL) pour un couple sans emploi ni allocations
chômage (RSA Socle) |
Ressources
mensuelles (y compris APL) pour un couple avec un SMIC à 1000€ mensuel net (+
RSA activité) |
|
Sans
enfant avec aide au logement (APL) |
598(RSA)+360(APL)=958€ + droit à
la CMUC |
1000+200(APL)+218(RSA activité) = 1418€ pas de
droit à la CMUC |
Sans
enfant et sans APL |
712€ + droit à
la CMUC |
1000+332(RSA
activité) = 1332€ pas de
droit à la CMUC |
Avec deux
enfants et APL et Allocations familiales=126€ |
859+470(APL)
= 1329€ + droit à
la CMUC |
1000+390(APL)+126(AF)+350(RSA activité) = 1866€ + droit à
la CMUC |
Avec deux
enfants et sans APL. AF=126€ |
997€ + droit à
la CMUC |
1000+126+491(RSA
activité) = 1617€ + droit à
la CMUC |
NB :
Les
simulations d’APL ont été effectuées sur le site www.caf.fr
pour un loyer de 700€ à Paris.
RSA
activité = Montant forfaitaire RSA + 62% des revenus d’activité du foyer –
Ressources du foyer – Forfait d’aide au logement (voir http://bit.ly/yB2UJy). Pour notre premier
calcul, cela donne 712+(1000x62%)-1000-114=218€.
Note : 114€ est le forfait à déduire en 2012 pour une famille de deux personnes
bénéficiant d’une aide au logement. Pour la situation avec deux enfants, cela
donne 997+(1000x62%)-1000-126-141=350€. Note :
141€ est le forfait à déduire en 2012 pour une famille de trois personnes et
plus bénéficiant d’une aide au logement.
Le
RSA socle comprend les allocations familiales.
Pour
avoir accès à la CMUC (Couverture Maladie Universelle Complémentaire), les
revenus mensuels doivent être inférieurs à 971€ pour une famille de deux
personnes et 1360€ pour 4 personnes. Sont inclus dans ce calcul les revenus de
la famille (hors RSA mais y compris allocations familiales) et un forfait
logement pour les locataires bénéficiant d’une aide au logement : 114€
mensuels pour une famille de deux personnes en 2012 et 141€ pour plus de trois
personnes (sources : www.cmu.fr/site/cmu.php4 ?Id=17
et www.cmu.fr/userdocs/232-2-20…).
Deux
commentaires :
effectuer
ces calculs est un véritable parcours du combattant, et plusieurs témoignages
nous montrent qu’il y a parfois des écarts entre la théorie et la réalité.
Comment une famille aux revenus modestes peut-elle prévoir ses revenus sur les
mois à venir ?
Nous
n’avons pas pris en compte des dépenses de garde d’enfant ou de services
essentiels (transport, gaz, électricité…) qui peuvent être différentes entre
une famille percevant un SMIC et une famille percevant le RSA socle.
3) Sur le
budget des familles
« Le pouvoir d’achat moyen des Français a
augmenté entre 2007 et 2010 »
Vrai et
faux. Le pouvoir d’achat global au niveau de la France a légèrement augmenté.
Mais, compte tenu de l’augmentation de la population, le « pouvoir d’achat
du revenu arbitrable » (une fois que les dépenses obligées – loyer,
assurance, électricité… - ont été payées) par personne a baissé de 0,1% entre
2008 et 2010 (source INSEE http://bit.ly/yVkn0T).
Par ailleurs, pour les revenus les plus modestes, la situation est plus grave.
Par exemple, de 1992 à 2006, les dépenses incompressibles dans leur budget sont
passées de 52 à 74%. Selon le Secours catholique (Message, février 2011) :
« se chauffer devient un luxe pour des millions de personnes », 3,4
millions de personnes subissent la précarité énergétique, les demandes d’aide
au chauffage ont augmenté de 50% entre 2008 et 2009 au Secours Catholique.
Le prix du gaz a augmenté de 50% en 5 ans ; les loyers depuis 2000 :
+ 30%. ; électricité : + 6% en un an ;
carburants : + 15% en un an (source rapport de la CLCV, octobre 2011).
Voir aussi le dossier annuel 2011 de la MRIE Rhônes-Alpes,
sur http://bit.ly/wjG2to
4) Sur le
travail, le chômage et la retraite
« Les pauvres ne veulent pas travailler. »
Faux. Les
études convergent : 64% des chômeurs interrogés dans huit pays européens
déclarent qu’ils veulent retrouver un emploi, même si cela ne leur procure pas
un gain financier, alors que seuls 48% des personnes déjà en emploi déclarent
vouloir conserver leur travail dans une telle situation (source : étude
coordonnée par Duncan Gallie en 1999, citée par Jean Gadrey, http://bit.ly/wYVO4W).
L’enquête « L’influence des incitations financières sur le retour à
l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux » menée en 2009 par la
Direction Générale du Trésor montre bien que la valeur accordée au travail et
la volonté d’assurer le meilleur avenir possible aux siens conduisent la plupart
des bénéficiaires à accepter la reprise d’un emploi, même sans gain financier
immédiat (http://bit.ly/L0RXbi). Les
principaux freins évoqués pour la reprise d’un travail sont le manque
d’emplois, de moyens de transport, de formations adaptées, de modes de garde
accessibles, etc.
« Il y a des pauvres qui veulent s’en sortir et
d’autres qui ne veulent pas. »
Faux.
Personne n’accepte de vivre dans la misère. La distinction entre « bons
pauvres » et « mauvais pauvres » traverse toute l’histoire de la
pauvreté (cf. les ouvrages de Paul Christophe sur le sujet). Cette distinction
est surtout le reflet de l’impuissance de l’action publique ou de son manque de
volonté de s’attaquer vraiment à la pauvreté. Faute de quoi, on s’attaque aux
pauvres : c’est plus facile.
« Les bénéficiaires du RSA ne font pas d’efforts
réels pour chercher du travail. »
Faux. La
plupart des bénéficiaires du RSA ont l’obligation de chercher un emploi, sous
peine de diminution ou suspension de l’allocation.
« Si on veut vraiment travailler, on
trouve. »
Faux. Dans
l’état actuel du marché de l’emploi (entre trois et cinq millions de chômeurs
en France en 2012, selon la catégorie que l’on considère), tout le monde ne
parvient pas à trouver du travail. De plus, certaines personnes restées depuis
longtemps sans travail ont besoin d’être particulièrement soutenues pour
revenir à l’emploi.
Quelques
chiffres
Le chômage coûte chaque mois
2,2 milliards d’euros à l’Unedic (source rapport du Sénat (juillet 2011) sur
Pôle emploi, téléchargeable sur www.senat.fr/rap/r10-713-1/r…),
les
plus pauvres cotisent comme les autres pour leur retraite, mais perçoivent
moins de retraite dans la mesure où leur espérance de vie est moins importante
(voir 6)),
Taux
de chômage chez les 16-25 ans : 8,7% chez les bac+2, et 35% chez les
non-diplômés (voir Voir http://www.cerc.gouv.fr/rapports/ra…,
page 36-37). Le taux de chômage des 15-29 ans est en 2009 de 29,5% en zone
urbaine sensible et de 16,9% en moyenne nationale (source DARES, Analyses,
octobre 2010, n°072).
5) Sur le
logement
« La construction de logements sociaux se
développe à un rythme suffisant en France. »
Faux. Le
niveau de la production a progressé régulièrement jusqu’en 2007 mais s’est
effondré depuis : seulement 333 000 logements ont été commencés en 2009
(contre 435 000 en 2007), ce qui met à mal les objectifs du DALO. On estime que
le niveau de déficit va atteindre le million de logements. De plus, la
progression des logements sociaux tient surtout à l’augmentation de logements
accessibles seulement aux classes moyennes (nombre de logements PLS multiplié
par 10 entre 2000 et 2010) alors que les logements accessibles aux familles les
plus modestes augmentent bien plus faiblement : le nombre de PLAI a été
multiplié par 2 sur la même période (rapport Mal logement 2011 de la Fondation
Abbé Pierre).
« Les logements sociaux devraient être attribués
en priorité aux gens qui travaillent. »
Faux.
L’impératif de solidarité nationale exige que chacun, qu’il ait ou non un
emploi, puisse disposer d’un logement adapté à ses ressources. Le droit à un
logement digne est reconnu pour tous les citoyens en France. De fait, on
constate malheureusement aujourd’hui que les personnes possédant un emploi
accèdent en priorité aux logements sociaux.
« En période de restriction budgétaire, il est
normal que l’État réduise l’aide au logement social. »
Faux. C’est
la réalité mais c’est un mauvais calcul. Tout d’abord parce, en contrepartie,
"l’ensemble des crédits que l’État consacre à la politique d’hébergement
peut être estimé à 1,5 milliard d’euros" chaque année (source Cour des
comptes, http://bit.ly/wWR0ZY).
Par ailleurs, l’absence de logement stable provoque pour une famille des
ruptures durables dans l’emploi, la santé, la scolarité… qui auront des
conséquences et des coûts élevés pour la collectivité.
6) Sur la
Sécurité sociale et la santé
6-1) « Les pauvres sont des fraudeurs. »
Faux. La
fraude aux prestations sociales est évaluée à environ 3 Milliards € et
concernerait 1% des particuliers (source Cour des comptes, http://bit.ly/pszAmR). 90% de ces 3 Milliards
sont récupérés.
La CNAF estime le taux de fraude à 0,46% pour les prestations familiales, 3,1%
pour l’API (Allocation Parent Isolé), 3,6% pour le RMI-RSA (source : AFP,
29 avril 2010).
À comparer avec :
la
fraude aux prélèvements sociaux, évaluée à entre 8 et 12 Milliards € et
concernerait 10% des entreprises (source Conseil des prélèvements obligatoires
en 2007)
la
fraude fiscale en France, évaluée à entre 20 et 25 Milliards € par le Conseil
des prélèvements obligatoires en 2007, ou 30 Milliards € par la Direction du
Budget, ou encore 50 Milliards € par la Commission Européenne.
Jean-François
Chadelat, directeur du Fonds CMU, démonte des idées
fausses sur la CMU
6-2) « Les bénéficiaires de la CMU en profitent
pour faire des soins de confort dont ils n’ont pas vraiment besoin »
Faux. La CMU
est très restrictive.
6-3) « Grâce aux bons CAF, les enfants des
familles défavorisées ont un accès normal à la culture, au sport, etc. »
Oui et non.
Ces aides sont appréciables, mais elles nécessitent un financement
complémentaire plus ou moins important par les familles. Et il faut anticiper
les besoins pour faire les demandes à temps.
6-4) « Grâce à la CMU, à la CMUC et à l’ACS, tout
le monde bénéficie d’une protection santé satisfaisante. »
Faux. En
2008, 1,5 million de personnes sur les 6 millions de bénéficiaires potentiels
ne disposaient pas de la CMU (couverture maladie universelle). Au 31 décembre
2010, une étude du Fonds CMU estimait que le nombre de personnes n’ayant pas
recours à la CMU-C (couverture maladie universelle complémentaire) était de
plus de 20%. Pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), le
taux de non-recours est 80%. Par ailleurs, en 2008,
22 % des bénéficiaires de la CMU-C déclaraient avoir renoncé à certains
soins pour des raisons financières au cours des 12 derniers mois (source :
Boisguérin, Després, Dourgnon, Fantin, Legal, 2010, Étudier l’accès aux soins des assurés CMU-C,
une approche par le renoncement aux soins, In Santé, soins et protection
sociale en 2008. Paris : IRDES, 2010/06, 31-40).
6-5) « Pour ce qui est de l’espérance de vie en
France aujourd’hui, nous sommes relativement égaux. »
Faux. À la
fin des années 1990, un ouvrier ayant 35 ans vivra encore en moyenne 39 ans, un
cadre 46 ans et un chômeur 28 ans. Ces inégalités d’espérance de vie sont
croissantes en France (source : Monteil C., Robert-Bobée
I., 2005, Les différences sociales de mortalité : en augmentation chez les
hommes, stables chez les femmes, INSEE Première, 1025).
7) Sur le
placement des enfants
« Les enfants placés ont la chance de connaître
une vie meilleure et de découvrir un autre milieu que le leur. »
Faux. Pour
un grand nombre d’enfants et de parents, le placement est une solution qui crée
des ruptures profondes alors qu’il pourrait souvent être évité. "Une
personne sans domicile sur cinq a dû quitter le domicile de ses parents avant
l’âge de 16 ans - proportion six fois plus élevée que dans le reste de la
population" (source www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc…)
« Si on place les enfants, c’est à cause de la
maltraitance. »
Faux. Les
causes du placement d’un enfant d’une famille pauvre tiennent souvent aux
conditions d’accès de la famille au logement, à la santé, etc. Des difficultés
pourraient dans de nombreux cas être résolues par un soutien à la famille qui
coûterait par ailleurs moins cher que la solution du placement. « Six
milliards d’euros sont dépensés chaque année de façon empirique, sans que l’on
cherche à contrôler les acteurs de la protection de l’enfance, ni à connaître
l’efficacité de ces interventions » (rapport « La protection de
l’enfance » de la Cour des comptes, octobre 2009).
8) Sur la
fiscalité et les impôts
« Les pauvres ne paient pas d’impôts »
Faux. Le
taux moyen d’imposition (impôts directs et indirects) des 10% les moins riches
est d’environ 40%, celui des 0,1% les plus riches d’environ 37%, et celui des
revenus moyens de 45 à 48% (source : calculs effectués par les économistes
Saez, Landais et Piketty à partir des données INSEE).
NB : pour les plus hauts revenus, les taux réels d’imposition sont souvent
très inférieurs aux taux affichés, à cause des niches fiscales. Grâce à elles,
une partie des plus hauts revenus échappe à une part de l’imposition.
« Les plus pauvres peuvent se faire exonérer de
charges et d’impôts »
Oui, mais il
faut effectuer beaucoup de démarches avant d’obtenir ces exonérations et il
faut les renouveler régulièrement.
9) Sur
l’immigration
9-1) « L’immigration augmente d’année en année en
France »
Faux. La
proportion d’immigrés [1]
se situait en 1931 à 6,6%. Elle a décru jusqu’à la guerre et cru pendant les 30
Glorieuses pour atteindre 7,4% en 1975, restant à ce niveau jusqu’en 1999 et
croissant légèrement jusqu’à 8,4% en 2008 www.insee.fr/fr/themes/table…
9-2) « Si on renvoyait les immigrés dans leur
pays, il y aurait moins de chômage en France » ou « Les immigrés
prennent des emplois aux Français »
Faux.
Globalement, la présence des populations de nationalité étrangère en France
crée de la richesse et donc de l’emploi, grâce à l’apport de consommation,
d’impôts et de cotisations (voir 9-6)). Les étrangers sont aussi consommateurs,
ils créent une demande supplémentaire et des emplois. Les études montrent que
les migrants arrivant créent leurs propres emplois. « En imaginant
une augmentation de 10% du flux d’immigration au Royaume-Uni en 2007, le taux
de chômage n’augmenterait alors que de 0,01 point au bout de 13 ans. » (http://dailleursnoussommesdici.org/…).
9-3) « La France est un des pays d’Europe qui
accueille le plus d’immigrés »
Faux.
« Avec un taux d’accroissement naturel de 4 pour 1000 et un taux
d’accroissement migratoire de 1 pour 1000, la France est le pays d’Europe dont
la croissance démographique annuelle dépend le moins de l’immigration »
(tableau 2 page 2 du document « Cinq idées reçues sur
l’immigration », source INED pour l’année 2001). En 2010, la part des
personnes immigrées sur la population totale s’élevait à : Autriche (16 %),
Suède (14 %), Espagne (14 %), États-Unis (13 %), Allemagne
(13 %), France (11 %) [2],
Pays-Bas (10 %), Royaume-Uni (10 %), Belgique (9 %), Italie
(7 %) (source INED, http://bit.ly/hK5Qrp).
9-4) « Les familles immigrées font beaucoup plus
d’enfants que les familles françaises natives »
Pas tant que
cela. « Dans la période 1991-1998, le nombre moyen d’enfants par femme
était de 1,65 pour les seules françaises natives. Les femmes immigrées avaient
en moyenne 2,2 enfants (source document « Cinq idées reçues sur
l’immigration », INED, 2004)
9-5) « La France accueille toute la misère du
monde » (sous-entendu : « Ce sont les populations les plus
pauvres qui immigrent en France »)
Faux.
« Dans l’ensemble, les migrants représentent par rapport aux non-migrants
de la société d’origine une population sélectionnée : en meilleure santé,
plus instruite, plus entreprenante, dotée d’un minimum de ressources » (source
document « Cinq idées reçues sur l’immigration », INED, 2004). La
part des immigrés diplômés de l’enseignement supérieur est passée de 12 à 25%
entre 1990 et 2007. La moyenne nationale est de 29% (Insee et http://dailleursnoussommesdici.org/…).
9-6) « L’immigration coûte 48 milliard d’euros à
la France en prestations sociales »
Vrai. Mais
elle rapporte 60 milliards d’euros en impôts et cotisations sociales chaque
année (source ministère de la Santé et des affaires sociales et étude de
l’université de Lille-II de juillet 2010, voir http://dailleursnoussommesdici.org/…).
La population immigrée est en moyenne plus jeune et en bonne santé que les
autres habitants de la France. Or dans les prestations sociales la maladie pèse
47% et la retraite 31% (les autres dépenses étant les allocations chômage, le
RSA, les allocations logement et les allocations familiales). La population
immigrée est donc une chance pour aider au paiement des retraites.
En moyenne, la contribution nette de chaque immigré (différence entre ce qu’il
verse et ce qu’il reçoit en impôts et cotisations sociales) est de l’ordre de
1500 € par an.
Voir "Migrations et protection sociale : étude sur les liens et les
impacts de court et long terme" (ministère de l’Emploi, 2010, http://bit.ly/wo0Jxt), ainsi que www.telos-eu.com/fr/article/…
("En l’absence de l’immigration, le besoin de financement de la protection
sociale en France augmenterait de 2 points de Produit Intérieur Brut
(PIB)".
Bien sûr, l’apport de l’immigration à notre pays ne se limite pas à cet aspect
comptable. Il est aussi et surtout humain, culturel, scientifique, artistique,
etc.
9-7) « Les étrangers peuvent profiter facilement
des minima sociaux. »
Faux. Il
faut être en possession d’un titre de séjour et d’une carte de travail depuis
au moins cinq ans pour bénéficier du RSA si on est natif d’un pays extérieur à
l’Union européenne.
9-8) « Les étrangers augmentent la
délinquance »
Faux. 12,7%
du nombre de condamnés sont étrangers (source : ministère de la Justice),
alors qu’ils représentent environ 8% de la population de la France (voir 9-3)).
L’écart n’est pas si important que veulent le faire croire certains hommes
politiques.
10) Sur
l’école
« Ce n’est pas à l’école de régler tous les
problèmes de la société »
Vrai et
faux. La loi d’orientation sur l’école de 2005 dit : « La scolarité
obligatoire doit au moins garantir à chaque élève les moyens nécessaires à
l’acquisition d’un socle commun constitué d’un ensemble de connaissances et de
compétences qu’il est indispensable de maîtriser pour accomplir avec succès sa
scolarité, poursuivre sa formation, construire son avenir personnel et
professionnel et réussir sa vie en société. » Cela dit bien que le rôle de
l’école n’est pas seulement de transmettre des connaissances, mais aussi de
permettre aux élèves de se construire des compétences, dont celle de pouvoir
vivre avec d’autres différents de soi.
Elle doit aussi permettre à tous d’acquérir ces connaissances et compétences.
Mais on constate qu’elle peine à atteindre ces objectifs et à réduire les
inégalités sociales, dans la mesure où l’échec et la réussite scolaire sont de
plus en plus liés à l’origine sociale. En réalité, le fonctionnement actuel de
l’École en France vise aussi un objectif non déclaré : sélectionner les
meilleurs élèves qui s’orienteront ensuite vers des études supérieures et les
postes de responsabilité.
« Dans les familles pauvres, les parents sont
démissionnaires et se désintéressent de l’école »
Faux. Les
parents défavorisés ont souvent peur de l’école car ils sont marqués par leur
échec d’enfant. Par ailleurs, 80% des mères non-diplômées s’estiment dépassées
pour aider leurs enfants dans leurs études au collège, contre 26% seulement des
mères diplômées de l’enseignement supérieur (source INSEE, « L’aide aux
devoirs apportée par les parents », 2004).
Mais le lien entre pauvreté et échec scolaire n’est pas fatal : il est
moins élevé dans la plupart des autres pays développés qu’en France, et très
faible dans des pays comme le Canada, la Finlande, le Japon ou la Chine (source
étude PISA).
« Heureusement que l’école est là pour corriger
certaines inégalités sociales ! »
Faux. En
France, l’impact du milieu social sur la réussite ou l’échec scolaire est plus
grand que dans beaucoup d’autres pays, et il grandit au fil des années. En
2009, plus de 75% des élèves dont les parents sont cadres ou professions
intellectuelles ont obtenu le bac général, contre 33% pour les enfants
d’ouvriers et 41% des enfants d’inactifs (rapport CESE sur les inégalités à
l’école) ; le pourcentage de variation de performance des élèves, en
lecture expliqué par le milieu socio économique est de 17% pour la France bien
au dessus de la moyenne de l’OCDE (14%), le double de la Finlande du Canada ou
du Japon (rapport CESE).
« Si les enfants pauvres réussissent moins bien à
l’école, c’est qu’ils ne travaillent pas »
Faux. Les
causes sont plus complexes que cela. Par exemple, « le niveau de diplôme
des parents (particulièrement celui de la mère) et, de manière plus globale,
les possibilités d’encadrement de la scolarité par les familles revêtent une
importance au moins aussi grande que leur situation socio-économique »
(rapport CESE).
« Les enfants d’immigrés sont plus en échec
scolaire que les autres. »
Faux. C’est
la pauvreté qui la plus grande cause d’échec scolaire et non pas l’immigration.
À niveau social égal, les descendants d’immigrés ne sont pas en moyennes plus
touchés par l’échec scolaire que le reste de la population (CESE).
« La mixité sociale dans les écoles nuit à la
réussite scolaire. »
Faux.
Lorsque l’on met en oeuvre une pédagogie adaptée, les
résultats scolaires de tous s’améliorent, comme le montrent les expériences de
plusieurs établissements scolaires (voir l’exemple des écoles Anne Frank et
Hélène Boucher à Mons-en-Baroeul, celui du collège La
Durantière à Nantes – Feuille de route sept/oct. 2011
–, celui du collège Évariste-Galois à Nanterre – Feuille de route novembre 2011
–, etc.).
Par ailleurs, l’école ne doit-elle pas préparer les enfants et les jeunes à
vivre ensemble dans le respect des différences ?
11) Sur les Roms
« Les Roms ne veulent
pas travailler. »
Faux. C’est
le contraire : tout est fait en France pour que les Roms
de Roumanie et de Bulgarie n’aient pas le droit de travailler : une
« période transitoire » les empêche d’avoir les mêmes droits que les
autres européens avant fin 2013. Pour travailler, ils doivent disposer d’une
autorisation de travail. Les délais d’obtention sont de 3 à 6 mois à partir
d’une promesse d’embauche à temps plein. Le plus souvent, l’employeur (qui doit
en plus payer la taxe dûe à l’OFII – Office Français
pour l’Immigration et l’Intégration – pour l’embauche d’un étranger) ne peut
attendre la réponse et embauche quelqu’un d’autre.
Le 26 octobre 2009, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et
pour l’égalité (HALDE) a demandé au gouvernement qu’il mette fin à cette
période transitoire, ainsi que la Commission Nationale Consultative des Droits
de l’Homme (CNCDH), dans un avis adopté le 22 mars 2012.
Travail
réalisé par ATD Quart Monde et la MRIE, Mission Régionale d’Information sur
l’Exclusion en Rhône-Alpes.
Démonter
toutes ces idées fausses, c’est bien. Mais il faut aller plus loin. Lisez les
propositions politiques d’ATD Quart Monde : www.atd-quartmonde.fr/propositionspolitiques.