Du revenu garanti aux coopératives municipales

Par Jean Zin le Jeudi, 17 mai 2012,

Pour publication, suite au colloque à Montreuil pour un revenu social, les 30 et 31 mars 2012 (où je n'étais pas) j'ai dû fusionner, et améliorer, les deux articles que je leur avais écrit (Un revenu pour travailler et Des coopératives municipales pour des travailleurs autonomes).

Du fait de son inconditionnalité le revenu universel est supposé par la plupart de ses partisans nous « délivrer du travail », le chômage de masse et le travail précaire qui rendent tellement indispensable une garantie de revenu étant confondus avec une « fin du travail » au moins très prématurée. C'est oublier surtout que la caractéristique principale des différents types de « revenu d'existence » consiste à pouvoir le cumuler avec un revenu d'activité afin d'éviter qu'il ne se transforme en « trappe à pauvreté », ce qui en fait donc, tout au contraire, un « revenu pour travailler », permettant simplement d'accéder au travail choisi. Si le revenu garanti peut se comparer à l'abolition de l'esclavage en nous délivrant du travail forcé comme de la subordination salariale, il ne devrait en aucun cas être réduit à l'assistanat alors qu'il constitue une des conditions d'un travail autonome, au moins pour ceux qui sont dépourvus de capital.

En cela, il doit être considéré comme productif, justifiant dés lors un montant supérieur au minimum vital sans que cela puisse être assimilé en totalité à une dépense encore moins à une perte sèche, la part non récupérée devant être largement inférieure à 30%. Si le financement doit bien en être assuré, il serait dommageable de l'identifier à un simple coût. Il faut au contraire présenter le revenu garanti comme une ressource pour des capacités inemployées et un investissement comparable à la formation

D'un point de vue écologiste, le revenu garanti est un élément central d'une production alternative en permettant de sortir du productivisme salarial mais aussi en opérant une reconversion de la consommation vers la production par l'accès à un travail qui ne soit pas seulement alimentaire, c'est-à-dire en mettant le travail au coeur de la vie, loin de nous en délivrer pour une vie d'oisiveté. S'il y a libération du travail, c'est à la fois dans le sens d'une libération de la nécessité comme de l'exploitation mais plus encore d'une libération du potentiel qui est en nous, délivré de la rentabilité immédiate.

Bien sûr, il faut avoir du travail une notion plus générale que l'emploi salarié pour devenir "le premier besoin de la vie", comme dit Marx, Si le revenu garanti doit être inconditionnel, c'est pour laisser toute autonomie dans l'emploi de sa vie mais l'autonomie sert à faire ce qu'on pense devoir faire, notamment valoriser ses compétences. Rien de tout cela ne serait possible cependant à l'ère industrielle. Ce qui non seulement permet mais appelle une garantie du revenu, c'est uniquement notre entrée dans l'ère de l'information transformant profondément le travail avec l'automatisation se substituant au travail de force ou travail forcé au profit de l'autonomie et la motivation d'un travail choisi, tout ce que les machines ne peuvent pas faire et dont l'économie immatérielle a tant besoin mais qui génère aussi bien plus de précarité que les industries lourdes. Assurer la continuité du revenu devient indispensable pour ne pas perdre le bénéfice de formations de plus en plus longues et tenir compte d'une productivité devenue plus statistique à mesure que le travail devient plus immatériel. C'est évidemment ce qui sera décisif dans le succès économique d'une telle mesure. Le revenu garanti doit être qualifié ici de productif au sens d'une meilleure production et de la préservation sinon de l'optimisation des capacités productives.

Cependant, pour que ce point de vue soit effectif, on ne peut faire du revenu garanti une mesure isolée sans des institutions comme les coopératives municipales démocratisant l'accès au travail autonome et permettant d'assurer localement une véritable production.

- Le travail autonome

La valorisation du travail autonome ne va pas de soi puisque c'est l'opposé de la société salariale défendue par la social-démocratie et les syndicats, et tout aussi éloigné des utopies contraires de la fin du travail. Pour un sociologue comme Luc Boltanski la revendication de l'autonomie dans le travail relèverait d'une « critique artiste » superfétatoire au regard d'une « critique sociale » ne s'intéressant qu'à l'augmentation des salaires (au partage travail/salaire). Les vertus de l'autonomie sont cependant bien réelles dans le règne du vivant comme en économie ou politique et surtout elles s'imposent non par la récupération des tendances libertaires de Mai68, ni pour séduire les cadres, mais à cause d'un travail de plus en plus immatériel et des nouvelles exigences des nouvelles forces productives d'un niveau de compétence, « d'employabilité », en hausse constante. Plus qu'un mauvais penchant d'une humanité indomptée, l'autonomie est une contrainte cognitive dans le vivant comme dans tout système complexe, le travail à l'ère du numérique en étant bien la manifestation. Ces nouvelles forces productives entrent en contradiction avec les rapports de production salariaux, produisant de plus en plus de précarité alors même que le travail autonome se trouve jusqu'ici réservé à une élite, soit par le niveau de richesse familiale, soit par le niveau de qualification et de rémunération attendue.

On peut dire qu'on se trouve plutôt dans ce que Alain Ehrenberg ou Marcel Gauchet appellent « l'autonomie subie » et qui peut certes avoir des effets délétères (une liberté qui nous laisse tomber), il y a malgré tout de bonnes raisons de pousser dans ce sens en essayant de tirer parti de l'opportunité historique de sortir de la société salariale, qui est une société de consommation, pour démocratiser le travail autonome. Cette "libération du travail" est bien ce que les luttes d'émancipation devraient viser après l'échec de la collectivisation des moyens de production, ne remettant pas en cause la subordination salariale, et la déception, sauf rares exceptions durables, des tentatives autogestionnaires ne transformant pas fondamentalement les rapports de production ou vite laminés par la concurrence (et les banques). L'abolition du salariat et d'un travail mesuré par le temps a longtemps été l'objectif final des syndicats et il aurait dû le rester car c'est l'un des facteurs du productivisme et de la séparation du producteur de son produit. Sortir de l'aliénation salariale n'est pas s'affranchir des contraintes du travail lui-même, c'est accéder au travail autonome et pouvoir produire en dehors du système capitaliste.

Seulement, pour cela, il faut donner les moyens de sortir du salariat à ceux qui le voudraient, d'abord par un revenu garanti procurant un minimum d'indépendance financière, mais aussi en les aidant à valoriser leurs compétences et coopérer avec d'autres.

- La production de l'autonomie

Il ne suffit pas de libérer le travail pour que chacun ait accès au travail autonome, d'autant plus que le niveau exigé augmente. Contrairement à l'idéologie dominante comme à celle d'un « homme complet » fantasmé, tout le monde ne sait pas tout faire. Il y a plutôt une diversité de talents qui se complètent et nous rend utiles les uns aux autres. La personne n'est pas une entreprise à elle toute seule, ayant tout au contraire besoin de l'assistance et la coopération des autres. L'autonomie n'est pas un état préalable et naturel, c'est une production sociale permettant de relâcher la pression des nécessités vitales. C'est pour cela qu'on a besoin des institutions du travail autonome afin d'universaliser nos droits, les rendre effectifs pour tous en fournissant les supports sociaux de l'autonomie à ceux qui n'ont pas de capital.

Le revenu garanti constitue effectivement pour beaucoup la condition d'un travail autonome et du travail choisi. Pour qu'un travail soit choisi, on ne doit pas y être obligé du tout, condition de la liberté du travail (et de prendre le temps d'élaboration, de formation, d'expérimentation, de soins, etc.). Mais s'il est exclu d'obliger quiconque à un travail autonome, cela n'empêche pas de l'encourager, d'en donner les moyens, de le rendre possible et d'y inciter par toutes sortes de mesures. Ce qu'il faut, c'est donner les moyens à chacun de développer ses talents et donc organiser la coopération des travailleurs autonomes ainsi que l'adéquation avec la demande locale. C'est la contrepartie de l'inconditionnalité, non pas d'en restreindre l'universalité mais d'y joindre l'incitation et les moyens de compléter son revenu. Plus d'assistance pour sortir de l'assistance (ce que Amartya Sen appelle le développement humain) ! On ne peut laisser les gens se débrouiller tout seuls au nom d'une égalité de principe déniant les inégalités réelles.

Ce serait la fonction des coopératives municipales de fournir, quand c'est possible, les conditions matérielles et humaines du travail autonome les moyens d'exercer son activité, offrant ainsi à tous une alternative au marché du travail et à l'emploi salarié dans une entreprise marchande. Comme le revenu garanti, la finalité de ces coopératives municipales est clairement un objectif de démocratisation puisqu'il s'agit cette fois encore de remplacer les privilèges du capital par des droits sociaux, plus précisément de ne pas laisser les travailleurs autonomes isolés et vulnérables, ni les coopératives sous la coupe des marchés. C'est une assistance à l'autonomie, le contraire d'un renforcement de la répression sociale et du workfare, mais dont la durabilité et la reproduction dépendent non pas de nos bonnes intentions mais de son caractère productif et de sa capacité plus ou moins grande à relocaliser effectivement l'économie.

- Faire système

Pour être nécessaire, un revenu garanti ne saurait être suffisant mais doit être complété par d'autres dispositifs pour s'adapter aux nouvelles conditions de production et procurer les moyens de son autonomie. Il faudrait donc considérer le revenu garanti non pas comme une revendication isolée et minimaliste mais un nouveau compromis social, un nouveau type de fonctionnement économique, de production et de répartition des revenus avec des droits sociaux attachés à la personne plutôt qu'à l'entreprise, la promotion de l'autonomie dans le travail et de structures coopératives. Il faudrait penser le revenu garanti comme un projet cohérent et productif plutôt qu'une revendication ponctuelle et ruineuse. On a vu la complémentarité qui pouvait exister entre revenu garanti et coopératives municipales mais se préoccuper de trouver des débouchés aux compétences locales mène à s'occuper non seulement des revenus et de la production mais aussi de la circulation en dynamisant les échanges locaux par des monnaies locales notamment, les monnaies locales étant l'instrument privilégié de la relocalisation. Par quelque bout qu'on les prenne, on retrouve le triptyque revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales faisant système (distribution, production, circulation).

Comme on le voit bien, colloque après colloque, il n'y a pas du tout d'unité du revenu garanti dont les différentes versions expriment toute une gamme de projets différents. C'est qu'on ne peut donner sens à un dispositif isolé qui dépend du rôle qu'on lui fait jouer dans l'organisation sociale. Cela peut aller de la simple mesure sociale, d'un palliatif du marché du travail assurant une consommation minimum, jusqu'à l'élément d'un nouveau système de production relocalisé qui change la façon de produire en donnant accès au travail choisi. C'est uniquement grâce à un ensemble de dispositifs faisant système (production, revenu, échange) qu'un revenu garanti permettrait de sortir du capitalisme et passer de la sécurité sociale au développement humain, mais surtout de la consommation à la production, de la valorisation des marchandises à celle des oeuvres (de l'avoir à l'être ou plutôt au faire).

La notion de système reste obscure pour la plupart de ceux qui se déclarent anti-système sans savoir bien ce qu'on vise ainsi sinon un ordre considéré comme illégitime et qu'on refuse de subir. Il est dommageable que la théorie des systèmes soit à peu près tombée dans l'oubli alors qu'il est crucial de comprendre le fonctionnement d'un système de production pour sortir de l'utopie et d'initiatives isolées. En effet, le fonctionnement d'un système ne dépend pas de ses éléments (de la bonne volonté individuelle) mais résulte de processus d'ensemble, de circuits qui se bouclent, circuits d'énergies, de matières et d'informations (ou d'argent). Un système forme une totalité où l'ensemble peut être affecté par un événement local, comme une fuite dans un circuit d'eau. Ainsi des événements lointains comme l'inflation provoquée par l'afflux d'or des Amériques à la fin du XVIème siècle, manifestait déjà nos interdépendances. Il a fallu attendre 1758 pour que le Dr Quesnay montre, avec son tableau de l'économie, l'analogie entre les circuits économiques et le système sanguin, reliant les classes sociales et des parties éloignées dans une totalité qui rend les éléments solidaires. On peut considérer que l'apport principal de Marx aura été de montrer que la production était bien organisée en système combinant production, reproduction et circulation, système ayant sa dynamique propre (basée sur le profit et l'innovation) avec ses rapports de production spécifiques (salariat) adaptés à l'organisation productive ainsi qu'à l'état des techniques. C'est un autre type de contrainte systémique qui s'ajoute aux flux de la théorie des systèmes mais dans les deux cas ce sont des totalités effectives auto-entretenues. Ainsi, le capitalisme s'est différencié du féodalisme aussi bien que d'une économie de prédation comme production déterminée par la circulation, l'investissement industriel et le travail salarié.

Penser global, c'est penser système, circuits, flux, interdépendances, organisation, division des fonctions, coordination, sans oublier la reproduction assurant sa durabilité. Que production et reproduction fassent inévitablement système ne signifie pas cependant qu'il n'y aurait qu'un seul système, fût-il dominant ! Il est vital de comprendre le fait que nous faisons partie d'une pluralité de systèmes, totalités effectives qui nous déterminent matériellement plus que nous ne les déterminons mais entre lesquelles on peut jouer. Il n'y a pas d'économie qui ne soit une économie mixte, une économie plurielle où cohabitent au moins économie domestique, publique et marchande. C'est d'ailleurs ce qui a permis au capitalisme de se constituer à partir des villes franches en marge du système féodal comme doit pouvoir se construire aujourd'hui avec la relocalisation un nouveau système alternatif au capitalisme. Comme toute entreprise, un système doit s'auto-entretenir, se boucler sur lui-même, avoir sa dynamique propre sans avoir besoin d'exclure tout autre système.

Il faudrait se convaincre qu'on ne construit pas un nouveau système de production par le haut mais par le bas et qu'il n'y a pas d'autres alternatives que cet ancrage dans le local et la démocratie de face à face pour réinsérer l'économie dans le social et le politique. Pour cela on a besoin à la fois d'un revenu garanti, qui permet le travail autonome, de coopératives municipales pour exercer son activité et s'associer à d'autres travailleurs autonomes, de monnaies locales enfin pour assurer plus de débouchés à la production locale sans se fermer à l'extérieur.

- Les coopératives municipales

L’appellation de "coopérative municipale" paraît contradictoire, une coopérative étant normalement la propriété de ceux qui y travaillent. Cela n'a cependant rien de nouveau, il y a toutes sortes de coopératives municipales dans les domaines du bâtiment, de l'agriculture ou du commerce. C'est dans un sens assez différent que Murray Bookchin[1], le théoricien du municipalisme libertaire, en avait repris l'idée puisque son souci premier était de protéger les coopératives ouvrières de la pression concurrentielle en les municipalisant mais aussi d'impliquer la population locale dans leur gestion (sorte de nationalisation plus locale et qui laisserait un fonctionnement coopératif, les décisions financières notamment relevant de la municipalité mais le fonctionnement interne des participants). J'ai simplement rapproché ce dispositif des « ateliers coopératifs »[2] destinés à l'auto-production et dont André Gorz faisait l'un des éléments de la sortie du salariat productiviste. Il avait évoqué, en effet, dans son livre "Misères du présent, richesse du possible" (1997) à la fois le revenu garanti, les monnaies locales et des ateliers coopératifs comme base d'alternatives locales. On peut dire que mon apport se limite à insister sur leur complémentarité, qu'ils font système, et à les avoir communalisés, c'est-à-dire d'en faire une fonction politique, de rendre au politique sa fonction de régulation de l'économie, y compris au niveau local, cependant, il est clair que ce n'est plus l'auto-production qui est visée mais bien le travail autonome.

Il ne faut voir dans ces coopératives municipales qu'un cadre institutionnel pour l'investissement des municipalités dans la production locale et le soutien du travail autonome. Ce n'est pas un modèle prêt à l'emploi avec une structure juridique bien définie entre simple association municipale ouverte à tous les habitants et des Scic (Sociétés coopératives d'intérêt collectif) plus rigides. Sous le nom de "coopérative municipale" on désigne une institution locale financée par la municipalité et regroupant des travailleurs autonomes, dont les formes, les moyens et les objectifs dépendent des besoins locaux et qui seront ce que les gens voudront mais qui consistent généralement à dynamiser les échanges locaux, faciliter les coopérations et donner les moyens d'un travail autonome et du développement humain. Il s'agit bien cependant d'assurer une production locale et beaucoup dépendra de l'efficacité de la mise en relation entre l'offre et la demande, de l'organisation de l'échange et de la valorisation des capacités inutilisées.

Bien sûr, les coopératives municipales n'ont pas vocation à un quelconque monopole local, pas plus que les monnaies locales ne sauraient se substituer aux devises courantes. On se situe bien dans une économie plurielle et ouverte, en offrant simplement une alternative au salariat ou des débouchés locaux à des capacités inemployées. La relocalisation est destinée à équilibrer la globalisation, pas à s'enfermer dans son quartier ou son village ! Peu importe le nom ou la forme, on aura besoin d'institutions plus ou moins équivalentes, liées au territoire et protégées du marché pour réduire la précarité, permettre le développement des activités autonomes, favoriser les échanges locaux et la coopération des habitants.

Cela peut paraître un peu trop utopique sauf que la coopérative municipale n'est pas le nom d'un modèle d'organisation plus ou moins idéale, c'est le nom de problèmes à résoudre et qui se posent avec acuité, ne pouvant être résolus par l'organisation économique actuelle : questions du travail autonome, de la relocalisation et de la sortie du totalitarisme de marché à l'ère post-industrielle qui est l'ère du numérique et de l'écologie. Il s'agit de sortir du salariat au profit du travail autonome et du travail choisi, ce qui ne signifie pas seulement favoriser la créativité numérique mais tout autant la formation, les services de proximité, les activités artistiques, et même de redonner vie à l'artisanat et à la petite agriculture vivrière. On n'est pas obligé cependant de tout faire en même temps ni dans une structure unique, on peut commencer par un projet plus limité correspondant aux besoins les plus pressants mais ce qui peut contrebalancer les difficultés de mise en place, c'est de pouvoir l'expérimenter localement et sans tarder.

Ses formes devraient en être très diversifiées selon les pays, selon qu'on soit en ville ou à la campagne. Les grandes villes constituent d'ailleurs l'enjeu principal puisque cela concerne désormais la majorité de la population mondiale. Il devrait y avoir une grande diversité à l'intérieur des coopératives municipales tout autant puisqu'elles recouvrent plusieurs types d'activités, en fonction des compétences disponibles et des souhaits de chacun, les principaux domaines étant de plus en plus du côté de la santé, du service aux personnes, de l'éducation, la formation, la culture, l'information, l'informatique, le divertissement, le tourisme, etc., même si l'artisanat y garde toute sa place. Cela suppose différentes structures à chaque fois en fonction du nombre concerné mais on voit facilement qu'il est impossible de comparer ce qui sera fait dans les petites ou grandes villes et selon les lieux (restauration, tourisme, etc). Un des problèmes de structures municipales subventionnant des activités économiques, c'est le risque d'entrer en concurrence déloyale avec des artisans ou entreprises locales, ce qui est une raison pour laquelle les activités couvertes par les coopératives municipales ne seront pas partout les mêmes.

Il est donc difficile d'en donner une représentation plus concrète, en dehors de généralités comme la nécessité de locaux et d'ateliers ainsi que la mise à disposition de services (formation, assistance) procurés en priorité par des coopérateurs. Une fonction importante de la coopérative étant de rapprocher les besoins locaux avec les compétences locales aussi bien dans la constitution d'équipes de production (voire d'entreprises) que dans les échanges locaux (pour lesquels on a besoin aussi d'une monnaie locale), cela nécessite une certaine visibilité et des lieux de rencontre ou de rassemblement. Les ateliers peuvent se constituer pour partie au moins sur le modèle des fab labs dédiés à la fabrication personnelle assistée par ordinateur (avec des imprimantes 3D et des découpes laser). On peut concevoir aussi des ateliers de réparation mais il devrait y avoir surtout des machines plus professionnelles. Il ne s'agit pas de se limiter à l'auto-production et au bricolage bien que cela puisse être une façon d'y intéresser une plus grande partie de la population au début. L'essentiel de l'activité de la coopérative est destinée à produire des revenus et des échanges. On se situe bien dans le cadre d'une valorisation des compétences de chacun.

Il faut signaler la possibilité de s'affranchir de la TVA en utilisant une monnaie interne, comme dans les SEL (Systèmes d'Echange Locaux dispensés de TVA) mais il ne s'agit pas de s'enfermer dans des échanges internes. Les coopératives municipales sont destinées à aider les travailleurs autonomes à gagner de l'argent y compris en s'ouvrant à l'extérieur. Elles pourraient servir tout aussi bien de société de portage (comme les CAE, Coopératives d'Activité et d'Emploi), assurant un statut de salarié à des travailleurs autonomes. Rien n'oblige quelqu'un à quitter la coopérative même si ses affaires marchent bien mais il ne faut pas l'empêcher non plus. Il s'agit d'étendre la liberté dans une économie plurielle, pas de la brider. Dès lors, on peut penser qu'une bonne part de ceux qui auront le mieux réussi voudront s'autonomiser de la coopérative et rejoindre la sphère marchande. On peut donc s'attendre à ce que la majorité des activités qui restent dégagent un revenu insuffisant ou soient même déficitaires, ce qui implique des subventions municipales en fonction des ressources de la commune même si, en premier lieu, ce sont les activités bénéficiaires de la coopérative qui doivent en assurer le financement.

Tout cela exige l'investissement à la fois de la commune et des habitants, c'est un projet politique ambitieux qui doit être assumé collectivement. Ce qui compte, ce sont les objectifs de ces coopératives, ce sont ces objectifs qui doivent être validés par les élus (et popularisés auprès des habitants), en premier lieu la relocalisation et la dynamisation de l'économie locale mais aussi son traitement social et l'objectif de développement humain