Comment survivre et résister dans les quartiers de haute sécurité

 

Sur les textes et la traduction

Les textes proposés ici ont été traduits de l’anglais. Ils sont tirés de plusieurs brochures publiées aux États-Unis :

 

- « Manuel de survie pour les détenus placés à l’isolement et les victimes de la répression » est extrait de la brochure écrite par Khalfani Malik Khaldun, Handbook on surviving solitary confinement. A survival manual for the targeted prisoner. Elle a été publiée en 2004 par The Books 4 Prisoners Crew (Cincinnati, États Unis).

 

- « La conscience de soi contre l’isolement », « Garder le contrôle » et « Huit stratégies de survie » sont extraits de Survival in Solitary. A manual written by & for people living in control units. Ce livre a été publié pour la première fois en novembre 1997 par l’American Friends Service Committee, une association quaker abolitionniste. En 2012, l’ouvrage a été republié pour la cinquième fois, mais il est souvent édité et diffusé sous forme de brochure, notamment par l’Anarchist Black Cross.

Les textes n’ont pas été modifiés, à part celui de Khalfani Malik Khaldun qui a été légèrement abrégé (en particulier la première partie et le point 7, très juridiques et peu pertinents pour les francophones). Par ailleurs, nous avons écrit quartier d’« isolement » ou de « haute sécurité », alors que les textes originaux évoquaient généralement des régimes de détention divers (« control units », « administrative segregation », « security housing units », etc.), mais leurs subtiles spécificités sont sans intérêt ici.

Les notes de bas de page sont de Soledad & associées.

 

Sommaire

- Introduction

- La conscience de soi contre l’isolement

- Garder le contrôle

- Huit stratégies de survie

- Manuel de survie pour les détenus placés à l’isolement et les victimes de la répression carcérale

- Pour aller plus loin…

 

Introduction (par Soledad & associées)

L’idée de cette brochure est née à la lecture de textes de prisonnier-e-s placé-e-s dans des quartiers de haute sécurité aux États-Unis, à commencer par le Manuel de survie à l’isolement. Un guide de survie pour les prisonniers victimes de la répression de Khalfani Malik Khaldun. À l’instar d’autres prisonnier-e-s, Khalfani Malik Khaldun explique les « trucs » qui lui ont permis de réussir à vivre et à lutter dans des conditions de détention particulièrement dures. Il ressort nettement de l’ensemble de ces textes que la survie ne dépend pas de capacités personnelles, d’une force particulière ou d’un don individuel. Les techniques que les prisonnier-e-s décrivent peuvent être partagées, transmises – et adaptées. Elles sont en effet des réponses concrètes et appropriées aux techniques de coercition mises en place par l’Administration pénitentiaire.

Les textes de cette brochure ont été écrits par des prisonnier-e-s états-unien-ne-s, dans un contexte où les placements dans les quartiers de haute sécurité sont généralisés – alors même que le pays recourt massivement à l’incarcération. Les auteur-e-s évoquent leurs techniques de survie et c’est, à notre sens, bien plus intéressant que des descriptions des conditions de vie dans ce type de détention. Voici néanmoins quelques éléments de compréhension de leur situation…

Des prisons aux « supermax »

Les quartiers de haute sécurité ont des noms divers. Cela peut s’appeler « Special Housing Unit » (comme à Pelican Bay, Californie), « Intensive Management Unit » (comme dans l’État de Washington), « Security Housing Unit », « Restricted Housing Unit », « Behavioral Management Unit » ou encore « Communications Management Unit ». Il existe même des prisons entières avec un régime de haute sécurité : on parle alors de « supermax » ou de « super maximum security prison » (comme le pénitencier fédéral de Florence, Colorado). Quelle que soit son appellation dans un établissement ou un État particulier (il y a en fait un système pénitentiaire au niveau fédéral et autant de systèmes pénitentiaires qu’il y a d’États), le régime de haute sécurité signifie toujours la réduction des contacts humains au minimum et un environnement caractérisé par la privation sensorielle.

L’isolement de la personne détenue est au coeur du projet carcéral : il s’agit en effet d’abord de séparer la personne de ses proches et de son « milieu » (à entendre comme un « milieu naturel » dont elle serait le produit). Mais les bâtisseurs de prisons ont rapidement compris que l’ambition affichée de réformer les détenu-e-s imposait également de les isoler les un-e-s des autres. L’Eastern state penitentiary (Philadelphia, Pennsylvanie) est la première prison construite sur ce principe. Mais, quand elle ouvre en 1829, c’est une prison en avance sur son temps : le régime d’isolement strict qui y est appliqué, de jour comme de nuit, tranche avec l’encellulement collectif qui règne alors partout ailleurs, aux États-Unis comme en Europe. Le XIXe siècle est davantage le siècle du dortoir que de la cellule individuelle…

Les quartiers de haute sécurité états-uniens sont le fruit d’une histoire plus récente. La prison fédérale de Marion (Illinois) est ouverte en 1963 pour remplacer celle d’Alcatraz, où étaient enfermés les prisonniers considérés comme les plus dangereux au niveau fédéral. C’est à Marion, en 1973, qu’est conçue, pour une soixantaine de prisonniers, l’une des premières « unités de contrôle ». La même année, le New Jersey et le Massachussetts ouvrent des quartiers de détention similaires. En 1983, en représailles de l’assassinat de deux gardiens, le régime de haute sécurité est appliqué à l’ensemble de la détention à Marion. À partir de ce moment-là, on parle de « marionisation » des prisons états-uniennes car elles sont de plus en plus nombreuses à s’inspirer du régime de détention en cours à Marion. Mieux : la première prison dont la construction intègre des impératifs liés au régime de haute sécurité ouvre en 1989. C’est la prison de Pelican Bay et ses fameuses 1 200 cellules sans fenêtre du SHU (Special Housing Unit). Au milieu des années 1990, la marionisation est bien avancée. 45 États et le système fédéral possèdent des quartiers de haute sécurité tandis qu’apparaît une nouvelle génération de prisons haute sécurité : les « supermax ».

Aujourd’hui, on estime que quelques 25 000 prisonnier-e-s (soit 1% de la population carcérale) subissent un régime de haute sécurité. Parmi eux, plusieurs milliers de mineurs placés là « pour leur protection ». À cela, s’ajoutent près de 400 000 immigrants qui passent chaque année dans des centres où le recours à l’isolement est également répandu.

Les procédures de placement d’une personne dans un quartier de haute sécurité sont diverses, mais on peut distinguer deux situations : soit la personne a violé les règles pénitentiaires et ce placement est punitif (« disciplinary » ou « punitive segregation »), soit il s’agit d’une mesure administrative (« administrative segregation ») qui vise à « protéger » un individu ou à l’empêcher de commettre de nouveaux délits/crimes – et alors la décision est prise sur la base de caractéristiques individuelles (âge, sexualité, origines sociales, etc.), de l’affiliation (réputée ou avérée) à un gang, de croyances politiques, des types de délits/crimes, etc. Non seulement les critères sont arbitraires et flous, mais les décisions de placement en quartier de haute sécurité de l’administration pénitentiaire sont quasiment inattaquables.

Le risque de placement dans un quartier de haute sécurité est supérieur pour les non-blancs, notamment en raison du préjugé de l’affiliation à un gang pour les noirs et les latinos. On observe également dans les quartiers de haute sécurité une sur-représentation des personnes ayant des handicaps ou des problèmes mentaux, des homosexuel-le-s et des personnes trans, des non-anglophones, des musulman-ne-s (bien au-delà des seules personnes accusées d’actes de terrorisme), des militant-e-s politiques et d’une manière générale des personnes qui critiquent les conditions de vie en détention ou qui sont procédurières avec le système judiciaire et carcéral …

Le recours massif à l’isolement se conjugue à un autre phénomène : le triomphe de la culture de la punition qui, simultanément à la guerre contre la drogue et à l’aggravation de la longueur des peines prononcées, a fait quadrupler aux États-Unis, entre 1980 et 2009, la population carcérale. Il y a aujourd’hui 2 240 000 prisonnier-e-s, soit un taux d’incarcération record de 743 sur 100 000 personnes ou 0,75% [1].

Le régime de haute sécurité implique diverses formes de privation sensorielle : lumière ou, à l’inverse, obscurité permanente (et absence de lumière naturelle), insonorisation ou bruits de fond empêchant d’entrer en contact avec les personnes détenues dans les cellules voisines… D’une manière générale, les prisonnier-e-s sont soumis-e-s à un dispositif de surveillance extrêmement développé. Ainsi, dans la prison d’Upstate (New York), il y a 370 surveillants et 800 caméras pour 1 500 prisonniers. Les contacts humains, y compris avec les gardiens, sont réduits au minimum : les repas sont distribués par une ouverture dans la porte de la cellule, les promenades (une heure par jour) s’effectuent seul-e-s et il y a rarement des activités culturelles, éducatives ou thérapeutiques. Les possibilités de correspondance et de passer des appels téléphoniques sont réduites et les conditions de visite sont extraordinairement restrictives (quasi-systématiquement derrière une vitre). À cela s’ajoute l’éloignement des prisons des centres urbains, ce qui ne facilite pas les déplacements des proches : par exemple, la prison de Pelican Bay, à l’extrême nord de la Californie, est à 6 heures de route de San Francisco et à 13 heures de Los Angeles, les deux principales villes de l’État.

Les mesures de placement dans les quartiers de haute sécurité ne sont pas définies dans le temps (cette incertitude est un facteur d’anxiété pour les prisonnier-e-s), mais elles s’avèrent généralement longues. Ainsi, en Californie, le temps moyen passé dans ce type de quartier est supérieur à 6,5 années. Parmi les 1 111 prisonniers du SHU de Pelican Bay, 513 y sont depuis plus de 10 ans et 78 depuis plus de 20 ans. Côté records : Thomas Silverstein est le prisonnier fédéral qui est depuis le plus longtemps (30 ans) placé dans un régime « sans contact ». Quant aux prisonniers d’État Herman Wallace et Albert Woodfox (Louisiane), ils sont à l’isolement depuis 42 ans.

Les prisonnier-e-s comme les chercheur-e-s s’accordent sur le fait que de telles conditions de détention favorisent l’apparition de troubles divers, aussi bien psychiques et que physiques. Il n’est pas surprenant qu’on rapporte également un nombre plus élevé de suicides et d’automutilations dans les quartiers de haute sécurité que dans les autres types de détention. D’une manière générale, l’état de santé des personnes placées dans des quartiers de haute sécurité se dégrade rapidement.

L’autre peine de mort

Comparer les régimes de détention les plus sécuritaires des prisons françaises avec ceux que l’on trouve aux États-Unis est difficile : par exemple, aucun quartier de détention en France ne peut être comparé à la prison de Florence et le nombre approximatif (450) de prisonnier-e-s placé-e-s dans les Quartiers d’Isolement (QI) [2] en France ne dépasse pas celui des personnes en quartier de haute sécurité depuis plus de dix ans dans la seule Californie... Et pourtant, les QI sont bien là et ils constituent, avec d’autres quartiers [3] de détention des lieux où est appliqué un régime de confinement et de surveillance renforcée, certes sans atteindre le raffinement états-unien. Par ailleurs, à ces espaces spécifiques, il faut ajouter le traitement particulier appliqué par l’administration pénitentiaire aux détenu-e-s classé-e-s DPS (« Détenu Particulièrement Signalé ») [4], aux militant-e-s politiques et à ceux/celles qui se révoltent contre le système judiciaire et carcéral : surveillance accrue (fouilles), censure des courriers, transferts réguliers…

Que les personnes soient placées dans un quartier dont le régime de détention est extrêmement répressif ou qu’elles soient victimes de brimades de la part de l’administration et des gardiens, ou qu’elles purgent une longue peine, elles font toutes l’expérience, à travers cette forme lente de peine de mort, des techniques carcérales de coercition qui, en privant de repères temporels et sensoriels, brisent les facultés sociales des prisonnier-e-s – et les solidarités.

La lutte contre les quartiers de haute sécurité aux États-Unis s’est construite dans un mouvement plus large (mené, par exemple, par Critical Resistance) contre la massification de l’incarcération dans lequel la lutte contre la prison s’inscrivait nettement dans une perspective anticapitaliste. Pensée en termes de « Prison Industrial Complex » (PIC, complexe industrialo-carcéral), la prison est conçue comme un rouage important du système économique : en gros, le PIC aurait pris le relais du complexe militaro-industriel à la fin de la guerre froide. Les mobilisations contre les quartiers de haute sécurité sont également liées à celles contre « guerre contre le terrorisme » (lancée après le 11 septembre 2001) qui a permis de justifier le recours à la torture (comme, par exemple, le traitement des prisonniers de Guantanamo).

C’est sans doute ce contexte qui permet d’expliquer la centralité, dans les luttes états-uniennes et chez un prisonnier comme Khalfani Malik Khaldun, de la reconnaissance du régime de haute sécurité comme purement et simplement un traitement inhumain ou dégradant – de torture, donc –, en particulier si la personne est maintenue de manière prolongée à ce régime – même si déterminer la durée au-delà de laquelle ce serait abusif n’est pas une mince affaire, vu que la perspective d’entrer dans une cellule d’isolement donne déjà la chair de poule !

La qualification de torture du régime de haute sécurité, qui témoignerait de l’illégalité du système pénitentiaire états-unien au regard des standards internationaux et des conventions ratifiées par le pays (notamment l’article 1 de la Convention de Genève contre la torture), serait assurément une victoire tactique pour les prisonnier-e-s états-uniens. Reste que la lutte contre les quartiers de haute sécurité ne se réduit pas aux batailles judiciaires...

Survivre et lutter

On espère que cette brochure donnera quelques bonnes idées à ses lecteur/rice/s prisonnier-e-s, qu’ils/elles soient DPS, placé-e-s à l’isolement, qu’ils/elles tâtent souvent du mitard ou purgent une longue peine dans des prisons françaises... Certes, comme l’indiquent certains des auteur-e-s des textes réunis ici, il n’existe pas de recette miracle pour survivre dans des conditions de détention extrêmes. Par contre, ne pas élaborer de stratégie de survie, c’est s’assurer d’une mort lente...

Nous avons choisi ces textes car ils nous semblent également contribuer à répondre aux questions que l’on se pose, dehors, lorsqu’on soutient des prisonnier-e-s placé-e-s à l’isolement ou victimes de la répression carcérale. Nous sommes en effet convaincu-e-s que la survie et la capacité à lutter des prisonnier-e-s reposent bien moins sur leur personnalité et leurs caractéristiques personnelles que sur l’environnement amical, social et politique auquel nous, dehors, pouvons contribuer, par la correspondance, les visites ou les luttes auxquelles nous participons. Nous devons connaître les besoins spécifiques des prisonnier-e-s et pouvoir en discuter collectivement. Par cette réflexion, cette brochure s’inscrit dans la lutte contre les régimes de haute sécurité et plus généralement contre tous les enfermements.

 

La conscience de soi contre l’isolement (par Paul A. Redd)

Paul A. Redd Jr. Est un prisonnier afro-américain originaire d’Oakland (Californie). Il a été condamné à l’âge de 19 ans, en 1976, à une peine de 7 ans à perpétuité, avec la possibilité de sortie conditionnelle. Il a toujours contesté être l’auteur du meurtre du dealer pour lequel il a été condamné. Il est toujours incarcéré et il se trouve actuellement à la prison supermax de Pelican Bay (Californie). Plus d’informations ici.

Avant de vous dire ce que je pense être les quelques points fondamentaux pour survivre à l’isolement dans les cachots, les trous à rats, les supermax… – peu importe comment ils veulent qu’on appelle ça… –, laissez-moi vous dire trois choses sur lesquelles on peut tous être d’accord :

1- Les barbares d’architectes qui ont conçu ces plans de malades avaient (ont) de sérieux problèmes mentaux, à la fois au niveau de leurs relations sociales, mais aussi un complexe d’infériorité.

2- Ces trous à rats ont été délibérément construits comme des lieux de torture pour vous casser psychologiquement et physiquement et pour que vous vous soumettiez et que vous abandonniez vos propres croyances, etc.

3- L’isolement et les restrictions dans ces cachots que nos enfermeurs aiment appeler « Control Units » diffèrent selon les États, selon les prisons – l’isolement est plus ou moins total, les restrictions plus ou moins nombreuses… Toujours est-il que leur structure et leur utilisation sont malveillantes, et qu’ils sont faits pour contrôler votre existence et vos façons de penser.

Cela m’amène à un autre point très important que j’aimerai reprendre de Carter G. Woodson [5] :

« Si vous contrôlez les pensées d’un homme, vous n’avez pas besoin de vous préoccuper de son comportement. Quand vous déterminez ce qu’un homme va penser, vous n’avez pas besoin de vous préoccuper de ce qu’il va faire. Si vous faites sentir à un homme qu’il est inférieur, vous n’avez pas besoin de le forcer à accepter un statut inférieur puisqu’il va de lui-même le rechercher. Si vous faites ressentir à un homme qu’il est un banni, vous n’avez pas à lui ordonner de prendre la porte. Il s’en ira sans qu’on n’ait rien à lui dire. Et s’il n’y a pas de porte de service, il en réclamera naturellement une… »

Je suis en prison depuis maintenant 20 années dont 18 passées dans plusieurs quartiers de haute sécurité (cachots) – depuis la prison d’État de Folsom, San Quentin (brièvement), puis les nouvelles cellules d’isolement plus high-tech des prisons d’État de Corcoran et maintenant de Pelican Bay. Je suis ici depuis 1990.

J’ai de nombreuses années d’expérience dans ces trous à rats et j’ai vu pas mal de personnes abandonner toute force intérieure et toute croyance parce que, dans leur tête, ils ne pouvaient plus supporter la torture mentale, l’isolement, les restrictions matérielles, etc.

Ces individus ont renoncé et se sont cassés car ils ont loupé la clé essentielle qui permet à la conscience intérieure de donner la force de survivre à l’isolement.

Ça fait des années qu’on me demande régulièrement : « Comment avez-vous été capable de survivre à tout ça et d’être encore intact mentalement ? » Mes réponses sont très simples :

1- Je sais qui je suis et où je vais ;

2- Je ne laisse pas le temps avoir de l’emprise sur moi, je fais mon temps ;

3- Mon esprit et mes pensées sont dehors, bien loin des murs de la prison.

Il n’y a que mon corps qui est prisonnier. Pour dire cela plus simplement, 95% de mon temps quotidien est passé à écrire et à penser à l’extérieur de la prison.

Maintenant, je voudrais partager avec les personnes qui ne connaissent pas tout cela ou/et qui n’ont pas encore développé leur conscience intérieure afin d’avoir la force de survivre – voici mes tuyaux pour survivre et utiliser l’isolement à votre avantage :

1- Débute une nouvelle vie – commence par étudier ton histoire, ta culture et toi-même ;

2- Prends des engagements forts envers toi-même ;

3- Pense aux manières dont tu peux contribuer positivement à ta communauté ;

4- Écris des lettres avec tes idées et des informations afin de te connecter aux jeunes et aux vieux. Envoie tes lettres aux membres de ta famille, à tes amis, à des églises, à des journaux progressistes, à des animateurs radio, à des artistes, à des étudiants, à des avocats… Écris sans cesse, ne t’arrête pas. Tu n’auras sans doute pas de réponse à chaque lettre que tu écris, mais tu en auras quelques unes. Certains peuvent aider les nôtres, ou alors ils peuvent aimer tes idées et vouloir t’aider.

D’écrire constamment ces lettres renforce ta conscience intérieure et permet de consolider tes changements intérieurs au-delà des seuls mots. Ton attention n’est plus seulement sur ton isolement actuel, donc tes pensées ne sont plus contrôlées.

Savoir quelle est ton histoire et ta culture te donnera de la fierté et du respect pour toi-même. Mais tu dois élever cela à un autre niveau en te connectant à dehors en t’investissant dans une mission positive.

C’est ainsi qu’on peut survivre à ces trous à rats, car ta capacité à savoir qui tu es et ton aptitude à penser à dehors enlèvent à ces barbares tout pouvoir de contrôle sur ton existence et tes pensées.

 

Garder le contrôle (par Laura Whitehorn)

Laura Whitehorn est née en 1945. Elle a été membre du Weather Underground Organization, puis du May 19th Communist organization qui a revendiqué, entre 1978 et 1985, des attentats contre les pouvoirs racistes et impérialistes aux États-Unis. Elle a été arrêtée en 1985 et inculpée de l’attentat au Capitole (siège du Congrès) de 1983. Elle a été libérée en 1999.

Pour moi, la chose la plus importante qui m’a permis de survivre à mes nombreux passages en isolement a été le refus de renoncer au pouvoir ! Je veux dire : toujours garder à l’esprit à quoi sert l’isolement – c’est-à-dire se souvenir de ce que l’État essayer de faire en me mettant là, et donc d’utiliser mes capacités de compréhension pour résister à leurs plans. Cela veut dire notamment :

1- Me faire un programme quotidien, plutôt que de laisser les gardes décider de mes journées.

2- Avoir des emplois du temps différents et les utiliser alternativement, afin d’éviter que les jours se ressemblent ; savoir quel jour on est et la date exacte.

3- Utiliser les signes extérieurs, comme les changements de luminosité, les changements de service, les bruits venant de l’extérieur de ma cellule, pour garder une idée du temps. Les premières semaines, j’avais noté tous les bruits ou les occurrences objectives, puis après je demandais aux gardes l’heure qu’il était.

4- Développer plusieurs formes d’exercice pour différents jours et différents états de forme physique. Une des techniques de contrôle utilisées dans les détentions où j’ai été est d’enlever ou de retarder le temps d’exercice. Puisque l’exercice était une façon très importante pour moi de contrôler ma colère afin que je ne devienne pas énervée ou stressée, c’était crucial pour moi de ne pas les laisser faire ça. J’ai appris le yoga et j’ai fait de la musculation, et je courrais quand j’avais la possibilité d’aller dans la cour.

5- Développer des activités créatives qui me permettent d’admirer ma propre créativité humaine – par exemple dessiner, écrire, fabriquer des choses avec de la récup’, etc. ça m’a aidé de me rappeler que ma place dans l’univers est celle d’un être humain sensible, aimant et créatif, et non d’un animal encagé. (c’est pour cela que de très nombreux prisonniers arrivent à faire des dessins incroyables avec des stylos billes !)

6- Apprendre quelque chose – entreprendre d’étudier quelque chose et faire marcher son cerveau afin qu’à chaque transfert je puisse constater que j’ai progressé plutôt que l’inverse.

7- Écrire des lettres – trouver des correspondant-e-s si besoin ; avoir une communication active avec l’extérieur.

8- Pour moi, en tant que créature politique, il était essentiel d’être abonnée à un grand journal (j’ai ensuite réussi à le partager clandestinement avec une autre prisonnière). J’avais la chance d’avoir des ami-e-s qui me l’envoyaient. Je me demande si la Campagne pour arrêter les quartiers d’isolement [6] ne pourrait pas réunir assez d’argent pour payer des abonnements à des hebdomadaires – Time ou Newsweek, ou à un quotidien ou à un hebdomadaire correct – pour les personnes à l’isolement ? Dans les prisons pour femmes et dans la plupart des quartiers d’isolement, l’accès aux médias est réduit.

9- J’ai combattu pour chaque parcelle de ce que j’étais supposée avoir « droit à » selon les lois. C’est dur de ne pas être pleine de colère et de frustration quand on se bat ainsi, c’est pour ça qu’il m’arrivait d’écrire une lettre enragée à un gardien ou à quelqu’un d’autre, où je disais tout ce que je voulais, puis de la déchirer. C’était assez thérapeutique.

Le gardien Burkhardt à la prison d’Alderson, lorsqu’il a répondu à ma contestation de mon placement à l’isolement, a répondu que c’était en raison de mes « associations et convictions ». Savoir ce que sont les objectifs de vos ennemis vous permet de ne pas leur donner ce qu’ils recherchent. Dans mon cas, lorsque je sentais (et que j’étais) particulièrement victime de mauvais traitements, je pouvais toujours trouver de l’espoir et de la force dans le sentiment que c’était un honneur d’être détenue dans de telles conditions – comme ce que disait le Président Mao dans cette vieille citation que nous aimions tant sur le fait que c’est bon d’être détesté par son ennemi.

Finalement, à propos des quartiers d’isolement, comme leur but est de déshumaniser, de détruire la personnalité, chaque individu doit concevoir son propre programme de survie, basé sur son identité et le sens qu’il donne au fait d’être un humain. La manière dont une personne exprime et contrôle sa colère n’est pas forcément bonne pour une autre – par exemple, pour certaines personnes, s’occuper est important ; pour d’autres, la tranquillité et l’intériorité sont importantes. Les ressources – internes et externes – dont chaque prisonnier-e dispose font aussi une grosse différence (c’est une des raisons pour lesquelles les groupes militants sont si importants !).

En fait, je crois vraiment que chaque personne qui a passé du temps en prison, et le double pour celui passé à l’isolement, souffre physiquement, si ce n’est aussi mentalement. Que ce soit reconnu – disons, par les forces internationales anti-torture – aide. Je crois que c’est Stuart Grassian qui a observé que les femmes dans le Lex HSU [Lexington High security unit] [7] avaient développé des maladies en conséquence direct de leur placement à l’isolement. Quand j’ai lu ça, ça m’a aidé à comprendre les méfaits sur ma propre santé causés ou aggravés par le temps passé à l’isolement.

Venceremos [Nous vaincrons] !

 

Huit stratégies de survie (par Walter Daily)

Nous n’avons aucune indication sur l’auteur de ce texte, mis à part qu’il a été incarcéré en Californie.

Les quartiers d’isolement sont généralement basés sur le modèle de Stammheim [8] créé en Allemagne de l’Ouest au début des années 70. Leur finalité est incontestablement politique, comme les critères de placement à l’isolement de l’administration pénitentiaire le démontrent : « l’affiliation passée ou présente du prisonnier, son association ou son appartenance à une organisation qui tente de perturber ou renverser le gouvernement états-unien ou dont l’idéologie inclus le non-respect de la loi afin de libérer des prisonniers. »

Leur objectif est de faire ressentir aux prisonniers l’impression d’être totalement à la merci de leurs gardiens et dépendants d’eux. Dans le langage poli de l’Association John Howard [9], cela donne : « Après un an de privations sensorielles et psychologiques, les prisonniers sont privés de leur identité afin que des schémas de comportements dociles puissent être implantés à travers un processus de mortification et de dépersonnalisation. »

Les techniques utilisées ont été décrites par Amnesty International dans le tableau ci-dessous. Dès 1962, le Dr. Edgard Schein décrivait brutalement la méthodologie, dans un discours prononcé à Washington DC et adressé aux gardiens des quartiers d’isolement de tout le pays : « Pour produire des changements de comportement, il est nécessaire d’affaiblir, de saper ou d’enlever ce qui soutenait les anciennes attitudes. Je voudrais que vous ne pensiez plus le lavage de cerveau en termes… d’éthique et de moral, mais plutôt en termes de changements délibérés du comportement humain par un groupe d’hommes qui ont un contrôle quasi-complet de l’environnement dans lequel se trouvent les captifs… [Ces changements] peuvent être induits par l’isolement, la privation sensorielle, la séparation des meneurs, l’espionnage, la tromperie des personnes en leur faisant signer des déclarations qui seront ensuite montrées à d’autres, le placement des individus dont la volonté a été sérieusement amoindrie avec des individus plus réformistes, l’humiliation, la privation de sommeil, la récompense de la soumission et la peur. »

Tableau de Albert Biderman sur la coercition pénale (in Amnesty International report on torture, 1983) :

Cette introduction sert à faire un diagnostic du problème à partir d’une perspective historique et analytique. C’est important que les lecteurs comprennent que les stratégies de survie sont des solutions et des moyens de s’opposer à cette attaque.

Les huit stratégies :

1- Maintenir le plus de communications possibles avec un maximum de personnes à l’extérieur.

2- Chercher à lire le plus grand nombre de publications possibles sur le plus grand nombre possible de sujets afin d’être toujours soumis à un flot d’informations.

3- Créer un environnement de coopération entre soi et les autres prisonniers afin de développer le sens de la communauté et de l’unité pour l’action.

4- Développer un programme d’exercices et d’études qui s’étoffe dans le temps, avec des niveaux de progression.

5- Communiquer aussi peu que possible avec les gardiens.

6- Essayer de politiser les autres prisonniers et encourager la résolution collective des problèmes.

7- Se souvenir de qui on est et pas de où on est lorsqu’on est en prison, car le temps est le temps.

8- Chercher à étudier tes gardiens afin de pouvoir saisir toutes les opportunités de les désarmer.

Je ne peux pas espérer que ces huit stratégies marchent pour tous les prisonniers dans toutes les situations, car seule la survie à l’isolement permet de prouver qui a finalement été capable de résister à la torture.

 

Manuel de survie pour les détenus placés à l’isolement et les victimes de la répression carcérale (par Khalfani Malik Khaldun)

Incarcéré depuis 1987, Khalfani Malik Khaldun a été placé à l’isolement en 1994 après le meurtre d’un gardien dont il se dit innocent. En 2000, il a été jugé coupable par un jury uniquement composé de blancs. Il est incarcéré aujourd’hui au quartier de haute sécurité de la prison de Pendleton (Indiana) et on peut lui écrire sous non nom d’état civil : Leonard Mc Quay, 874304, Pendleton Correctional Facility, GCH 17/2C, 4490 W. Reformatory Road, Pendleton, IN 46064, États-Unis.

Dans la plupart des cas où les détenus sont placés à l’isolement, ce n’est pas pour ce qu’ils sont supposés avoir fait, mais pour ce qu’ils pourraient faire ou seraient capables de faire.

L’administration pénitentiaire sait que le placement d’une personne en isolement repose en grande partie sur une évaluation purement subjective des prisonniers et sur les prédictions d’un comportement futur et des jugements subjectifs qui sont nourris par un grand nombre de stéréotypes et de préjugés sur les prisonniers. En d’autres termes, puisque l’isolement carcéral n’est pas basé sur des faits, entreprendre de rechercher des faits est souvent inutile.

Espérons que ce manuel sera instructif pour les prisonniers qui sont nouveaux à l’isolement. Avec les récents abus à l’encontre de prisonniers en Irak, davantage d’attention a été portée aux abus systématiques à l’encontre de prisonniers dans le pays et aux arguments classiquement utilisés dans la politique américaine au sujet de la justice criminelle.

En réalité, si une perspective critique n’est pas adoptée, les prisonniers continueront d’être abusés. Essayez d’abord de réfléchir à cette affirmation fallacieuse selon laquelle les politiques reposant sur l’incarcération punitive marchent. Notre pays est indiscutablement un leader dans ce domaine. Au 30 juin 2002, le pays incarcérait 701 personnes [10] sur 100 000, soit plus de quatre fois le taux habituel dans les autres pays soi-disant démocratiques. Peu de pays ont investi autant que les États-Unis dans les prisons de haute sécurité (Supermax) où les détenus difficiles doivent, selon la mentalité amérikkkaine [11], être placés. Cette politique ne marche pas. Les chiffres de la criminalité sont substantiellement plus élevés que dans la plupart des autres pays industrialisés, et les abus sur les prisonniers sont plus élevés dans les prisons de haute sécurité que dans les établissements ordinaires. L’administration actuelle continue de nier l’utilisation de la torture pour obtenir des informations. Ce qui est arrivé à la prison d’Abu Ghraib n’est pas un incident isolé comme aimerait nous le faire croire notre gouvernement. Une telle affirmation ignore le fait que des officiers états-uniens sont poursuivis pour au moins neuf homicides de prisonniers qui ont été battus ou pas par des personnels états-uniens avant ou pendant leur interrogation et qui en sont morts.

Dans beaucoup de cas, aucune enquête n’a été réalisée avant que l’affaire d’Abu Ghraib n’éclate au grand jour. C’est ce qui s’est passé partout dans le monde, d’Irak jusqu’en Afghanistan, en passant par Guantanamo.

Le gouvernement nord-américain viole la convention de Genève [12]. La torture est justifiée par des juristes qui ont trouvé le moyen de contourner la convention de Genève. Des juristes du Département américain de la justice ont produit en août 2002 un mémo [13] permettant de justifier l’utilisation par les États-Unis de la torture de prisonniers sans violer les lois internationales ou amérikkkaines qui pourtant l’interdisent de manière explicite.

Certains de ces abus sont physiques et d’autres psychologiques. L’utilisation continuelle de quartiers de haute sécurité et de prisons comme Florence dans le Colorado constitue une guerre psychologique.

J’espère que ce manuel sera utile à tous les prisonniers placés dans ce type de détention. Les questions et les commentaires peuvent m’être adressés directement par courrier. Gardez la pêche !

1- Être utilisé pour légitimer le régime de haute sécurité

Nous devons nous interroger sur les intentions que révèlent l’utilisation et la légitimité des quartiers d’isolement. Dans toute l’Amerikkka, des prisonniers sont aujourd’hui isolés car étiquetés « à haut risque », qu’ils soient militants ou procéduriers. Les cadres de l’administration pénitentiaire réclament plus de sécurité et plus d’argent pour pouvoir ouvrir encore plus de quartiers d’isolement.

Certains prisonniers ont l’intégrité et le courage de questionner les conditions oppressives dans lesquelles ils sont obligés de vivre. Une fois connus comme étant des agitateurs, les prisonniers sont considérés comme des problèmes ou des problèmes potentiels. Une fois sur la liste des prisonniers à risque, vous pouvez être placé sur la liste des détenus surveillés par l’Administration pénitentiaire. Et ce statut va permettre un comité de classification de vous foutre dans n’importe quel quartier de haute sécurité de l’État dans lequel vous êtes incarcéré. Ce qui est important de comprendre, c’est que ces placements à l’isolement arrivent même lorsque les prisonniers visés n’ont commis aucune violation. Ils sont isolés parce qu’on craint leur influence dans le reste de la population carcérale.

L’administration déclare parfois qu’elle craint que certains prisonniers commettent des actes de violence et, en les plaçant dans un quartier de haute sécurité, elle dit qu’elle s’assure ainsi qu’ils n’en feront rien. Dans ce pays de racistes, l’administration pénitentiaire ne veut pas voir un nouvel Attica [14]. Ça, j’en suis sûr. Il faut également relever un autre point : ils se servent de prisonniers réputés pour leur engagement pour légitimer l’existence de ces quartiers de haute sécurité.

Il y a beaucoup de prisonniers qui ont réussi à s’opposer aux violations qui existent dans beaucoup de quartiers de haute sécurité. Cela leur a permis d’aider l’administration à améliorer ses façons de torturer, de martyriser et d’isoler. Pourquoi je dis ça ?

Beaucoup de prisonniers qui ont porté plainte contre la prison peuvent admettre que notre travail militant a permis de rendre public les violations et parfois la justice a agi. Mais dans d’autres cas, les juges ont laissé le pouvoir raciste discrétionnaire dans les mains de l’administration pénitentiaire afin qu’elle agisse comme il lui plaît. Cela ouvre une fenêtre d’opportunité pour rendre publiques les violations, mais cela ébranle également les bases sur lesquelles nous menons les batailles légales. Il faut donc toujours avoir cela à l’esprit, car c’est à ces défis que nous sommes exposés. Prendre position en prison conduit les prisonniers toujours plus loin dans le ventre de la bête amérikkkaine. Et l’administration pénitentiaire sait bien que, historiquement, l’isolement a été utilisé pour rendre les prisonniers fous et casser leur résistance.

Pour conclure cette section, je vais souligner quelques points à méditer. Ce sont des choses dont le lecteur qui découvre le guide devrait toujours se souvenir. Pour survivre à cette folie.

Points à méditer

1- Apprends exactement pourquoi tu as été placé à l’isolement ou listé comme personne à surveiller.

2- Tiens à jour un dossier de toutes tes plaintes, requêtes, demandes et garde une copie de chaque lettre que tu envoies à l’administration.

3- N’aie pas peur de questionner la légitimité de ton placement à l’isolement (que ce soit auprès du directeur de l’établissement ou de la direction de l’administration pénitentiaire).

4- Écris aux sénateurs, aux députés et aux élus de la région où tu es incarcéré. Décris-leur les violations des droits humains qui s’y déroulent.

5- Écris aux journaux locaux pour leur décrire tes conditions de vie. Contacte les médias et suggère-leur de venir visiter la détention.

Ces choses ne sont pas difficiles à faire. Elles sont même plutôt simples et elles devraient être intégrées dans le programme quotidien de tous les prisonniers qui se trouvent à l’isolement. Les prisonniers doivent faire les études et les recherches nécessaires pour acquérir de nombreuses connaissances sur l’isolement. Les agents administratifs en charge de ces quartiers rangent les humains comme des « choses inutilisables » qui se détériorent, pourrissent et puis meurent. Si tu veux vivre, alors donne toi le courage de mener la lutte pour ta survie.

2- Étudier le droit et les politiques en vigueur dans les quartiers d’isolement

Des circulaires, règlements et lois organisent les quartiers de haute sécurité. Beaucoup de prisonniers qui se retrouvent dans ces quartiers ignorent cette réalité. Si tu ne sais pas qu’une loi ou un règlement a été violé, tu ne peux pas tenir quelqu’un pour responsable de cette violation. Les prisonniers doivent obtenir des copies de toutes les lois et règlements qui organisent leur traitement. Ceci est impératif. Après la lecture de ceux-ci, tu pourras comprendre ce qu’ils ont le droit et ce qu’ils n’ont pas le droit de faire. L’administration pénitentiaire sait souvent que les jeunes surveillants sont plus enclins à violer les droits des prisonniers. La plupart savent que si tu n’arrives pas à renseigner ta plainte contre la violation de tes droits, c’est comme si cela n’était jamais arrivé. Donc ne pas documenter les plaintes, c’est comme renoncer avant d’avoir commencé. C’est à toi de faire ce travail.

Les quartiers de haute sécurité reposent sur des politiques qui varient de détention en détention ou de prison en prison. Leurs caractéristiques sont la fréquence des abus, la réduction des stimuli environnementaux et des activités éducatives ou de loisirs et un haut niveau de sûreté et de contrôle des mouvements. Toutes les politiques ne sont pas suivies, mais tu dois étudier ces politiques. Cela permet à ceux d’entre nous qui sommes attaqués de nous protéger. Être enfermé dans une cellule 23 heures sur 24 par jour nous donne beaucoup de temps pour étudier et mémoriser toutes ces règles, politiques, procédures, règles, règlements et pour les utiliser pour contrer les responsables de notre placement dans ces unités. Donc obtenir les copies des règles, règlements et lois qui s’appliquent au traitement des prisonniers t’aidera. Ayant déjà passé de nombreuses années en prison, je sais aussi que ce travail est épuisant au bout d’un moment.

Néanmoins, le plus souvent, c’est notre détermination et notre cohérence qui font que les gardiens nous respectent. Quand nous commençons à abandonner trop facilement ou simplement à ne jamais nous opposer au mal qui nous est fait, l’administration pénitentiaire ne voit plus notre capacité à la défier. Ce qu’ils font aujourd’hui est tout simplement dû à notre manque de connaissances juridiques. Nous devons nous améliorer en apprenant à interpréter le droit. Cela sera comme de recharger une arme. Sans munitions, ton arme ne sera d’aucune utilité. Arme-toi !

Points à méditer

1- Les prisonniers doivent créer un dossier mis à jour de toutes les règles, règlements, circulaires, etc. qui sont en vigueur dans leur détention.

2- Sois attentif au langage juridique comme « ils peuvent ou « ils doivent », car c’est ce qui nous donne les moyens de contrecarrer leurs violations de leurs obligations.

3- La plupart des bibliothèques de prison sont tenues par des prisonniers. Nous devons entretenir de bonnes relations avec ces prisonniers car ils peuvent nous aider à avoir accès à des documents légaux.

4- Nous devons envoyer des copies de ces règles, règlements, circulaires, etc. à nos proches. Les former sur ces choses ne peut que nous aider dans notre combat à long terme.

Ces points ne sont pas complexes et peuvent être incorporés dans le programme quotidien des prisonniers, surtout si vous êtes à l’isolement 23 heures par jour pour une durée de temps indéfinie. Les quartiers d’isolement prennent des vies humaines et volent les âmes des prisonniers. Nous devons continuer le travail que d’autres ont commencé pour stopper la construction des quartiers d’isolement. Il faut révéler dehors la vérité cachée derrière les mensonges de l’administration pénitentiaire qui a tant besoin d’un environnement de contrôle et de la manipulation psychologique.

3- Construire une solidarité de base avec les codétenus

Les prisons ont toujours été des lieux où les hostilités pouvaient être créées par ceux qui les administrent. Simplement afin de nourrir un conflit perpétuel entre prisonniers blancs et prisonniers noirs. Pourquoi ? Il est facile de répondre à cette question en étudiant leur politique. En perpétuant les violences raciales en prison, l’administration nous empêche de voir quel est le vrai problème. C’est la tactique classique de « diviser pour régner » et la plupart du temps, ça marche.

Cette tactique ne nous empêche pas seulement d’avoir une vue exacte du problème, cela nous empêche également de développer des relations de solidarité. Quand nous ne travaillons pas ensemble, nous devenons vraiment vulnérables aux attaques qu’ils mènent sans crainte de représailles. Quand nous essayons de lutter ensemble pour de meilleures conditions de vie, cela ne peut pas se faire sans qu’un respect mutuel soit établi. Cela n’est pas facile, puisque les prisonniers ont des idéologies, des religions, des croyances politiques différentes et que ces différences obstruent parfois notre chemin.

Mais la conscience politique est grandissante et se développe dans toutes les prisons américaines, ainsi que l’unité et la compréhension collective au sein de ceux visés par les politiques répressives. Nous devons construire une solidarité fondée sur des bases inébranlables. Les militants doivent savoir et accepter qu’ils n’auront pas le soutien de 100% des prisonniers. Parfois, c’est même ceux qui n’y participent pas qui tirent le plus gros avantage d’une lutte.

Les prisonniers qui exposent les violations ne sont parfois pas ceux qui souffrent le plus. C’est pourquoi nous devons avoir de bonnes relations avec au moins la moitié des détenus là où nous nous trouvons. Et peu importe là où nous nous trouvons, quartier d’isolement, quartier de haute sécurité, etc.

L’Administration pénitentiaire qui déteste être poursuivie, exposée, objet de recherches… va favoriser ses franges réactionnaires. Elle va approuver les brutalités de ses agents à ton égard, qu’ils te fassent des sales coups ou même te tuent. C’est un fait, et tu n’as pas intérêt à t’isoler de tes camarades détenus. Parce que tu peux avoir besoin que quelqu’un appelle ou contacte ta famille pour les informer des abus à ton égard.

Donc il est crucial de se positionner comme la personne qui aiderait les autres prisonniers à coup sûr s’ils en avaient besoin. Comme ça, même si des prisonniers t’envient ou te détestent (à tort), ils se sentiront néanmoins obligés de t’aider, c’est ça la clé et tout le monde devrait s’y plier.

Nous devons davantage être perspicaces dans notre situation et nous devons apprendre à reconnaître ce qui peut être à notre avantage. Nous avons tous une direction. Beaucoup d’entre nous ont fini par comprendre qu’elle était la direction à partir de leurs erreurs et de leurs essais. Même si une partie d’entre nous restent enfermés dans un tourbillon d’émotions mal dirigées et de confusions aveuglantes. Si nous ne découvrons pas le sens de notre vie, notre âme restera comme une coquille de noix sur une mer déchaînée.

Points à méditer

1- Ne rentre pas dans le jeu de l’administration quand elle pratique le « diviser pour régner ».

2- Quand tu essaies de créer l’unité entre prisonniers, montre leur toujours ce qu’ils ont en commun en tant que prisonniers situés dans des conditions oppressives similaires.

3- Tous les prisonniers ont droit à la parole et devraient être entendus lorsque sont discutées les difficultés auxquelles ils doivent se préparer dans la confrontation à l’administration des quartiers de haute sécurité. C’est ça le vrai centralisme démocratique.

4- Encourage le travail collectif et la responsabilité entre les prisonniers sur lesquels tu as de l’influence. Chacun a un rôle à jouer dans la lutte en prison.

5- Crée une bibliothèque politique basique et efforce-toi que les documents juridiques et d’éducation soient toujours disponibles pour ceux qui souhaitent apprendre.

6- Développe parmi tes codétenus la ligne de conduite qui fait que si un prisonnier est attaqué, alors cela signifie que vous êtes tous attaqués. Tu vas ainsi construire une solidarité qui va au-delà de ce qui est généralement attendu en prison (notamment racialement).

4- Organiser un programme de formation

L’isolement carcéral produit des détériorations physiques et mentales. Une des façons efficaces de lutter contre l’instabilité mentale est d’avoir un solide programme de formation. Ces quartiers créent des psychoses et il en résulte que la santé mentale des prisonniers se dégrade lentement. Dans la plupart de ces quartiers, les prisonniers sont autorisés à avoir la radio ou la télévision. Cela sert de moyen de distraction et d’évasion. Mais l’abus de l’un ou de l’autre peut servir à maintenir un détenu satisfait de son sort. Avec les émissions télé, on peut perdre de vue la bataille légale et le combat pour la liberté. L’administration utilise beaucoup de distractions de ce type pour pacifier la détention et maintenir son contrôle sur la population des prisons et de ces quartiers.

Trop d’humilité peut devenir de la couardise, donc nous devons rester fort physiquement, mentalement et spirituellement. Les prisonniers doivent acquérir l’habitude de lire sur les sujets qui leur procurent de la force, en leur donnant la sagesse, la connaissance et la compréhension. Nous avons tous un but dans notre existence. Si tu ne veux pas abdiquer ton âme ou devenir la victime de ton statut d’isolé 23 heures sur 24, construis-toi un programme de formation afin de stimuler ton développement personnel ou celui de ta communauté. Les discussions de groupe aident vraiment dans les petites détentions ou les petits quartiers d’isolement.

La privation sensorielle qui écrase et affecte les prisonniers rend l’isolement encore plus difficile à supporter. Des activités constantes de lecture, écriture et communication avec la famille et les amis sont des armes qui permettent de combattre les effets de l’isolement. Nous devons maintenir un flux sain et stimulant d’informations. Lire nous permet de développer de nouvelles idées et de garder l’esprit actif. Un corps et un esprit en mouvement restent en mouvement. Un corps et un esprit immobiles restent immobiles.

L’isolement carcéral peut, jour après jour, voler à une personne ses capacités à penser rationnellement et de manière critique. Donc je ne peux que souligner l’importance de constituer un vrai programme d’études. J’ai passé de nombreuses années dans des détentions où j’étais isolé 23 heures sur 24 pour savoir exactement ce qui marche et ce qui finit par rater. Je suggère que chaque prisonnier fasse de son isolement ce qu’il peut pour qu’il soit vivable. Plutôt que de le rejeter, apprivoise-le, et fais tout ce qui est nécessaire à ta survie. Mes premières années en prison m’ont permis de découvrir que j’avais des dons pour l’écriture. C’est à ce moment là que j’ai écrit mes meilleurs essais. C’est aussi à cette période que j’ai appris à utiliser l’isolement à mon profit. Nous devons en permanence apporter à notre esprit, grâce à des matériaux de qualité, les stimuli nécessaires. Des habitudes saines d’études aideront à combattre la folie. Tu seras la prochaine victime si tu ne te prépares pas dès maintenant.

Points à méditer

1- Les prisonniers qui aiment lire, faire leurs propres recherches et partager leurs documents politiques (ou non) devraient organiser une bibliothèque populaire dans leur quartier de détention.

2- Les prisonniers peuvent utiliser les temps libres pour organiser des jeux pédagogiques de toutes sortes.

3- Les prisonniers peuvent enrichir leur vocabulaire en étudiant le dictionnaire. Cela permet également de mieux communiquer avec les personnes à qui on écrit ou parle.

4- Les prisonniers qui croient qu’il existe un être ou une puissance suprême doivent faire le nécessaire afin que leurs besoins spirituels soient comblés. Cela aide à surmonter le stress ressenti dans ces quartiers.

5- Les prisonniers devraient trouver une ou deux personnes dehors qui partagent certains de leurs centres d’intérêt afin de rester connectés avec l’extérieur. Cela est crucial pour maintenir ta santé mentale.

5- Construire sa base de soutien

Les prisonniers qui sont placés à l’isolement ou dans des quartiers de haute sécurité doivent admettre qu’ils ont besoin d’un fort soutien à l’extérieur. Beaucoup d’entre nous avons encore des relations fortes avec nos proches. Mais il y en a également beaucoup parmi nous dont personne à l’extérieur ne se soucie suffisamment pour les aider. C’est pour cela que c’est extrêmement important pour nous de construire des liens, au-delà de notre propre famille, avec des personnes qui, dans tout le pays, s’intéressent à la survie des prisonniers.

À mon avis, la mission de l’administration pénitentiaire est le plus souvent de détruire les liens et les relations que nous avons développés avec les gens qui sont de notre côté dehors. Ces liens sont vitaux lorsqu’il s’agit d’être aidé. Nous avons tous besoin de gens qui ne passent pas leur temps à nous juger et qui vont nous accepter tels que nous sommes et qui vont être de notre côté dans notre combat pour la liberté. Donc nos soutiens doivent s’unir à nos proches dans la lutte. Quand vous n’avez personne pour passer un appel au bureau des matons, du gouverneur ou du juge, qui va diffuser des informations sur ce qui se passe dans votre détention, ou sur ce que les matons vous font subir ? Et dans ce cas, vous risquez davantage d’être victime d’abus.

Quand la répression carcérale n’est pas combattue, les surveillants de prison ont tendance à se lâcher. Donc nous, en tant que prisonniers, devons former et informer les gens pour qu’ils sachent ce qu’ils peuvent faire à l’extérieur pour que les surveillants restent calmes. Au fil des années, cela s’est avéré efficace car quand les gens à l’extérieur savent parfaitement comment nous aider, les surveillants se mettent presque toujours à agir correctement. Cela est parfois compliqué à mettre en place car les gens peuvent avoir du mal à travailler tous ensemble. Les conflits personnels, les batailles d’ego, le manque de confiance en soi ou d’autres facteurs peuvent saper les efforts collectifs.

Les connections entre les proches de prisonniers et les militants doivent être comprises par les uns et les autres dès le début de notre lutte pour notre liberté. Nos proches et nos amis veulent la même chose, c’est-à-dire nous voir rentrer à la maison en sortant par la porte par laquelle nous sommes entrés en prison. Voilà ce qu’ils partagent à l’extérieur.

Il faut vraiment que tu arrives à organiser un comité de défense constitué de gens qui te sont loyaux. Ce comité te représentera. À l’extérieur, le travail de ton comité consistera à faire savoir aux juges, à tes avocats que tes soutiens se préoccupent de ton cas. Ils t’aideront à récolter de l’argent pour que tu puisses payer ton avocat ou en désigner un si tu n’en as pas encore. Ils t’aideront à faire connaître tes conditions de détention et les batailles légales que tu mènes dans les prisons amérikkkaines.

Une forte base de soutien est très importante pour plusieurs raisons. Personne en prison ne devrait être laissé sans soutien. Mais les prisonniers qui sont la cible perpétuelle de l’administration pénitentiaire devraient plus que les autres être soutenus, car ce sont ces hommes et ces femmes qui sont en train d’essayer de faire changer le système oppressif.

Points à méditer

1- Constitue ton comité de soutien pour t’aider à maintenir ta liberté et à survivre, et exposer les conditions de vie dans la prison et le quartier où tu es prisonnier.

2- Essaie d’établir une relation riche avec les amis qui te rendent visite régulièrement. Cela aide à se concentrer et à ce que ton existence ne tourne pas uniquement autour de tes conditions de vie.

3- Envoie toujours une carte ou une lettre de remerciements chaleureuse aux personnes qui te soutiennent dehors et qui montrent de l’amour et de l’attention à ton égard. N’abuse jamais de ces relations car sinon tu risques de le regretter quand tu seras seul et déprimé.

4- Si tu as besoin d’argent pour ton combat judiciaire, pense à des moyens originaux de récolter de l’argent. Tes soutiens peuvent vendre des tee-shirts, des badges, des casquettes qui montrent leur soutien pour ton combat.

5- Les prisonniers peuvent écrire des recueils de poésie, des brochures sur l’histoire, la vie en prison, leur vie et une fois mis en page proprement, cela peut être vendu par Internet ou sur des tables de presse.

6- Devenir actif dans sa propre survie

Il y a quelques années, un codétenu m’a donné un bon conseil pour lutter contre les sévices de l’administration pénitentiaire. Il m’a dit qu’il fallait être actif dans notre manière de nous opposer à l’oppression. Beaucoup de ceux d’entre nous qui ont passé ici dix ans ou plus ont vécu de sales moments et ont vu la prison changer. On a vu aussi comment les quartiers de haute sécurité se sont mis à proliférer dans tout le pays. Nous n’avons pas réussi à nous préparer et maintenant nous nous retrouvons enterrés dans ces tombeaux. Nous préparer, ça aurait voulu dire que nous aurions anticipé tout cela.

Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous ne sont pas actifs lorsqu’il s’agit d’exposer ce que sont ces quartiers et les gens qui les dirigent de peur de représailles ou que des accusations mensongères soient faites sur eux. Mais ça doit changer si nous voulons un jour vraiment faire cesser la façon dont ils nous envoient dans ces quartiers. Leurs comportements sont arbitraires et ils sont responsables du mal psychologique qu’ils créent chez de nombreux prisonniers. C’est historiquement prouvé que l’isolement crée et créera de la folie. Et l’isolement renforce toutes les pathologies mentales existantes chez une personne.

Sans aucune stimulation mentale d’aucune sorte ou de moyens de se défouler physiquement, toute la vie d’un individu devient un processus de détérioration. L’auteur de ce texte a été dans des quartiers de haute sécurité pendant 16 ans. Je soutiens que l’administration pénitentiaire a utilisé l’isolement pour me punir et casser ma volonté de résister. Je reste fort et je résiste, mais je serais en train de mentir si je disais que je n’ai pas été affecté par le temps très long que j’ai passé à l’isolement.

Les prisonniers doivent être plus actifs et contester leur placement indéfini dans des quartiers de haute sécurité. Ceux-ci sont anormaux et ils montrent la nature barbare de l’administration pénitentiaire qui viole nos droits humains et civils chaque jour. Nous sommes les victimes de l’arrogance et des travers purement racistes de ceux qui dirigent les prisons. Vous n’êtes pas tous d’accord qu’il faut qu’on apprenne à se protéger sans toujours utiliser la violence ?

Les organes de presse et les journaux sont toujours intéressés d’entendre ou de lire des histoires sur les conditions de vie en prison. Les prisonniers doivent faire le nécessaire pour que leurs mots se retrouvent entre les mains de gens qui sont en position de les aider. Nous sommes en train de mourir dans ces quartiers de haute sécurité. Certains en raison de leur santé qui se détériore et d’autre parce qu’ils sont battus à mort ou torpillés par les techniques d’emprise psychologique qui détruisent les capacités à se contrôler et à être rationnel. Sur le long terme, on gagnera à exposer les abus qui se passent en prison, les conditions de vie misérables, la mauvaise alimentation, et toutes les violations de nos droits.

L’administration pénitentiaire a pris l’habitude d’intimider les prisonniers qui portent plainte contre eux en sortant des rapports sur des incidents fabriqués de toutes pièces, en restreignant leurs mouvements, en détruisant les lettres qu’ils reçoivent de l’extérieur, en effectuant des fouilles de cellule, des petites confiscations de livres ou de documents juridiques, ou même des tentatives de meurtres en manipulant des codétenus. Nous pouvons vivre debout comme des humains en luttant contre ces injustices, ou agoniser doucement comme des froussards à genoux. Nous ne devons jamais penser que nous n’avons pas le droit de protester et de dénoncer les abus qui se passent en prison.

Être actifs, ça veut dire prendre notre destiné entre nos mains. Maintenant.

Points à méditer

1- Sois attentif à tout changement, même graduel, dans la détention. Cela te permettra de prévoir de nouvelles stratégies contre les oppresseurs.

2- Encourage tes codétenus à inciter leurs proches à publier des communiqués de presse et à les adresser à tous les médias possibles. C’est important d’interpeller le monde entier.

3- Écris des lettres à des associations comme Amnesty International pour leur demander de soutenir tes plaintes. Fais un dossier avec tous tes documents.

Ces points sont faits pour vous guider et vous motiver. Vous devez rester actifs dans votre lutte. J’espère que vous allez me rejoindre dans le combat et prendre en main votre propre survie à l’isolement parce que sinon vous allez mourir.

7- Utiliser son accès illimité aux textes juridiques

Quel que soit le type de détention dans lequel tu as été placé, tu as la possibilité d’avoir accès aux textes juridiques.

Points à méditer

1- Procure-toi des copies de toutes les décisions dans lesquelles l’Administration pénitentiaire a perdu contre des prisonniers.

2- Apprends toutes les lois et règles qui régissent le comportement des surveillants dans la détention où tu te trouves. C’est comme ça qu’on peut les remettre à leur place lorsqu’ils ne respectent pas les règlements.

3- Apprends quels sont tes droits en tant que prisonnier afin de pouvoir exposer, dans les médias ou les tribunaux, comment ils sont violés.

Ceci est facilement incorporable à la vie quotidienne à l’isolement. Et apprendre les textes juridiques qui protègent nos droits ne peut qu’être utile pour l’avenir.

Le traitement inhumain qu’on subit en prison peut engendrer de l’aigreur et la perte de l’estime de soi. Après avoir passé un certain temps dans ces quartiers d’isolement, les défauts de caractère des prisonniers prennent le dessus. La vie dans un environnement confiné rend extrêmement difficile le retour à la vie civile. L’Administration pénitentiaire va devoir admettre les pathologies qui naissent de ces confinements prolongés. À la libération, essayer de se reconnecter avec ses proches est vraiment très difficile.

8- Participer activement à toutes les activités possibles

Il n’y a rien de plus important pour celui ou celle qui est placé à l’isolement que de participer à toutes les activités possibles. Beaucoup de prisonniers à l’isolement ne peuvent pas suivre un enseignement supérieur, mais ils ont la possibilité de passer le bac ou de suivre, gratuitement, des cours par correspondance.

Lorsqu’on se retrouve devant un juge pour un appel ou un aménagement de peine, c’est connu que les certificats de suivi de formation sont bénéfiques.

Chaque prison peut également offrir des activités spécifiques pour les usagers de produits stupéfiants, le contrôle de la colère, etc. et vous pouvez obtenir des certificats de participation.

Quand un prisonnier décide de ses activités et ne reste pas passivement à la disposition de l’administration, il reprend en main sa vie. C’est très important de jouer un rôle actif dans votre survie et dans votre développement émotionnel, social et politique. Les gens sont très influencés par les discours des médias Amérikkkains. Le gros de leur propagande est anti-prisonniers. Donc quand les prisonniers sont punis 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, les citoyens ne se pressent pas pour nous aider. Mais en montrant ce qu’on a réussi à faire en détention, on détruit beaucoup de mythes ou de stéréotypes répandus. Ceci est extrêmement important. Prend en charge ta vie en te la réappropriant.

Les prisonniers ont le droit d’écrire aux élus locaux, à leurs représentants, aux sénateurs, et aux autres pour se plaindre de l’absence de programmes éducatifs. Si les prisonniers n’arrivent pas à mettre les responsables au pied du mur, il n’y aura pas d’avancement sur ce sujet. Points à méditer

1- Renseigne-toi sur les cours par correspondance et demande systématiquement un certificat d’inscription, de participation ou de réussite.

2- Écris aux universités de la région où tu es incarcéré et essaye d’établir des relations avec des professeurs d’université et des professionnels susceptibles d’avoir de l’empathie pour ta situation et qui pourraient s’impliquer personnellement dans la poursuite de tes études.

3- Lorsque tu commences à avoir des certificats ou des diplômes, il vaut mieux en faire des copies et en envoyer une à ton domicile et en garder une avec toi en détention.

4- Inscris-toi dans tous les cours de développement personnel auxquels tu peux participer et encourage tes codétenus à faire de même.

5- Agir, c’est anticiper. Si tu fais le nécessaire pour toi-même, alors peut-être que quelqu’un va t’aider. Si tu n’as pas le bac et que tu veux l’avoir, alors fais le nécessaire. Il n’y a que nous qui pouvons nous éduquer. On doit d’abord se transformer avant de faire changer la société.

Tout ceci est simple et si ta démarche est sincère, cela t’aidera pour prendre le contrôle de ta vie. Arrête de prendre du temps et de l’énergie dans des activités qui ne contribuent pas à ton propre développement. Dans les prisons amérikkkaines, il y a un haut degré de désespoir qui rejaillit sur quasiment chaque prisonnier. Ce désespoir fait que beaucoup de prisonniers n’ont plus le courage de se battre pour leur liberté. Personne n’aidera un prisonnier tant que nous n’aurons pas fait connaître notre volonté de nous battre.

Dans notre combat pour résister à la folie qui touche ceux qui sont en prison et placés à l’isolement, la force et la persévérance doivent devenir nos meilleures alliées. Le complexe industrialo-carcéral espère voler l’âme et la vie des prisonniers qui sont placés à l’isolement en détention. Si tu n’es pas prêt à mourir, lève-toi et bouge-toi !

9- Faire de ta cellule un laboratoire

La privation sensorielle est bel et bien utilisée par l’Administration pénitentiaire dans les quartiers d’isolement de ce pays. Les prisonniers condamnés à de longues peines passent quasiment tous dans des quartiers où ils sont isolés 23 heures sur 24. Parfois même 24 heures sur 24.

Enfermés dans ces unités, les prisonniers sont obligés de faire de leur cellule un véritable laboratoire. Nous devons étudier, écrire, faire du sport et créer dans ces cellules. Dans la plupart des cas, tu as une cellule pour toi tout seul. Dans certains quartiers, il y a deux détenus par cellule, ce qui peut faire beaucoup lorsque les prisonniers sont très actifs. Ces cellules ont une taille comparable à celle de vastes WC dans une maison ordinaire. Nous passons la plupart de notre temps dans ces cellules, donc nous n’avons pas d’autres solutions que de trouver des manières inventives d’utiliser l’isolement à notre avantage. Personnellement, je pense qu’il est crucial d’utiliser les périodes d’isolement pour développer le contrôle de soi. Lorsque nous contrôlons notre moi, nous avons gagné notre première bataille pour la liberté. Parce que sans liberté intérieure, tu ne connaîtras jamais la liberté tout court. Travailler sur son moi rend ensuite capable de surmonter la privation sensorielle qui consiste à être 23 heures sur 24 en cellule.

Un autre point très important est la nécessité de développer un bon programme d’études et de méditation. Cela aide à combattre les sensations négatives que l’environnement peut faire naitre en nous. Cette petite cellule doit devenir ton laboratoire où tu t’établis d’inébranlables fondations. Où tu développes ta maturité, et où tout ce dont tu as besoin est à portée de main. Nous ne devrions jamais laisser notre développement personnel dans les mains de l’administration pénitentiaire. Nous sommes nos propres libérateurs – nous nous éduquons nous-mêmes. Ceux d’entre nous dont la détermination nous aide à survivre dans ces horribles quartiers d’isolement sont très méritants. Ces quartiers sont construits pour contenir, réprimer et isoler la résistance des prisonniers du reste de la population carcérale. Quotidiennement, les prisonniers des quartiers d’isolement des prisons amérikkkaines sont torturés et déshumanisés. L’horreur de ce dont le peuple amérikkkain a été témoin à la prison d’Abu Ghraib en Iran n’est pas quelque chose de nouveau pour nous. La torture et la déshumanisation sont des outils communément utilisés par l’administration pénitentiaire pour détruire les gens dangereux dans les quartiers d’isolement. Les prisonniers sont étouffés, étranglés, pendus et électrocutés au teaser. Ils se meurent et personne ne semble y accorder de l’importance, à part quelques militants dévoués. En tant que révolutionnaires et que militants anti-carcéraux révolutionnaires, nous devons travailler dur pour révéler tous les abus qui se passent en prison. Les prisonniers doivent apprendre tout ce qu’ils peuvent de toutes les violations qui ont lieu pour les révéler à l’extérieur. Fais de ta cellule un laboratoire.

Points à méditer

1- Constitue ta propre bibliothèque avec des livres et des documents récents et de bonne qualité qui t’aideront à stabiliser tes fondations. Cela doit aussi inclure des livres spirituels.

2- Développe tous les moyens de communication possibles avec ceux qui s’intéressent à ta liberté et à ta survie.

3- Constitue-toi un programme d’exercices physiques stimulants qui fassent travailler le coeur, les abdominaux, les jambes, les bras, etc. Un bon programme fait des merveilles sur le mental, le corps et l’âme et ça réduit la tension artérielle.

4- Entoure-toi toujours de personnes optimistes et ton état d’esprit sera toujours positif.

10- Former sa famille à constituer un groupe de soutien

C’est évident que la constitution d’un groupe de soutien n’est pas une idée nouvelle. Si beaucoup d’entre nous pensons que nous en méritons un, nous ne sommes pas tous prêts à fournir le travail nécessaire pour en constituer un. Nous devons d’abord avoir une vision de ce que seront les objectifs de ce groupe de soutien, de quels types de personnes il sera constitué et si ces personnes pourront te représenter en ton absence à l’extérieur. Quand nous voulons créer un groupe de soutien qui se focalise uniquement sur notre libération, c’est impératif de former nos proches et de leur fournir des documents sur les manières dont ils peuvent concrètement nous aider. Un groupe de soutien personnel est extrêmement important car il va être notre voix à l’extérieur. Il pourra passer, à notre place, les appels téléphoniques aux juges, avocats, détectives ou à quiconque doit être contacté. Donc tu dois d’abord bien comprendre quel est l’engagement des gens à ton égard. Quant tu es pris en otage dans un de ces foutus quartiers de haute sécurité, ton comité de soutien va être important pour permettre que justice te soit rendue. Beaucoup de ceux d’entre nous qui sommes victimes de la répression carcérale ont besoin du soutien de l’extérieur pour porter plainte contre des abus, de la torture ou la violation des lois ou des règlements.

Un comité de soutien sera capable de mobiliser l’attention des médias et de rendre public ton combat. Les médias écoutent plus volontiers les gens à l’extérieur que les prisonniers, donc tu dois leur donner des indications sur ce qu’il faut qu’ils fassent. Un comité de soutien peut aussi aider à récolter de l’argent afin d’engager de bons avocats. L’argent peut aussi être utilisé pour t’aider à survivre en prison pendant que tu te bats pour ta liberté. Les quartiers d’isolement sont des lieux lugubres où les hommes comme les femmes croupissent. Les prisonniers qui ont déjà un comité de soutien devraient encourager les autres afin qu’ils se constituent également un comité de soutien. Tout le monde en prison a besoin et désire un filet de sécurité et avoir un groupe de gens dehors qui vous aidera est très important. Notre survie dépend de l’aide que nous recevons de dehors.

Points à méditer

1- Constitue ton comité de soutien et engage les membres de ta famille en qui tu as confiance.

2- Il est important d’avoir une adresse postale dehors pour recevoir le courrier. Les adresses personnelles ne devraient jamais être données à des inconnus.

3- Ton comité de soutien doit avoir un ordinateur et une imprimante pour pouvoir communiquer sur ta situation ou autre.

4- Ton comité de soutien devrait faire un site internet afin que soient mises à disposition du public les informations que tu veux partager.

5- Les créations artistiques, la poésie ou les autres activités auxquelles tu t’adonnes doivent apparaitre sur ton site.

6- Ton comité doit organiser les donateurs et disposer d’un compte bancaire pour pouvoir accepter les donations en ta faveur.

Ces points sont simples et si tu veux vraiment te constituer un comité de soutien, fais-y attention. Agir permet de construire quelque chose de durable. Si tu ne te bouges pas toi-même, personne ne le fera. Je n’ai pas toutes les réponses et probablement que je ferai encore des erreurs. Mais si je n’arrive pas à apprendre d’elles, alors tout aura été fait en vain…

 

Pour aller plus loin…

Isolement et répression en prison :

- Paroles de FIES, Entretien avec Laudelino Iglesias (Espagne)

- Se battre contre l’isolement, c’est se battre contre la prison. A propos du quartier d’isolement de Bruges (Belgique)

- Le numéro 4 du journal L’Envolée (2002)

Au pied du mur, 765 raisons d’en finir avec toutes les prisons, Montreuil, L’Insomniaque (2000)

- Roger Knobelspiess, Q.H.S. : Quartier de haute sécurité, Éditions du Rocher, 2007 [1980]

Supermax et quartiers de haute sécurité (USA) :

- Nancy Kurshan, Out of Control. A fifteen year battle against Control Unit Prisons (retrace la lutte du CEML - Committee to End the Marion Lockdown, Comité pour la fermeture du quartier d’isolement de Marion - entre 1985 et 2000

- « Prison Valley », un web-documentaire sur un ensemble de 13 prisons dont une supermax dans le Colorado

Solitarywatch

- Christian Parenti, Lockdown America : Police and Prisons in the Age of Crisis, London & New York, Verso (2000)

Luttes des prisonnier-e-s (France) :

Ban Public 

- Contre l’enfermement

L’Envolée, pour en finir avec toutes les prisons

- OIP, Guide du prisonnier, édition 2012 (plus de 700 pages pour connaître le droit pénitentiaire et les recours, notamment contre le placement à l’isolement)

Collectif

P.S.

PAS DE COPYRIGHT

soledadetassociees@@@ymail.com

 

[1] Le taux d’incarcération moyen en Europe est de 100 pour 100 000 personnes. Voir « World Prison Brief », mars 2010.

[2] Ils remplacent les QSR (Quartier de Sécurité Renforcé), les QHS (Quartiers de Haute Sécurité) et les QPGS (Quartier de Plus Grande Sécurité), qui ont existé entre 1975 et 1981.

[3] Les Quartiers disciplinaires (QD, mitard), les Unités pour Malades Difficiles (UMD) et les SMPR (Service Médico-Psychologique Régional) notamment.

[4] Environ 500 prisonnier-e-s figurent dans ce fichier, soit en raison de leurs délits/crimes, soit de leur comportement en détention.

[5] Carter Godwin Woodson (1875 - 1950) est un afro-américain, historien et journaliste, considéré comme le père fondateur de l’histoire afro-américaine.

[6] La Campaign to Stop Control Units a été lancée en 1995.

[7] Voir notamment : Stuart Grassian, « Psychiatric Effects of Solitary Confinement », 2006.

[8] Les membres du groupe d’extrême gauche RAF y ont été incarcérés et Ulrike Meinhof y a été tuée en mai 1976, puis Andreas Baader, Gudrun Ensslin et Jan-Carl Raspe en octobre 1977.

[9] Association philanthropique et réformiste de l’Illinois.

[10] En 2009, le taux était de 743 personnes sur 100 000 (voir : Introduction).

[11] Terme couramment employé pour souligner le caractère raciste de la société états-unienne (référence au KKK, Klu Klux Klan).

[12] Référence aux Conventions de Genève (1949) et à ses Protocoles additionnels (1977) qui prohibent la torture.

[13] Appelé « Torture Memos » ou « Bybee Memo », ce texte rédigé par John Yoo et signé par Jay S. Bybee, recommende l’usage de la torture et fournit des arguments juridiques pour son recours.

[14] Le 9 septembre 1971, la moitié des 2 200 prisonniers de la prison d’Attica (État de New York) se mutinent, gardent 33 gardiens en otage et prennent le contrôle de l’établissent. La mutinerie a lieu quinze jours après l’assassinat par des gardiens de George Jacskon, un prisonnier et militant politique afro-américain. Les prisonniers d’Attica revendiquent des droits politiques et de meilleures conditions d’incarcération. Au bout de quatre jours, la mutinerie est violemment réprimée : 39 personnes (29 prisonniers et 10 employés de la pénitentiaire) sont tués.

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