Non ! l’Afrique n’a pas besoin des OGM '

Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain | 30 août 2013 | souveraineté alimentaire, semences & biodiversité | Burkina Faso, L'Inde

Réponse des organisations de société civile africaine active sur la problématique de l’introduction des OGM dans l’agriculture, au Professeur CALESTOUS Juma.

 Prof. Juma soutient que, dans un contexte de réchauffement climatique le monde a besoin d'adopter à grande échelle des cultures génétiquement modifiées afin de nourrir sa population croissante.

Cliquez ici pour lire aussi sa lecture aux diplômés de l'Université McGill, à Montréal en juin - en anglais.

Pourquoi l’Afrique n’a pas besoin de cultures transgéniques ?

Après deux décennies de passe d’armes entre Pro et Contre – OGM, nous pensions avoir fini avec les arguments maintenant éculés qui présentent les OGM comme solution aux problèmes de la faim et du changement climatique en Afrique, arguments auxquels les producteurs agricoles et les consommateurs de plus en plus avisés, ont désormais tourné le dos sur le continent africain. En témoignent les positions du Réseau des Organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’Ouest (ROPPA), de la Plate-forme sous Régionale des Organisations Paysannes d’Afrique Centrale (PROPAC), de l’East African Farmers Federation (EAFF) et du Pan African Farmers Forum (PAFFO) qui travaillent à promouvoir l’agriculture familiale en Afrique. Il est évident aujourd’hui que le choix fait par le Burkina Faso d’adopter la culture du coton Bt n’est pas en conformité avec le souhait généralisé des paysans de ce pays.

C’est dans ce contexte que le Prof. Calestous Juma, ancien secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la Biodiversité, affirme, sans le prouver, que :

·                                      de 1996 à 2011, les cultures transgéniques « ont réduit de près de 473 millions de Kg, l’utilisation des ingrédients actifs des pesticides » ;

·                                      ces cultures ont également réduit les émissions de dioxyde de carbone de 23,1 milliards de Kg, ce qui équivaudrait au retrait de 10,2 millions d’automobiles de la circulation ;

·                                      sur le plan économique, près de 5 millions d’agriculteurs et leurs familles, estimés à 50 millions de personnes ont tiré avantages de l’adoption des cultures transgéniques.

On peut continuer à citer d’autres affirmations du genre du Prof. Calestous Juma. Mais, pour la circonstance, nous préférons nous en arrêter là.

On se demande dès lors, pourquoi le Prof. Calestous Juma - qui est un scientifique de haut niveau - passe maladroitement sous silence, d’autres constats comme ceux qui suivent :

La situation au Burkina Faso

Les sociétés cotonnières burkinabés, très déçues par les rendements et la qualité de ce coton Bt sont revenues massivement en 2012 au coton conventionnel parce que le coton transgénique n'a pas tenu ses promesses (Claire Fages, « Cette année le Burkina Faso délaisse notablement le coton OGM », RFI, le 10 Mai 2012)

Justement, au dire des producteurs du coton burkinabé, il ne devrait pas y avoir, pour la production du coton OGM, plus de quatre (04) traitements. Mais aujourd’hui, la réalité du terrain montre qu’ils en sont à six (06), sept (07) voir huit (08) traitements. A cela, il faut y ajouter le coût des semences. Comme l’indique l’article de Patrick Piro intitulé « Après le coton, Monsanto cherche à multiplier les OGM en Afrique de l’Ouest » et publié le 8 avril 2013, « le prix des semences, surtout, reste en travers de la gorge de tous les paysans. En début de saison 2012, le sac, calibré pour ensemencer un hectare, coûtait 27 000 FCFA (41 €) contre 814 FCFA (1,2 €) pour les variétés conventionnelles ! ».

Mais le plus grave, ce sont les risques sanitaires mettant en danger la santé publique comme l’étude conduite par le Professeur Giles-Eric SERALINI et son équipe, dont les résultats ont fait le tour du monde. Les résultats de cette étude - qui, on s’en souvient, ont fait enfler la polémique - ont été corroborés par ceux d’une récente étude américaine.

Le débat sur la dangerosité des OGM est tout aussi suranné, car en réalité, ceux qui concluent à l’innocuité des aliments transgéniques, sont ceux là-même qui y tirent un énorme profit, et ce, au détriment des consommateurs du monde et singulièrement de l’Afrique.

Même en balayant du revers de la main la toxicité intrinsèque des aliments transgéniques, le risque d’intoxication n’en est pas moins écarté, du fait de leur toxicité extrinsèque. Sans en arriver à une généralisation, des produits entrant dans le traitement de certaines PGM sont réputés pour leur haute toxicité.

La situation en Inde

Le gouvernement indien a décidé de suspendre sine die l’autorisation de mise sur le marché de l’aubergine Bt, produite par Monsanto.

Dr. Keshav Kranthi a publié un rapport très critique sur les effets dramatiques à moyen terme du coton Bt qui a entraîné l’apparition d’insectes très virulents ainsi qu’une baisse substantielle des rendements. Pour venir à bout de ces nouveaux fléaux, les paysans doivent utiliser des insecticides extrêmement toxiques, et donc s’endetter (sans parler des dangers pour leur santé).

La culture du coton Bt dans le Panjab a entraîné de nombreux suicides parmi les paysans qui ne pouvaient supporter la honte d’être poursuivis pour non-paiement de leurs dettes.

Dans une situation d’incertitude aussi évidente en ce qui concerne les OGM, la moindre attitude qu’on aurait pu attendre d’un professeur du rang de Calestous Juma, était de tenir des propos équilibrés, laissant aux auditeurs de se forger leurs propres opinions.

S’il est vrai aujourd’hui qu’il y a des scientifiques qui, pour des raisons qui leur sont propres, louent les avantages des OGM, il y en a un grand nombre d’autres qui n’en sont pas convaincus. Les opinions de ces derniers sont fondées sur des travaux scientifiques rigoureux (cf. par exemple les travaux du Panel pour une Science Indépendante, op.cit.), au nom desquels, ils recommandent plutôt de respecter « le principe de précaution », promu par le Protocole de Cartagena (Articles 10 al. 6 et 11 al. 8). De leur avis, la seule alternative viable possible pour faire face à la crise alimentaire qui frappe de plein fouet le milliard de personnes vivant sur le Globe, sous la poussée du changement climatique, reste l’adoption de modèles agricoles durables.

A titre d’illustration, l’évaluation du grand projet de la muraille verte a prouvé que les meilleures solutions pour inverser les effets du changement climatique est encore la généralisation de l’agriculture écologique, pratiquée depuis toujours par les paysans petits producteurs qui font de l’agriculture familiale en Afrique.

Au demeurant, le Prof. Calestous Juma aurait pu, tout au moins, prendre le soin de révéler à son auditoire le fait qu’il n’y ait aujourd’hui que deux grandes catégories d’OGM qui sont produites : celle qui résiste aux herbicides et celle qui produit son propre insecticides. Tous les autres discours sur la productivité et le rendement des OGM sont des affirmations qui ne tiennent pas la route et relèvent de ce fait - en tout cas pour le moment - du grand mythe populaire entretenu par ceux qui y ont intérêt. Il suffit à ce propos, de consulter internet pour voir les publications qui l’attestent.

Pour une Afrique responsable

Pourquoi l’Afrique s’engagerait-elle dans l’aventure des OGM, avec tous les risques qui y sont attachés, alors que le monde entier reconnait qu’elle regorge de ressources génétiques y compris celles non encore étudiées. Non ! L’Afrique n’a pas besoin d’OGM.

L’Afrique n’a pas besoin d’OGM (BEDE (2000), JINUKUN (2003), INADES et al., 2006, COPAGEN, 2011) même pas pour faire face au changement climatique. En effet, le continent africain est riche en ressources génétiques comme le démontre le bassin du Congo qui fait partie des bassins de méga-biodiversité du monde, sans parler des grandes vallées très riches qui parcourent le continent. Encore aujourd’hui, les ancêtres sauvages du riz, des ignames, des caféiers, des mils, du palmier à huile, etc. continuent d’évoluer dans leurs écosystèmes naturels, au côté de ces plantes cultivées, et constituent des réservoirs de gènes. De ce fait, les variétés cultivées adaptées aux nouvelles conditions climatiques existent et existeront sur le continent, pourvu que les pratiques agro-écologiques encore en vigueur chez de nombreux paysans africains ne disparaissent pas.

L’Afrique n’a pas besoin d’OGM pour nourrir ses populations. Les statistiques agricoles ont toujours montré que l’Afrique produit suffisamment de nourriture sur son sol, et que le problème qui se pose est celui du transport de ses produits alimentaires agricoles des lieux de production vers les lieux de consommation. Ce fut le cas en 2002 quand le PAM voulait déverser du maïs OGM sur le territoire zambien, alors qu’il n’y avait de pénurie que dans une province du pays, qui pouvait être approvisionnée par les autres.

Il faut laisser l’Afrique penser ses problèmes et rechercher les solutions à l’interne, au lieu de constamment la submerger de solutions qui ne peuvent que devenir de sérieux problèmes pour les générations futures.

 

Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain

S/C Inades-Formation International, Point focal régional COPAGEN

08 BP 8 Abidjan 08 / +225 22 40 02 16 / ifsiege@inadesfo.net

 

Collé à partir de <http://www.grain.org/fr/bulletin_board/entries/4778-non-l-afrique-n-a-pas-besoin-des-ogm>