Arrêtez avec la «question rom»!

Louis de Gouyon Matignon

Monde

15.04.2014 - 14 h 31

mis à jour le 15.04.2014 à 14 h 32

Un camp rom à Triel-sur-Seine, en octobre 2013. REUTERS/Benoit Tessier

Il y a un problème de ségrégation ethnique et sociale, de racisme ordinaire dans certains pays européens. Pas un problème rom. Et c’est à l’Union européenne de lutter de toutes ses forces contre ces discriminations.

«Si un homme attribue tout ou partie des malheurs du pays et de ses propres malheurs à la présence d’éléments juifs dans la communauté, s’il propose de remédier à cet état de choses en privant les juifs de certains de leurs droits ou en les écartant de certaines fonctions économiques et sociales ou en les expulsant du territoire ou en les exterminant tous, on dit qu’il a des opinions antisémites. Ce mot d’opinion fait rêver...» Jean-Paul Sartre - Réflexions sur la question juive (1946)

Il n’y a pas et il n’y aura jamais de solution à la question «rom», tout simplement parce qu’il n’y a pas de question «rom», mais un problème de ségrégation ethnique et sociale à l’encontre de la première minorité démographique européenne, soit près de 15 millions d’Européens.

Déportés d’Inde il y a un millénaire, ayant vécu l’errance jusqu’à arriver dans l’est de l’Europe entre le XIIIe et le XIVe siècle, les Roms ont vécu en esclavage jusqu’à la fin du XIXe siècle, entraînant tout ce que l’on peut imaginer de traumatismes directement vécus et/ou transmis aux descendants.

La normalisation de leur situation a débuté après la Seconde Guerre mondiale; elle a pris fin à la chute des régimes communistes. Ceux-ci reconnaissaient les minorités ethniques et favorisaient leur intégration. Depuis les années 1990, les nouveaux régimes politiques, confrontés aux difficultés économiques inhérentes à l’abandon d’une économie dirigée vers un capitalisme mal maîtrisé, ont fait le choix «délibéré» de stigmatiser ces populations et de les rejeter à nouveau dans la plus profonde pauvreté, le plus souvent en les privant d’emploi afin d’épargner vainement aux autres concitoyens le chômage.

Les «Roms» sont contraints de vivre dans des communautés villageoises souvent démunies d’hygiène, de soins, d’enseignement, d’emploi, d’électricité et de toutes formes de confort moderne, comme les «shtetl» d’autrefois. Les gouvernements roumain et bulgare mènent volontairement des politiques ségrégationnistes incitant cette population à un exil «volontaire», faute de possibilités de vivre décemment. Ces pays vont même jusqu’à ne pas employer les subsides versés par les institutions européennes afin de pousser leurs populations les plus pauvres hors de leurs frontières, et de laisser aux pays d’accueil la charge de les accueillir.

Nous sommes à l’extrême limite d’une politique d’épuration ethnique comme l’Europe en a déjà connue dans l’ex-Yougoslavie.

L’accueil de populations immigrées, la France sait ce que c’est. Et depuis longtemps. Venues d’Europe, d’Afrique, du proche, du moyen et même de l’Extrême-Orient, la France a su être à sa place pour panser de nombreuses blessures. Notre Garde des Sceaux Christiane Taubira peut témoigner de la réussite qu’a été l’accueil des populations Hmong réfugiées du Laos en Guyane en 1977. Aujourd’hui, ils seraient près de 4.000 en Guyane. Et il est peu dire que toute la population du département loue cette population. Ils seraient près de 10.000 en métropole et personne n’y trouve à redire. L’accueil organisé au profit de populations aux cultures parfois très différentes peut se faire sans écueil.

C’est en cela que nous pouvons affirmer qu’il n’y a pas de question «rom». Il y a un problème d’ethnicisation des rapports sociaux, de racisme ordinaire dans certains pays européens, et c’est à l’Union européenne de prendre à bras-le-corps le comportement abject des gouvernements de ces pays. Souvent interviewés, leurs responsables politiques plaident la non-insertion sociale des populations «roms», de par leur goût supposé pour le mode de vie qu’ils subissent! C’est non seulement faux, mais ce serait comme dire au président Obama que les Afro-Américains sont majoritaires dans les prisons par goût inné pour le crime!

Tout être humain, d’où qu’il vienne, quel qu’il soit, veut améliorer son sort et celui de sa famille. Au XVIIe siècle, William Shakespeare mettait dans la bouche de Shylock, le marchand juif du Marchand de Venise, une tirade sur son humanité:

«Un juif n’a-t-il pas des yeux? Un juif n’a-t-il pas des mains, des organes, des dimensions, des sens, de l’affection, de la passion; nourri avec la même nourriture, blessé par les mêmes armes, exposé aux mêmes maladies, soigné de la même façon, dans la chaleur et le froid du même hiver et du même été que les chrétiens? Si vous nous piquez, ne saignons-nous pas? Si vous nous chatouillez, ne rions-nous pas? Si vous nous empoisonnez, ne mourons-nous pas? Et si vous nous bafouez, ne nous vengerons-nous pas? Si nous sommes semblables à vous en tout le reste, nous vous ressemblerons aussi en cela.»

Alors, j’ose dire et affirmer que les Roms ne sont pas sales, voleurs, idiots, inadaptés socialement de par leur être profond. Ce sont des victimes. Hommes, femmes et enfants sont victimes. Parfois victimes de criminels issus de leur propre communauté, victimes de réseaux criminels, de véritables mafias trafiquant les êtres humains pour en faire à nouveau des esclaves. Des esclaves voleurs, des esclaves prostitués, des esclaves complices de vols et exactions.

L’Union européenne s’honoreraient de les accueillir décemment et avant tout de contraindre leurs pays d’origine de leur permettre de vivre décemment. L’Union européenne devrait organiser à travers une justice et une police fédérale, donc transnationale, la protection de ces populations et la lutte contre ces filières du crime organisé sous forme de mafia et en profiter, au demeurant, pour lutter contre toutes les autres formes de ce type de criminalité.

L’Union européenne s’est créée pour l’humain. Elle a grandi pour l’argent.

Revenons aux fondamentaux.

Faisons l’Europe des humains. L’Europe qui protège les plus faibles les handicapés, les femmes, les réfugiés politiques, les migrants économiques, l’Europe de l’égalité des chances pour tous, l’égalité des sexes, des cultures, des religions, des choix de mode de vie. L’Europe des sédentaires et des gens du voyage.

Louis de Gouyon Matignon

Président de l’association Défense de la Culture Tsigane.

Candidat tête de liste aux élections européennes en Ile-de-France pour le Parti européen.

 

 

Collé à partir de <http://www.slate.fr/tribune/85991/rom>