Séance du dimanche : Bloody Sunday

10 mai

Bloody sunday session

Cette semaine, les conservateurs britanniques ont gagné les élections et vont réinstaller James Cameron au poste de premier ministre, le véritable poste de pouvoir de l’autre côté de la Manche puisque la famille royale ne sert à rien (elle est juste un luxe esthétique dont on se demande bien pourquoi les Britanniques continuent de le financer). Cameron, ça n’aura échappé à personne, c’est un anagramme de Macron (encore un complot injustement oublié…). avec le « e » de England en rab. L’ensemble des sujets du Royaume Uni va donc devoir supporter pendant quatre ans de plus la politique de casse sociale –pardon : d' »austérité « – et de disciplinement sécuritaire décidée par une droite elle aussi « décomplexée ». La question à cent livres est de savoir pourquoi les moutons égarés qui commençaient à ressentir les effets de la précarisation généralisée jusque dans leur cottage, sont finalement revenus en bêlant donner une majorité absolue au Macron + e anglais. Le danger soviétique représenté par « red Ed », le candidat rose-bonbon mal sucé du parti travailliste, aux côtés duquel le PS fait figure d’organisation guévariste ? Non. La menace de sortie de l’Union brandie par le quasi-FN Ukip ? Non, Cameron a même promis un référendum sur le sujet. La couleur des cravates de Cameron ? Pas sûr. En fait, l’une des explications pourrait être justement que le Royaume Uni ne fait plus recette partout. En Écosse, le SNP -Parti National Écossais- a raflé 56 des 59 sièges de député. Les partis unionistes ont chacun un petit siège. Une représentation à peine symbolique qui laisse ouverte la perspective de l’indépendance de l’Écosse.

Un bon prétexte pour revenir sur la fameuse « Union » censée fonder la belle unité du Royaume « Uni » …autour de la domination anglaise. avec l’Écosse et le Pays de Galles, les relations ont souvent été tendues, mais jamais autant qu’avec l’Irlande, que les Anglais ont longtemps considérée comme une colonie peuplée de demi-sauvages qui parlaient une langue barbare. Et en plus ils étaient restés papistes, tout pour justifier des siècles de gestion coloniale. La majeure partie de l’île a réussi à se débarrasser des troupes d’occupation de sa gracieuse Majesté en 1921, au terme d’une lutte extrêmement dure, mais les Britanniques réussirent quand même à conserver le nord (l’Ulster), où les Protestants étaient majoritaires. Dès les années 1960, les Catholiques d’Ulster, lassés de la discrimination systématique dont ils étaient l’objet de la part des autorités protestantes ont commencé à intensifier leur action politique en faveur de la séparation et de la fondation d’une république socialiste. Face aux provocations des groupes protestants tels que l’Ordre d’Orange, ou à la violence des groupes paramilitaires et des forces de répression obéissant toutes au pouvoir protestant, les républicains irlandais ont commencé à développer les structure d’auto-défense qui existaient déjà autour de la vieille IRA (Armée Républicaine Irlandaise), tout en utilisant également les voies pacifiques de revendication.

Le 30 janvier 1972,  l’Association nord-irlandaise pour les droits civiques avait organisé à Derry, la deuxième ville d’Irlande du Nord, une marche pacifique pour l’égalité des droits entre catholiques et protestants. L’armée britannique, chargée du maintien de l’ordre, avait pour mission de ne pas laisser sortir les manifestants du Bogside, le ghetto catholique de la banlieue de Derry, et d’éviter toute confrontation avec les protestants. Ce jour-là, il est devenu évident que l’armée britannique n’était pas une force d’interposition, mais une troupe d’occupation et de répression contre les républicains : les soldats du premier régiment de parachutistes, suivant des instructions strictes, tirèrent sur les manifestants désarmés. Bilan : 14 morts, plusieurs abattus dans le dos, et 13 blessés par balles ou écrasés par les véhicules de l’armée.

Le film québéco-britannique de Paul Greengrass, sorti en 2002, retrace minutieusement le déroulement de la journée, la manifestation, la préparation des dispositifs de sécurité, la succession des mesures prises, jusqu’à l’ordre de tirer à balles réelles. Il montre aussi de manière implacable le rôle de ce massacre dans la marginalisation chez les républicains de l’action publique, et l’engagement massif des militants dans l’IRA provisoire. Le Bloody Sunday est considéré comme un des principaux déclencheurs du déchaînement de la violence politique en Ulster. On ne répond pas aux balles par des slogans et des banderoles…

 

Collé à partir de <https://quartierslibres.wordpress.com/2015/05/10/seance-du-dimanch-bloody-sunday/>