Quand Vinci s’inspire des « zones à défendre » de Berlin

 

L’entreprise, opposée en France aux zadistes de Notre-Dames-des-Landes, a organisé à Berlin un séminaire autour d’alternatives urbaines défendues par des militants allemands.

Par Olivier Razemon

Publié le 16 juillet 2015

 

 

Un graffiti hostile à un projet de construction, le 25 juin à Kreuzberg, un quartier de Berlin. FABRIZIO BENSCH / REUTERS

Ici, tout est verdure. Les arbres fournissent une ombre bienvenue. Des fleurs de toutes les couleurs et de toutes les formes s’épanouissent sans ordre apparent. Quelques cabanes en bois abritent une brasserie artisanale et une échoppe où l’on peut acheter des légumes produits localement. Des ruches sont suspendues entre les branches. Des bénévoles préparent des boules de terre dans lesquelles elles ont glissé des graines. Un cochon, tenu en laisse, émet de temps en temps de petits grognements qui perturbent la torpeur de cet après-midi étouffant.

Bienvenue à Prinzessinnengarten, le jardin partagé alternatif qui occupe, dans le quartier de Kreuzberg, à Berlin, un terrain soustrait à la spéculation immobilière. Dans la capitale allemande, ce projet citoyen ne détone guère.

Mais le plus surprenant, ce jour de début juillet, ce sont les visiteurs : des cadres du groupe Vinci et leurs invités, une centaine d’experts, entrepreneurs, consultants, élus et journalistes, qui assistent au séminaire annuel de « La Fabrique de la cité », un think tank financé par la multinationale. Parmi eux, figurent aussi bien Charles-Eric Lemaignen, président (LR) de la communauté d’agglomération d’Orléans que Laurence Comparat, adjointe (EELV) au maire de Grenoble.

 

Marco Clausen, cofondateur du lieu, dénonce une situation à laquelle son mouvement espère remédier : « Ces tomates fabriquées en Andalousie avec des produits chimiques, entourées de film plastique et transportées à l’autre bout de l’Europe, et qui, à l’arrivée, n’ont même pas le goût de tomates ». Le jeune activiste reçoit une salve d’applaudissements.

Installés sur de sommaires caisses en bois, certains invités ne peuvent s’empêcher de glousser : « On se croirait à Notre-Dame des Landes », le site du projet d’aéroport de Nantes qui doit être construit… par Vinci. Dans le célèbre bocage, les « zadistes » cultivent eux aussi leurs légumes et pratiquent l’apiculture.

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Au plus haut niveau de l’entreprise, on assume parfaitement le programme surprenant de cette escapade berlinoise. « La Fabrique de la citéa vocation à s’intéresser à toutes les formes de villes », affirme Pierre Coppey, directeur général du groupe et président du think tank. « Après tout, si les citadins veulent construire la ville de cette manière, cela nous intéresse », ajoute Christian Caye, délégué au développement durable de l’entreprise.

 

Outre le jardin de Prinzessinnengarten, les participants ont pu admirer le futur habitat participatif de Holzmarkt. Sur les rives de la Spree, un groupe de militants, opposés à la création d’un énième centre d’affaires baptisé Mediaspree, ont décidé de concevoir leur propre lieu. Ils prévoient d’établir sur ce terrain de 18 000 m² un théâtre, des logements partagés, des commerces, une crèche et un parc, le tout avec le soutien financier… du fonds de pension suisse Abendrot.

Pour passer d’un lieu berlinois à un autre, la Fabrique de la cité avait loué des vélos. Quoi de mieux, après tout, pour découvrir les lieux alternatifs qui inspireront peut-être à Vinci la ville de demain.

Olivier Razemon