Nouvelle
Tate Modern, de briques et de brut
L'extension
du musée londonien a ouvert ses portes vendredi.
La
première fois, les architectes avaient pris du vieux et
l'avaient remis à neuf. D'une centrale électrique en
brique rouge désaffectée, abandonnée sur un
terrain vague le long de la Tamise, les Suisses Herzog & de
Meuron avaient créé un extraordinaire musée pour
un saut dans un nouveau siècle. C'était en 2000, la
Tate Modern était inaugurée en grande pompe par la
reine Elizabeth II et son immense entrée bétonnée,
le Turbine Hall, laissait sans voix.
Interstices. Cette fois-ci,
les architectes, les mêmes, ont pris du neuf et ont créé
du... neuf qui ressemble à du vieux qui aurait été
remis à neuf. L'extension de la Tate Modern, qui a ouvert au
public le 17 juin, a été construite de toutes pièces,
le long du bâtiment existant. Mais les matériaux
utilisés, 336 000 briques rouges, du béton, du bois
brut, se sont naturellement fondus dans le bâtiment initial. La
Tate Modern et son extension ne font déjà plus qu'un.
La pose des briques les unes sur les autres a été
décalée, de manière à créer des
interstices qui laissent entrer la lumière pendant la journée
et rayonnent la nuit. Un accent particulier a été placé
sur la préservation de l'environnement, avec la création
d'espaces verts, l'installation de panneaux solaires et l'utilisation
d'une ventilation naturelle.
L'extension s'appelle la Switch
House. Pyramide décomposée tournant sur elle-même
de 64,5 mètres de haut, elle est une merveille de clarté,
de plafonds démesurément hauts, d'espaces infinis. Au
risque de parfois noyer les œuvres exposées. Avec 21 000
m2 répartis sur dix niveaux, la Switch House rajoute 60 %
d'espace d'exposition au musée. Lors de sa conception
initiale, la Tate Modern avait été construite avec
l'objectif d'accueillir 2 millions de visiteurs par an. En 2015, ce
sont 5 millions d'amateurs d'art moderne qui y ont baguenaudé.
Le succès ne s'est jamais démenti.
Terrasse. Si l'on
entre par le Turbine Hall, le premier niveau souterrain de
l'extension, The Tanks, se trouve sur la droite. Ici, la lumière
naturelle est absente, le béton brut et apparent. C'est là
que se concentreront les espaces destinés à l'art en
mouvement, aux performances et films. Un splendide escalier en
colimaçon grimpe vers les étages, son béton
semble blanchir à mesure que la lumière naturelle
inonde ses marches. Le niveau 4 est crucial. C'est là qu'un
pont relie la nouvelle Tate Modern à l'ancienne. Au milieu du
pont, comme un sage bienveillant, trône le magnifique arbre de
bois conçu en 2000 par l'artiste chinois Ai Weiwei. Au même
étage, une salle est consacrée aux œuvres de
Louise Bourgeois. Elle fut la première artiste exposée
en permanence lors de l'ouverture de la Tate Modern en 2000. Le 10e
étage coupe le souffle. Doté d'une terrasse qui court
sur tout le bâtiment, il offre une vue panoramique à 360
degrés sur Londres. Le Shard, autre bâtiment
emblématique de la capitale, semble nous narguer tant il
paraît proche.
Et l'art, dans tout ça ? L'art est...
divers. Une multitude d'œuvres, environ 800, signées par
plus de 300 artistes venus de 50 pays sont à la disposition
des conservateurs. Toutes les œuvres seront raccrochées,
mélangées entre l'ancienne Tate Modern et sa nouvelle
extension et offertes aux visiteurs, toujours gratuitement, sauf pour
les expositions temporaires. Reste à voir si la qualité
sera à la hauteur de la quantité
(Libération du 20/06/16)