Illusions d’optique: mais pourquoi votre cerveau se fait-il avoir?
28.10.2016
CREDIT: LEONARDHOESPAMS / INSTAGRAM
Rarement sûr de ce qu'il voit, il ne fait que interpréter des signes. Et parfois, il hésite ou se trompe.
Vous l'avez peut-être vu passer sur internet. Car encore plus depuis le succès de la robe, les sites d'information portent une attention toute particulière aux illusions d’optique. Lundi surgissait donc sur Instagram une photo de deux jambes particulièrement luisantes, comme si elles étaient recouvertes d’huile ou faites en plastique. La photo publiée par l’utilisateur Hunter Culverhouse a rapidement accumulé des milliers de likes avant d’être partagée sur les réseaux sociaux.
Sauf que, regardez bien la photo, ces jambes ne sont ni imbibées d’huile, ni en plastique, ni recouverte de cellophane. Il s’agit tout simplement de tâches de peinture blanche. Et une fois qu'on l'a remarqué, impossible de revenir en arrière.
«J’ai juste… envie… de voir les jambes brillantes de nouveau. Pas les jambes peintes. *sanglot*».
Selon l’auteur de la photo, l’illusion d’optique était pourtant accidentelle.
«J’étais en train de finir mes devoirs d’arts plastiques et il me restait un peu de peinture blanche sur mon pinceau. J’ai décidé de dessiner des lignes au hasard. Je n’avais pas l’intention de les rendre brillantes», dit-elle à Buzzfeed.
Alors pourquoi notre cerveau nous piège-t-il de la sorte? Pour percevoir une image, nous devons l’interpréter. Mais parfois son contenu contient une ambigüité. Et c’est là que notre perception peut nous induire en erreur, explique Mark Wexler, chercheur au laboratoire psychologie de la perception à Paris. En regardant une photo, «on ne peut pas connaître directement les propriétés de la surface [des jambes]. On ne peut que les déduire», dit-il.
«Tout ce que l'on perçoit est une illusion»
Si notre cerveau est capable, en regardant la même image, de voir tour à tour des jambes luisantes et de la peinture blanche c’est parce que, pour chaque interprétation, notre cerveau va faire des déductions avec ce qu'il connaît. Ainsi, à première vue, ces blancheurs peuvent très bien être le reflet de la lumière sur une surface huileuse. Mais dès fait la déduction qu’il s’agit de la peinture blanche, notre perception s'adapte.
«D'un certain point de vue, tout ce que l’on perçoit est une illusion», ajoute Wexler.
Notre vision remonte l’information mais finalement c’est le cerveau qui décide quoi en faire. En septembre, une grille grise et un point noir qui se baladaient en suivant notre regard nous ont donné une migraine (âmes sensibles devant l’écran depuis plusieurs heures s’abstenir).
Dans cette illusion d’optique, la même logique se met en marche. Notre cerveau essaye d’interpréter ce qu’il ne connaît pas et le résultat est imparfait. En réalité, sur cette image il y a 12 points noirs statiques mais nous ne pouvons pas tous les voir en même temps car nos yeux ne peuvent que fixer une direction à la fois. Pour compenser, notre vision périphérique remplit cet espace flou sur lequel elle ne peut pas se concentrer avec les carreaux gris adjacents.
«Avec ce motif régulier de lignes grises sur fond blanc, le cerveau devine qu’il y aura encore plus du même motif et se passe des points noirs», explique The Verge.
Concurrence d'interprétation
Les illusions d’optique nous font donc osciller entre deux interprétations. Pour en revenir à nos jambes, Mark Wexler explique qu'avec un petit effort, il est possible de les revoir luisantes.
«Il y a une concurrence. L'interprétation perdante va attaquer l’autre», affirme le chercheur.
Un processus que les spécialistes appellent «l’inhibition» et que l'on retrouve aussi en jeu dans cette autre photo virale pour laquelle les internautes devaient déterminer s'il s'agissait de Tom Hanks ou Bill Murray. Chaque détail du visage amène tour à tour à une interprétation différente.
Les mécanismes qui nous font changer d’une interprétation à l’autre restent un mystère à déchiffrer pour les neurologues. Car si pour nous les illusions d’optique sont de simples tours de magie, pour ces spécialistes de la matière grise, elles sont un point d’entrée dans notre univers cognitif.
Ainsi, chaque année, les trois meilleures illusions d’optique sont récompensées par la Neural Correlate Society. Cette année, le prix est revenu à des chercheurs américains qui ont mis en place des points qui sont statiques mais qui créent l’illusion de mouvement grâce à des lignes en blanc et noir à l’intérieur des points qui bougent.
Dans une étude de 2014, le chercheur Claus-Christian Carbon y voit un symbole de la brillance de notre système cognitif.
«Nous pouvons aussi interpréter ces perceptions illusoires comme un signe de notre capacité sensorielle incroyable, complexe et efficace à transformer des données sensorielles en une compréhension et une interprétation rapide d’une situation de façon à générer des actions adéquates au bon moment.»
Peut-être verrez-vous désormais ces illusions d'optiques virales d'un autre œil.
Collé à partir de <http://www.slate.fr/story/127139/pourquoi-cerveau-piege-illusions-optique>