les inrockuptibles 24.05.2017
« ma colère est une colère de vaincu »
Itw de Virginie Despentes par Nelly Kaprièlian
C'est le roman le plus attendu de l'année. Avec Vernon Subutex 3, Virginie Despentes clôt sa trilogie entamée en 2015 et plonge ses personnagesdans l'actu récente, des attentats du 13 novembre à Nuit debout. Hautement politique, virtuose,violent mais aussi drôle, il risque de surprendre les lecteurs avec une fin inattendue. De la dynamite.
Si Virginie Despentes a débarqué en littérature avec un roman coup de poing, Baise-moi en 1994, elle a su recréer le même choc, mais d'une amplitude encore plus vaste avec le premier volume de sa trilogie Vernon Subutex, en 2015. L'énergie et la force intactes, exacerbées par l'expérience qu'elle a acquise en vingt ans d'écriture, auront abouti à l'une des œuvres les plus excitantes de notre époque : une traversée virtuose, drôle, juste, dans toutes les classes sociales et idéologies françaises, via son personnage de disquaire à la dérive, Vernon Subutex, passant de SDF à leader charismatique d'un groupe (les autres personnages le rejoignaient pour se rassembler autour de lui dans le volume 2) en forme de communauté alternative et festive. On les retrouve dans le volume 3, mais liberté sera rattrapée par le monde : l'argent s'y insinue et gâche certains liens, la menace rôde, le producteur assassin cherche toujours à se venger, la violence les encercle. Difficile d'en parler sans en dévoiler la fin sauf que ça gâcherait tout - disons juste que ce dernier volume est encore plus explosif que les précédents. Et toujours aussi passionnant sur la France d'aujourd’hui, des attentats du 13 novembre à Nuit debout, revisités par le regard acéré de l'écrivaine. Mais là où Despentes prend encore plus de hauteur, c'est en glissant du côté de la SF et du mysticisme, évoquant un futur qui encore plus cruel, mais ouvrant aussi des possibilités de résistance. Rencontre à deux pas des Buttes-Chaumont, chez celle qui a su inventer une langue à elle mais qui parle à tout le monde - une littérature aussi généreuse qu'universelle.
Ça a été difficile d'écrire ce dernier volume?
Virginie Despentes — Ce qui m'a surprise, un peu comme avec les volumes 1 et 2, c'est qu'assez vite j'avais énormément de pages. Je connaissais la fin dès le début, mais les événements du 13 novembre m'ont bloquée pendant un long moment. J'ai voulu changer l'histoire, alors je suis partie vers d'autres pistes et j'ai perdu du temps, pour rien. C'est fou comme tout a changé en deux ans, entre le 7 janvier 2015, date de la sortie de VS 1, et aujourd'hui. Faire rentrer tous ces changements dans te texte, c'est ce qui a été le plus complexe et perturbant.
Qu'est-ce qui a à ce point changé en deux ans?
Ça a été une révolution, en fait : en France, le terrorisme a débloqué des paroles, qui étaient déjà prêtes à éclore, mais avec une violence qu'on n'imaginait pas. Et puis la crise de 2008 s'est amplifiée, a précipité des instabilités dans tous les pays d'Europe, a démonté la Grèce, la crise des émigrés a été fondamentale, il y a eu tous ces morts, on a vu apparaître des camps et on s'est habitués à tout ça. S'habituer, c'est le pire, ça prépare à plus grave, le fait de les envoyer en Turquie, c'était impensable il y a encore peu. Et les élections récemment, c'était une catastrophe de plus. Ça nous a tous gênés d'aller voter Macron, d'aller voter par trouille pour la troisième ou quatrième fois consécutive, c'était au-delà du déprimant. Hollande a été très décevant, et beaucoup d'entre nous avaient voté pour lui pour contrer Sarkozy, mais on se disait qu'un peu de PS ne ferait pas de mal après tant d'années à droite... Là, quand on a vu au premier tour toutes les régions où Marine Le Pen est arrivée première, c'était consternant. Le bras tendu ou le poing levé, ce n'est quand même pas la même chose... Ce n'est pas rien de voir un pays voter pour sa propre démolition.
D'après toi, les gens votent FN par détresse ou par ignorance de ce qu'est vraiment ce parti ?
Je ne crois pas trop à l'ignorance dans ce pays. Je ne crois pas que le vote FN soit un vote contestataire, c'est un vote raciste, un vote pro-répression policière, un vote pro-torture, un vote de gens qui croient qu'il suffit de taper fort pour que tout rentre dans l'ordre. Un vote d'enfant qui croit qu'il faut que papa soit autoritaire et qu'alors tout va bien se passer. Il me semble que les électeurs FN imaginent que ça ne va s'appliquer qu'aux délinquants ou aux Arabes, et comme on leur explique que le problème en France, c'est pas la pauvreté et la confiscation des richesses, mais les Arabes, ils se disent que çà ira mieux. Je crois qu'ils se trompent : ça va s'appliquer aussi à eux, leurs enfants, leurs proches. Ils ne gagneront pas mieux leur vie, les loyers ne seront pas moins chers, mais en plus ils auront la trouille chaque fois que leur gamin ne rentre pas à l'heure, parce qu'ils ne sauront pas s'il a été arrêté ou pas à l'école. Un Etat autoritaire n'est pas un Etat de justice, c'est un Etat dans lequel l'élite n'a plus à s'emmerder quand elle veut faire ce qu'elle veut. C'est un Etat dans lequel tu n'oses pas aller à la police pour demander pourquoi ton gamin est torturé. Parce que tu sais que la police t'enverra chier. C'est un Etat où tu as peur, c'est tout. Si les honnêtes gens étaient mieux traités dans les dictatures, ça se saurait, depuis le temps qu'il y a des dictatures... Mais la montée du FN est tellement bien orchestrée depuis dix ans par les médias en France qu'on n'a pas non plus été très surpris. Ce qui était décevant, c'est qu'Hamon et Mélenchon ne puissent pas se mettre d'accord pour y aller ensemble. Ça s'est passé exactement comme en Espagne. On devrait regarder ce qui se passe ailleurs, pour essayer de ne pas trébucher aux mêmes endroits.
Pourquoi, dès Vernon Subutex 2, as-tu eu envie que La plupart de tes personnages se rassemblent en une communauté, qui échapperait à toutes les idéologies et se ferait la sienne? Avec Vernon en figure de gourou...
Dans le premier volume, je commence par enfermer les personnages, comme je l'avais fait dans Apocalypse bébé, soit dans leur tête, soit chez eux. Ils ont des conjoints ou des enfants, mais avec lesquels ils ne parlent pas. Dans le 2, je voulais les faire sortir de chez eux, et de leur enfermement. Ils vont construire des choses futiles ensemble, ils ne préparent pas la révolution, mais ils sont bien ensemble. Ça correspond à un manque chez moi : à mon âge, il me manque vraiment une aventure de groupe un peu exaltante... J'ai la nostalgie des aventures de groupe.
Tu crois à des modes de vie alternatifs?
Notre-Dame-des-Landes, j'avais très envie d'y aller, pour voir. Mais quand tu es plus vieux, tu arrives avec tes a priori, tes connaissances aussi, et c'est plus difficile de se couler dans le groupe... Et aussi quand tu écris, tu restes chez toi et tu es jalouse de ton temps. Notre-Dame-des-Landes, c'est vraiment une expérience autonome, c'est une forme de résistance mise en pratique, c'est par là que les choses intéressantes arriveront, par des expériences. Les discours radicaux n'ont pas beaucoup de poids si ta pratique n'est pas dissidente, si tu n'inventes pas une façon de vivre qui t'enthousiasme. La résistance, ça passe par un mode de vie différent. Si tu es seulement opposé à ce qui se passe, mais que tu ne changes pas ta vie, ça se casse la gueule. C'est ce qui m'a enthousiasmée quand je suis devenue lesbienne : un nouveau mode de relation à mon identité, une expérience quotidienne différente, qui me convenait mieux. Quand j'étais plus jeune, dans les mouvements musicaux dont je faisais partie, c'était l'élaboration nouvelle de nos vies qui nous intéressait, plus que la politique. On pouvait lire des auteurs que personne ne lisait, surtout ceux qui vendaient 300 livres, moins t'étais connu et mieux c'était. Aujourd'hui, le manque de succès n'intéresse plus personne, sauf peut-être des snobs. Mais même les snobs, de nos jours, tout ce qu'ils veulent, c'est être sur un yacht avec une star de la téléréalité (rires).
Devenir lesbienne, ça t'a donné l'impression d'appartenir à une communauté?
Ça change quand même vachement ta perception de toi-même et des autres. J'ai eu la chance de rencontrer cette communauté au moment où elle pouvait devenir visible. C'est le plus important : faire l'expérience d'une nouvelle chose, qui te va mieux. C'est ce que j'ai fait à 20 ans dans la musique : même si en apparence ça n'est pas important d'organiser un concert, c'était nos vies. Aujourd'hui, je ne manque pas de grand-chose, sauf d'une expérience collective enthousiasmante. En musique, en presse, en cinéma, ou sur le net, je ne vois pas grand-chose qui soit alternatif, un mouvement auquel j'aimerais participer. Or un mouvement, dans une vie, c'est aussi important que l'amour. Aujourd'hui, l'individualisme est trop fort, et quoi qu'on fasse, la propagande nous traverse tous : on s'est mis à vivre chacun pour soi, et la seule possibilité de groupe, désormais, c'est la famille. Tu parles d'un truc excitant...
Tu as inclus Nuit debout dans ton roman...
Nuit debout, j'y suis passée plusieurs fois. En discutant avec les autres, place de la République, j'ai réalisé à quel point il y avait plusieurs positions et combien on a tous durci les siennes. Aujourd'hui, on refuse de discuter avec les gens, on ne veut débattre qu'avec des gens avec qui on est d'accord sur tout, on veut bien débattre de détails, de petits éléments de langage... Je trouve que Paris est une ville difficile pour les expériences de groupe, on voit quelques amis et c'est tout - jamais je ne passerais chez quelqu'un à l'improviste, juste pour discuter. Je n'ai pas de café où je passe pour voir qui est là à l'heure de l'apéro... De ce point de vue, Nuit debout était cool - il y avait toujours quelqu'un dans le coin que tu connais, que tu n'avais pas prévu de voir. J'aime bien glander, et à Paris ce n'est pas une activité répandue... Voilà, au moins là-bas tu pouvais glander autant que tu voulais, et ce n'était pas du temps perdu.
Dans ton roman, les personnages organisent des "convergences". Qu'est-ce que c'est exactement ?
Une fois tous les deux mois, le groupe s'ouvre et des gens invités viennent passer des nuits blanches. La musique joue un rôle crucial dans le volume 3. Lors de ces nuits ensemble, elle leur permet de se
libérer, de danser. C'est comme une drogue sans drogue... Il faut quand même savoir que j'ai ce côté mystique. Ce n'est pas très public (rires), mais je suis très portée sur les trucs mystiques à la con, ou pas à la con pour moi. Ça me paraît possible qu'on fasse une découverte sur le son à peu près aussi importante que l'électricité ou le nucléaire ; qu'on découvre que les sons peuvent changer notre état d'esprit ou notre perception de la réalité. On ne sait pas grand-chose finalement du fonctionnement du cerveau, et à quel point on peut le changer. On est encore à travailler avec des outils, avec le "ça" et "le subconscient"... Ok, c'estcool, mais on voit bien que ça ne suffit pas, qu'on ne comprend rien à comment ça se passe, réellement. Je suis convaincue qu'il y a d'autres façons de comprendre les choses. Dans le livre, j'imagine qu'Alex Bleach a trouvé, avant de mourir, une manière d'agencer différemment les sons qui mettrait les gens en transe, et Subutex a le don de se connecter au groupe pour savoir quels sons peuvent les mettre en transe. Je désigne par "mystique" tout ce qu'on ne comprend pas encore. Et dans des circonstances plus tranquilles, la pensée peut modeler, peut provoquer des choses, et la musique te donne accès à des pensées irrationnelles. Dans le volume 3, on sent encore plus que je suis très ouverte à des choses inexpliquées. Pas aux petits hommes verts, il y a quand même des limites...
La fin, qu'on ne peut pas révéler, est aussi mystique que politique...
Ça doit à peu près se construire comme ça, une religion, si tu la vis en vrai, en direct. Ma théorie de base, c'est que si tu as connu Jésus, ça te fait rigoler deux mille ans après de voir ce que c'est devenu.
Il y a beaucoup de rock. Le salut de l'humanité passe par la musique, le vinyle devient même un objet sacré, et dangereux pour les autorités du futur. Il y a une nostalgie du rock chez toi ?
Une part de nostalgie, oui, mais d'autre part, la musique reste le truc le plus magique dans ma vie quotidienne. Tu te fous de ne pas comprendre les paroles d'une chanson, tu peux tomber d'accord avec un Japonais ou un Africain sur un morceau. De très jeunes gens peuvent écouter des trucs qu'on écoutait, et on se retrouve là-dessus avec eux. La littérature, c'est différent : pour lire, il faut un minimum d'instruction, alors que la musique, sans démagogie, si t'es musicien tu peux faire de la musique avec tout le monde. Depuis quelques années, je suis parfois accompagnée lors de lectures par un groupe de Lyon, et c'est magique, ça peut lier les gens, même s'ils ne sont pas d'accord entre eux. Cette idée de communion hors religion me plaît beaucoup. L'année dernière, je suis allée voir Beyoncé et j'ai aimé cette foule, des gamines qui ne me ressemblent pas, et pourtant je me suis sentie bien, c'était comme un élan de joie. Il n'y a pas la colère de la foule, comme dans certains matchs de foot. Je trouve ça joli, c'est une des rares choses que j'aime bien dans le monde contemporain.
Le groupe de Vernon, on a toujours l'impression qu'il dérange. Une menace pèse sur eux. Ils représentent un truc insupportable pour la société.
Déjà, ils menacent de révéler la vérité pour le personnage du producteur, et ils se rendent coupables en s'attaquant directement à lui, au riche, sans passer par la cour de justice. La justice est un espace de riches. Ça coûte une fortune de passer par cette institution. J'ai pensé au Comité invisible, accusé d'avoir endommagé des voies ferrées. C'était quand même sept gamins qui jouaient à la pétanque dans un village, si tu lis le livre de David Dufresne - tu vois que dès que les gens se mettent à vivre différemment, ils représentent une menace. Le système, personne n'y échappe, nous non plus. Si tu penses au Chiapas, juste des gens qui sont allés vivre dans la jungle, ça a été un vrai problème pour l'Etat mexicain. La menace, c'est ça : des gens qui commencent à inventer d'autres façons de vivre ensemble, qui ne font même pas la guerre au vieux système, qui lui substituent autre chose.
A la fin, l'histoire du groupe de Vernon Subutex devient une série télé... C'est ironique?La trilogie est en cours d'adaptation pour Canal+...
J'ai un rapport tellement apaisé avec les gensdu cinéma (rires). Je n'ai pas travaillé sur l'adaptation de la série, je n'avais pas le temps avec l'écriture du tome 3. Et je pense que c'est très bien comme ça, que c'est difficile pour l'auteur d'un roman d'essayer de le faire entrer dans le format de la télé française. Ils le retravaillent pour rendre la structure "plus policière", faire monter d'autres personnages... C'est intéressant à voir de loin, mais tu as tellement plus de liberté comme romancière que comme scénariste... J'espère juste que Vernon sera sexy. Je l'imagine très sexy, quand je pense à ce personnage.
On te sent encore plus en colère dans ce livre que dans les deux précédents. Et puis tu montres à plusieurs reprises comment, quand une personne ou un peuple se prend des coups, il finit par ne plus réagir...
C'est clair que je suis plus en colère. La crise de 2008, on commence seulement à comprendre qu'elle est sous-tendue par une théorie. Dans La Stratégie du choc, Naomi Klein écrit sur les théories de Chicago : si un groupe est choqué par une tempête, ou un attentat, et si tu provoques un deuxième choc, les gens feront ce que tu veux, un gouvernement pourra faire passer toutes les lois qu'il veut, ils ne réagiront pas. Je pense que c'est concerté; les plus riches ont décidé de nous faire une guerre, ce que dit aussi la sociologue Monique Pinçon-Charlot. Je suis furieuse de ne pas l'avoir compris à ce point-là, et furieuse car ça provoque la montée des populismes en Hongrie, en Pologne,' en France. Je fréquente des riches à Paris, et leur indifférence est totale. Si tu leur dis qu'en Espagne, à 60 ans, on peut être obligé de travailler pour 2,40 euros de l'heure, ils s'en foutent. Tu te rends compte qu'ils sont déjà prêts pour ce monde-là. Dans leur tête, c'est réglé : pour les pauvres, ça va être très dur, et ils s'en tamponnent. Donald Trump, c'est pareil. Il est soi-disant climato-sceptique. Je ne suis pas sûre qu'il le soit. Il sait que les industries qu'il encourage à s'enrichir démolissent la planète. Mais je crois qu'il se dit - ça fera dix ou vingt millions de morts, et ce n'est pas grave. Il se dit -On vivra entre riches dans des minibulles-bunkers. Tant pis pour les crevards." J'ai eu longtemps l'impression que les riches ne se rendaient pas bien compte, mais là je pense que c'est pire que ça : c'est concerté, c'est ce qu'ils veulent, que les gens s'enfoncent dans une misère noire. Ils ne voient pas le travailleur comme un être humain mais comme un problème à gérer. Mais ma colère est une colère de vaincu. Dans les années 1980, quand il aurait fallu durcir le propos, quand existaient encore des structures de résistance, on aurait dû lutter beaucoup plus, mais on n'a pas compris, à l'époque, que leur idée, c'était d'en finir avec nous. Ces gens sont au-delà du cynisme. Quand j'ai écrit Baise-moi, c'était une colère plus directe, mais maintenant j'ai une vie extrêmement confortable, alors c'est une colère plus articulée. Aujourd'hui, la classe moyenne et même la classe ultraprécaire sont éduquées. Je crois qu'un mouvement de protestation peut naît du jour au lendemain. Je crois qu'on peut les surprendre. Parce qu'ils sont beaucoup moins malins que ce qu'ils imaginent. Et qu'on est beaucoup moins cons qu'ils le croient.
Hélas, Nuit debout n'a pas changé grand-chose.
Mais c'est important que ça ait existé. Ce qui a été intéressant, c'est le traitement médiatique de cet événement : il y a eu très peu de vrais reportages, les articles axaient sur les casseurs. Alors qu'au moment du mariage pour tous, la télé accueillait les cathos réacs, ils ont beaucoup moins reçus les organisateurs de Nuit debout. Il n'y a jamais de grévistes à la télé, jamais de représentants des classes laborieuses, à moins que ce soit un militant FN, on n'invite jamais un syndicaliste à parler de ses luttes. Et quand ils sont obligés de parler avec Philippe Poutou, ils le traitent mal : ils ne savent pas comment faire avec un travailleur.
Comment écris-tu ?
De plus en plus en me relisant le plus possible. L'écriture en elle-même, quand ça vient, j'écristrès vite, très facilement et longtemps. Quoique avec internet, c'est difficile de ne pas s'arrêter toutes les heures pour y faire un tour. J'écris un premier jet où je ne me pose que la question du déroulé de l'histoire. Après, je relis et je fais des coupes, parfois très grandes, pour créer le mouvement, puis une autre lecture où je retravaille les phrases, je coupe encore, car j'ai tendance à me répéter. C'est comme au cinéma, tu tournes et après tu fais le montage. J'accumule d'abord du texte, sans jugement sur ce que je fais, en ayant confiance, car après je sais qu'il y aura le temps du montage. Au cinéma, j'adore le montage, car tu élimines, tu penses au point précis où commencer le plan, tu fais attention à ce qu'il n'y ait pas une longue suite de beaux plans parce que ça les tue - j'ai appris beaucoup de choses avec la dernière monteuse avec qui j'ai travaillé, ça a fait évoluer mon écriture, ensuite. En écriture, je fais pareil, je ne veux pas un enchaînement de belles phrases, de scènes fortes Si tu veux qu'un paragraphe soit fort, ou qu'une formule claque, il faut te résoudre à faire profil bas avant et après.