ELAN – Le Sénat vote la criminalisation des occupants sans titre, squatters…

 

 Federation DAL  25 juillet 2018 

 

L’article 58 ter criminalise et met à la merci d’une expulsion sans jugement des dizaines de milliers d’habitants, et leur supprime la trêve hivernale

 

L’article 58 ter issu de la commission des affaires économique a été adopté cette nuit en séance. Le gouvernement n’a opposé qu’une molle résistance, malgré l’opposition ferme de M. GAY député PCF et de son groupe et du groupe socialiste. Il crée une sanction pénale, 1 an de prison et 15 000 euros d’amende et l’expulsion administrative à l’encontre des personnes qui se sont introduites à l’aide de … voie de fait dans un local à usage d’habitation. Un amendement supprimant la trêve hivernale aux occupants sans titre a été également adopté.

La France compte désormais 3 millions de logements vacants selon l’INSEE, un record absolu, et traverse une grave crise du logement qui se traduit par une hausse constante du nombre de sans abris, d’expulsions locatives sans relogement, ou du nombre de personnes en surpeuplement. La loi de réquisition reste inappliquée.

L’état de nécessité à été reconnu par les tribunaux, s’agissant de personnes occupant un logements vacant afin de protéger leur famille, en attendant d’accéder à un logement social.

La réquisition de logements vacants est un moyen d’action des mouvements sociaux du logement depuis plus d’un siècle. De nombreuses personnalités morales de premier rang, dont l’Abbé Pierre ont soutenu les occupations de biens vacants propriétés de sociétés financières ou de spéculateurs immobiliers, ce qui a permis de loger des milliers de familles sans logis, ou exposées à des risques majeurs, en attendant l’obtention d’un logement social.

De plus, loin de viser exclusivement les “squatters”, cet amendement menace d’autres personnes, qui pourront être accusées d’être entrées dans les lieux par “voie de fait”, c’est à dire, en l’absence de l’autorisation du propriétaire. En effet, dès lors que l’occupant ne pourra démontrer que le propriétaire avait donné son accord, l’occupant sera jugé délinquant. Sont visées :

1.             Les squatters par nécessité, par exemple les familles et personnes sans abris, qui s’installent dans des locaux d’habitation vacants, comme par exemple :
            – les familles réfugiées de la cité de l’air à Athis Mons,
            – les sans abris qui occupent une maison de retraite municipale à Rouen    
            – ou ceux qui occupent avec le DAL un bâtiment hospitalier dans le centre de Toulouse….

2.             Les squatters artistiques ou alternatifs  qui recherchent des locaux pour créer des œuvres ou des alternatives, dans de nombreux lieux en France.

3.             Les habitants victimes d’une escroquerie au faux bail, et qui de bonne foi et après avoir payé la caution et le 1er mois de loyer à un escroc se retrouvent face au vrai propriétaire

4.             Les habitants restés dans le logement après le départ du locataire en titre

5.             Les locataires exploités par des marchands de sommeil ou des bailleurs indélicats, qui font disparaître toute trace de la location  afin de mieux imposer le silence à leur victimes ou dissimuler des ressources non déclarée …

6.             Les personnes hébergées (qui peuvent être des proches) en conflit avec le propriétaire ou l’occupant en titre

7.             Des personnes qui louent une chambre contre services, sans contrat

 Ainsi il suffirait à des bailleurs sans scrupule de porter plainte contre un occupant indésirable, dans une des situations ci-dessus, en prétendant qu’ils sont dans les lieux par voie de fait, ouvrant la voie à des poursuites pénales et à une expulsion quasi immédiate et sans jugement.

Cette disposition hautement répressive, est justifiée par la droite et l’extrême droite par quelques affaires assez confuses puis montées en épingle. L’inertie de l’Etat pour activer l’article 38 de la loi DALO qui autorise l’expulsion administrative en quelques jours dans les cas d’occupation du domicile d’autrui, va en réalité toucher des milliers d’innocents, qu’ils soient occupants par nécessité  sans titre, et qui ne peuvent prouver leur bonne foi.

Il y a un risque majeur que l’article soit définitivement et très rapidement adopté, avec une mise en œuvre dès la rentrée.

Le gouvernement, Mézard et Denormandie recherchent prioritairement un accord avec le Sénat, de telle sorte à éviter une nouvelle navette à la rentrée. D’ailleurs, la présidente de la commission des affaires économiques, en charge du texte, a annoncé mardi matin en séance “il n’y aura pas de navette”. De nombreuses petites remarques et postures laissent entendre que l’affaire est quasiment déjà dans le sac.

N’oublions pas que la pénalisation des squatters est un totem de la droite et de l’extrême droite qui tentent en vain depuis 30 ans de l’obtenir. Elle en fait une condition pour aboutir à un accord à la Commission Mixte Paritaire qui se tiendra en principe lundi et mardi prochain.

Une mise en œuvre très rapide :

Si la loi ELAN est adoptée, suite à la commission mixte paritaire annoncée pour le 30 et le 31 juillet, et sauf avis contraire du conseil constitutionnel, l’article 58 ter sera d’application immédiate. Il n’est besoin ni de décret, ni de circulaire, pour que les occupants sans titre au jour de la publication de la loi soient visés immédiatement par ce nouveaux dispositif très répressif.

L’application de cette loi pourrait donc arriver très vite, menaçant les occupants sans titre actuels : une plainte du propriétaire ou de l’occupant en titre pourra suffire à activer une enquête, des poursuites pénales et une expulsion sur décision du préfet “sans délai”, et sans jugement, renforçant une nouvelle fois le poids de la police au dépend de la justice, et frappant des milliers d’innocents. 

La rentrée risque donc d’être douloureuse pour les occupants sans titre en général et les squatters en particulier.

Si la CMP n’aboutit pas, il y aura une nouvelle navette (lecture à l’Assemblée et au Sénat), dans le courant de l’automne, qui laisse un peu de temps pour se mobiliser.

Dans tous les cas, le temps est compté, car nous pensons que le gouvernement ne défendra pas les occupants sans titre, ou sur une posture d’affichage.

Ce sont brièvement les raisons pour lesquelles nous appelons à une prise de conscience sur les risques actuels d’une application à très brève échéance que ne manqueront pas de réclamer à corps et à cris et de concert la droite et l’extrême droite parlementaires. 

                                              

 

 DAL mercredi 25 juillet 2018

 

Collé à partir de <https://www.droitaulogement.org/2018/07/elan-senat-squatters/>