Charlotte Perriand, un génie survolé par Arte

 

La chaîne franco-allemande salue l’architecte et designer française disparue il y a vingt ans à travers un documentaire et une web-série.

Par Renaud Machart 2019 10 13

 

 

L’architecte à Rio, en 1987. Le Brésil est, avec le Japon, son pays d’élection. ACHP/Presse

ARTE - DIMANCHE 13 OCTOBRE À 17 H 35 - DOCUMENTAIRE

 

 

On aura vu – et commenté dans ces colonnes – le numéro de la série « Une maison, un artiste » Charlotte Perriand, l’art d’habiter la montagne, réalisé par Thierry Trelluyer pour France 5, qui l’a diffusé cet été. Deux fois moins long, et consacré essentiellement à son chalet de Méribel, il paraît pourtant, par comparaison, aussi riche et détaillé, voire davantage, que le Charlotte Perriand, pionnière de l’art de vivre de Stéphane Ghez pour Arte.

Autant qu’on puisse en juger, ce documentaire ne dit pas de bêtises et ne fait pas d’impasses à propos de la vie et de l’œuvre de cette créatrice frondeuse. On parlera plutôt de généralités et de raccourcis alors que le propos revient laconiquement sur les sources de l’architecte et designer, à l’époque des Années folles de l’après-guerre, comme il est dit, mais que définit mieux, dans le cas de Charlotte Perriand et de l’esprit industriel et mécanisé de son travail, l’expression anglo-saxonne « années 1920 rugissantes ».

Ne pas paraître trop savant… et en pâtir

Les auteurs ont fait le choix de se priver du concours de témoignages d’historiens et de spécialistes de Perriand : on imagine qu’on n’aura pas voulu paraître trop savant et s’aliéner un hypothétique « grand public ». Seule exception, un court entretien avec Roger Godino (disparu le 18 septembre), créateur de la station de ski Les Arcs, qui raconte comment, grâce à l’aménagement ingénieux des petits appartements conçus par Perriand, ceux-ci s’étaient vendus « comme des petits pains. »

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On voudrait davantage de détails, de mises en perspective, d’approfondissements quant à ce qui fait la différence entre les approches de Le Corbusier et Perriand – qui se fâcheront en 1937 : elle est trop communiste au goût de celui qui témoignera de fortes sympathies pour les valeurs prônées par le régime nazi. On se réjouira en revanche que le travail photographique de Perriand, son goût pour l’art brut « musclé », ses relations avec certains artistes plasticiens soient évoqués. Ils pourraient être chacun l’objet d’un documentaire…

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Il ne faudra pas compter sur la web-série d’Emilie Valentin, disponible sur Arte.tv pour approfondir la connaissance intime des objets emblématiques de Charlotte Perriand : le bureau Boomerang (1938), le fauteuil pivotant (1927), la Maison au bord de l’eau (1934), etc. On pourra aussi s’interroger sur le fait d’être allée recueillir l’avis de Nora Hamzawi qui n’apporte pas réellement de lumière sur le sujet.

Le seul discours intéressant sur les créations mobilières de Perriand (trop souvent attribuées à Le Corbusier alors qu’elle en est la conceptrice princeps) est celui des… architectes. Quant à l’évocation du premier voyage de Charlotte Perriand au Japon – où elle dira s’être « tatamisée » –, il est le plus joliment croqué par la bande dessinée Charlotte Perriand, une architecte française au Japon (1940-1942), de Charles Berberian (coédition Chêne-Arte, 110 p., 19,90 €), qui paraît au moment de la diffusion de ce documentaire.

« Charlotte Perriand, pionnière de l’art de vivre », documentaire de Stéphane Ghez (France, 2019, 52 mn) ; « Design signé Perriand », web-série d’Emilie Valentin (France, 2019, 8 × 4 mn), disponible sur Arte.tv. Exposition « Le Monde nouveau de Charlotte Perriand », Fondation Louis-Vuitton, jusqu’au 24 février 2020.

 

Renaud Machart

 

Collé à partir de <https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/13/charlotte-perriand-un-genie-survole-par-arte_6015341_3246.html>