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Vaccins ARN: innovation virale

PAR LISE BARNÉOUD

ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 22 DÉCEMBRE 2020

Après le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis, la Commission européenne vient d’autoriser, lundi 21 décembre, la distribution d'un premier vaccin contre le Covid-19, celui de BioNTech/Pfizer. Il s’agit d’un vaccin d’un nouveau genre dont la technologie, inspirée des virus, consiste à faire travailler gratuitement nos cellules. Visite guidée de son fonctionnement. Sans éluder les inconnues qui subsistent.

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Mode d’action du virus dans nos cellules. © Infographie: Julien Tredan-Turini

Connaître son ennemi, quitte à lui emprunter ses ruses pour mieux le vaincre : telle pourrait être la devise des nouveaux vaccins dits à ARN messager, les premiers à obtenir des autorisations d’utilisation dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Aux États-Unis, deux d’entre eux sont déjà autorisés : le vaccin de BioNTech/Pfizer et celui de Moderna. En Europe, celui de BioNTech/Pfizer vient de recevoir, lundi 21 décembre, l’approbation de l’Agence européenne du médicament, puis celle de la Commission européenne. Quant au vaccin de Moderna, on annonce son autorisation d’ici début janvier. Ainsi, les campagnes de vaccination débuteront avec ces vaccins inédits. Et il y a fort à parier que leur mode de fonctionnement devienne la nouvelle coqueluche de la médecine. Autant de raisons pour vous embarquer dans les coulisses de ces piqûres pas comme les autres.

Mettons-nous un instant dans la peau d’un virus tel que celui du SARS-CoV-2. Pour lui, ce que le monde entier célèbre aujourd’hui comme une prouesse technologique n’est en réalité qu’une… primitive routine, une vilaine manie qui dure depuis l’aube de la vie, et qui consiste à entrer incognito à l’intérieur d’une cellule pour en détourner à son profit les précieuses usines à fabriquer des protéines, les ribosomes. Pour les virus, c’est une question de vie ou de mort, car sans ce « hacking cellulaire », ils sont incapables de fabriquer eux-mêmes leurs protéines, absolument essentielles pour survivre.

À bien y regarder, les parallèles sont étonnants entre ce nouveau virus et ces premiers vaccins. Le premier comme les seconds sont constitués d’ARN, l’acide ribonucléique. Cette molécule, que l’on retrouve également dans nos cellules, a longtemps été éclipsée par son frère, l’ADN, l’acide désoxyribonucléique. Et pour cause : la fameuse « partition du vivant », ultra-protégée dans le noyau des cellules, c’est l’ADN. À côté, l’ARN était imaginé comme un vulgaire petit copiste éphémère qui permettait de jouer les intermédiaires entre l’ADN et les protéines qui nous constituent. On réduisait son boulot à la traduction de l’ADN dans une langue accessible aux usines à protéines afin que ces dernières puissent fabriquer les divers composants dont nos cellules ont besoin.

«L’ARN a longtemps été le parent pauvre de la biologie », confirme Franck Martin, chercheur dans l’unité Architecture et réactivité de l’ARN de l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg. Pas seulement parce que l’ADN lui faisait de l’ombre, d’ailleurs. Aussi parce que l’ARN est particulièrement

Mode d’action des vaccins ARN. © Infographie: Julien Tredan-Turini

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délicat à manipuler. «Si on fait mal son boulot, en deux jours il n’y a plus aucun ARN dans nos tubes à essais», précise ce spécialiste de l’ARN des virus.

Ce désintérêt, les virus en ont également fait l’amère expérience, eux qui ont vécu dans l’ombre de leurs cousines, les bactéries, beaucoup plus faciles à démasquer grâce à leur plus grande taille. Encore aujourd’hui, bon nombre de scientifiques considèrent d’ailleurs les virus non pas comme des organismes vivants mais comme des « entités biologiques » issues du monde inerte. Une vision qui commence toutefois à être contestée par certains chercheurs.

Bref, on a méprisé les virus comme on a méprisé l’ARN. Et voilà qu’aujourd’hui, le monde est à l’arrêt à cause d’un virus à ARN ! Plus ironique encore : désormais, les plus sérieux adversaires du SARSCoV-2, les vaccins BioNTech/Pfizer et Moderna, consistent en une copie d’un bout d’ARN du virus emprisonné dans une enveloppe. Comme une sorte de pâle copie du virus lui-même.

Autant dire qu’il s’agit d’une sacrée victoire pour l’ARN. En réalité, pour les biologistes qui s’intéressent à cette molécule, « cela fait plus de 20 ans que l’on a compris que l’ARN joue un rôle central», dit Franck Martin. Un rôle tellement central qu’il pourrait même être à l’origine de la vie : «On pense que les ARN jouaient un rôle beaucoup plus important aux premières étapes de la vie sur Terre, avant l’apparition de l’ADN », indique Patrick Forterre, microbiologiste reconnu pour ses travaux sur les virus et leur évolution. Selon lui, l’ADN serait d’ailleurs une « invention » des premiers virus à ARN, qui auraient modifié au hasard certains éléments de cette molécule, lui ôtant un atome d’oxygène par-ci par-là et troquant l’une de ses quatre bases (l’uracile) par une autre (la thymine). Deux petites modifications qui rendent l’ADN beaucoup plus stable. C’est précisément pour cette raison que l’évolution l’a sélectionné comme support de l’information génétique.

Pour avoir un aperçu des incroyables prouesses de l’ARN, observons celui du SARS-CoV-2. Sa destinée commence lorsque le virus parvient à se fixer, grâce à ses crochets appelés Spike, à la surface de nos cellules

(lire aussi Covid-19 : et si la cible du virus n’était pas les poumons ?). Le virus peut enfin vider son sac, libérant l’ARN à l’intérieur de la cellule. Son intrusion ne passe pas inaperçue : les cellules ont appris à se méfier des ARN en provenance de l’extérieur, synonymes de virus. Une armée d’enzymes s’est ainsi fait une spécialité de les découper en morceaux. Mais les virus ont trouvé toutes sortes de parades, en protégeant notamment leur ARN à l’intérieur d’un manchon de protéines, appelé nucléocapside.

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Non, ce n’est pas un bébé serpent dans son œuf mais une coupe du virus Sars-CoV-2. Son ARN (filament rouge) est protégé à

l’intérieur d’un manchon de protéines appelé nucléocapside. © DR

C’est là, à l’intérieur des cellules, que le génie de l’ARN va s’exprimer. « Ces molécules ont inventé toutes sortes de stratégies pour attirer vers elles les ribosomes, les usines qui traduisent l’ARN en protéines », poursuit Franck Martin. Dans le cas du SARS-CoV-2, l’extrémité de la molécule d’ARN virale est accessible aux ribosomes et permet de produire une première protéine. Son rôle est de former une sorte de bouchon qui va immédiatement bloquer le ribosome. Impossible dans ces conditions de poursuivre la traduction des ARN de la cellule en protéines. L’ingéniosité de la manœuvre, c’est que les ARN du virus peuvent quant à eux contourner ce bouchon, grâce à une petite structure « en épingle à cheveux », véritable clé moléculaire qui permet de déverrouiller le ribosome. « Un peu comme si un voleur mettait un cadenas sur votre vélo : vous ne pouvez plus l’utiliser, mais le voleur peut s’en servir car il a la clé », illustre Franck Martin, coauteur d’une récente publication sur cette astuce.

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Le piratage moléculaire peut donc commencer : au lieu de fabriquer les protéines de la cellule, les milliers de ribosomes se mettent à produire en masse les différents constituants du virus, qui sont ensuite assemblés pour donner naissance, en quelques heures, à des millions de nouvelles particules virales. Celles-ci s’échappent ensuite de la cellule à la recherche d’autres portes d’entrée. Une course contre la montre s’engage alors avec notre système de surveillance : s’il n’est pas assez rapide et efficace, ces particules virales déroulent leur œuvre funeste, détruisant en masse nos cellules.

L’objectif des vaccins, quels qu’ils soient, est d’imiter le pathogène afin d’éduquer notre système immunitaire pour lui permettre d’intercepter au plus tôt le vrai microbe, s’il se présente un jour. La complexité étant d’imiter au mieux ces pathogènes, sans pour autant entraîner ses dégâts habituels. Au temps de Pasteur, les premiers vaccins consistaient en des microbes très proches de ceux qui nous posaient problème. « La technique était très empirique : on isolait les microbes, on les inactivait ou les atténuait, puis on les réinjectait chez l’homme », raconte Jean-Daniel Lelièvre, directeur du service d’immunologie clinique et maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor.

Pour les inactiver ou les atténuer, plusieurs « tortures » sont disponibles, comme la chaleur, les rayonnements, les produits chimiques. On peut aussi faire passer ces microbes des centaines de fois sur des tranches de pomme de terre trempées dans la bile (c’est le cas d’un vaccin contre la tuberculose) ou à l’intérieur de cellules d’embryon de poulet (vaccin contre la rougeole). Le résultat est le même : les microbes subissent alors des mutations qui les fragilisent et leur font perdre leur virulence d’antan.

« À partir des années 1980, avec levirus de l’hépatite B, on a compris qu’il n’était pas nécessaire d’utiliser l’organisme infectieux en entier : certaines protéines présentes à sa surface suffisaient pour enclencher une réponse immunitaire », poursuit Jean-Daniel Lelièvre. C’est l’époque des vaccins dits protéiques : on injecte cette fois uniquement des bouts de microbes. Mais c’est fastidieux à produire. En outre, ces mini-bouts

de microbes finissent par être trop discrets pour notre organisme, qui fort heureusement ne s’inquiète pas de si peu (autrement, nous serions toujours en alerte). D’où la nécessité d’ajouter des adjuvants, notamment les fameux sels d’aluminium, pour attirer un peu plus l’attention de notre système de surveillance.

Rien de tout cela avec ces nouveaux vaccins à ARN. Pas besoin d’embryons de poulet ni d’aucun autre recours à l’animal. « Ce sont des vaccins véganes», souligne Steve Pascolo, chercheur à l’hôpital universitaire de Zurich, qui travaille depuis 20 ans sur les vaccins ARN. Pas besoin non plus d’aluminium ou autres adjuvants. Mieux : il n’est même plus nécessaire de s’échiner à fabriquer et purifier des protéines. Toute l’astuce consiste ici à laisser nos cellules faire le job.

Ces vaccins ne peuvent pas faire de nous des OGM

Comment ? En adressant aux cellules le plan de construction des protéines identifiées comme nécessaires à l’immunisation. En l’occurrence, pour les deux premiers vaccins ARN contre le Covid (BioNTech/Pfizer et Moderna), il s’agit uniquement de la protéine Spike, ce petit crochet qui permet au virus de s’agripper à nos cellules. Le plan de construction de cette protéine clé consiste en un « dossier » de quelques dizaines de microgrammes d’ARN, empaquetés dans des bulles de lipides.

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Mode d’action des vaccins ARN dans nos cellules. © Infographie: Julien Tredan-Turini

Mais encore fallait-il que ces « dossiers » parviennent jusqu’à nos cellules et qu’ils y soient lus… Première astuce : leur empaquetage. «Il fallait un paquet suffisamment solide pour ne pas être détruit avant

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d’arriver à bon port mais qui puisse tout de même s’ouvrir sans outil particulier une fois dans la cellule», raconte Steve Pascolo. C’est le rôle de ces bulles de lipides, de la même taille que le virus, une centaine de nanomètres seulement. Des nanoparticules de lipides biodégradables dont l’exacte composition n’est à ce jour pas communiquée. « C’est sûrement ici que les différences entre les vaccins à ARN messager se cachent, mais sur ce point, il y a vraiment peu de détails », regrette Derek Lowe, un chimiste américain qui a travaillé dans l’industrie pharmaceutique et tient aujourd’hui un blog sur les découvertes de médicaments publié par la revue Science.

Deuxième astuce mise au point par les scientifiques pour que nos cellules ouvrent leur colis sans déclencher une alerte intrusion : modifier légèrement la composition de l’ARN. « Nous avons sur ce point imité les virus qui ont déjà exploré toutes les possibilités pour échapper à la surveillance de nos cellules », commente Franck Martin. Dès 2005, Katalin Kariko (désormais vice-présidente de BioNTech) et Drew Weissman, alors chercheurs à l’université de Pennsylvanie, démontrent qu’en modifiant l’une des quatre bases de l’ARN (l’uridine), la cellule accepte sans trop s’affoler les colis ARN venus de l’extérieur. D’autres modifications pour optimiser la survie de ces ARN suivront.

Une fois le colis accepté par les cellules, encore faut-il qu’il reste suffisamment d’ARN pour atteindre les ribosomes. Une sacrée épreuve, car l’ARN est rapidement dégradé par les enzymes présentes dans la cellule. « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle personne ne croyait à cette approche jusque dans les années 2010 », retrace Steve Pascolo, cofondateur de CureVac en 2000 et chef scientifique de la compagnie jusqu’à 2006, qui s’est lui-même injecté un ARN messager codant pour… la luciférase, la même enzyme qu’utilisent les lucioles pour être bioluminescentes. « Je voulais vérifier que cet ARN serait pris en charge par mes cellules de la peau, et uniquement au niveau du site d’injection, pas audelà », précise le chercheur français.

Aujourd’hui, l’évanescence de l’ARN est présentée comme un gage de sécurité : contrairement à l’ADN, qui peut pénétrer à l’intérieur du noyau de nos cellules et s’intégrer durablement à notre propre génome, l’ARN ne survit que quelques instants dans la cellule, sans pouvoir franchir la barrière du noyau. Ces vaccins ne peuvent donc pas faire de nous des OGM, comme on l’entend parfois.

En réalité, il suffit de quelques brins d’ARN miraculés dans la cellule pour qu’ils attirent vers eux les ribosomes, qui vont alors lire le plan de construction et fabriquer la protéine Spike. Exactement comme ils l’auraient fait si le plan était porté par un virus. Sauf que cette fois, ces machines n’ont pas été cadenassées par le virus : elles continueront à lire l’ARN de la cellule, qui ne risque donc pas de s’éteindre.

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Virus et vaccins ARN : des modes d’action très similaires. © Infographie: Julien Tredan-Turini

La suite de l’histoire ? Les protéines Spike s’échappent ensuite de la cellule. Là, elles rencontrent inévitablement les cellules immunitaires qui patrouillent dans notre organisme. Et de ce contact naîtront au bout de quelques jours à peine les anticorps circulants qui permettront de bloquer à l’avenir le vrai microbe. C’est l’immunité dite humorale.

Mais ce n’est pas tout : quelques protéines Spike restent dans la cellule, où elles sont prises en charge par un mécanisme bien rodé qui consiste à étaler au niveau de l’enveloppe extérieure un échantillon de toutes les protéines produites à l’intérieur. Un peu comme une vitrine d’un magasin dont l’objectif est d’attirer le chaland en exposant un échantillon de ce qui se trouve en rayon. Ces vitrines, ce sont les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité

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(CMH). Une cellule humaine en contient environ 100 000 à sa surface, ce qui permet d’exposer un bon paquet de protéines.

Parmi les chalands attirés par ces milliers de petites vitrines se trouvent des cellules immunitaires appelées lymphocytes T ou cellules tueuses (lire aussi : Covid et immunité : des pistes négligées ?). Contrairement aux anticorps circulants, ces lymphocytes peuvent s’attaquer aux virus planqués à l’intérieur de nos cellules. L’équivalent de snipers qui vérifient qu’aucun ennemi ne se cache à l’intérieur des bâtiments. C’est ce qu’on appelle l’immunité cellulaire.

En activant ces deux formes d’immunité, l’immunité humorale et cellulaire, ces vaccins pourraient s’avérer in fine plus efficaces et plus durables que les vaccins qui ne déclenchent que la production d’anticorps circulant, comme les vaccins inactivés ou ceux qui ne contiennent que des bouts de protéines du virus.

Autre avantage des vaccins ARN : leur production est rapide et aisée. Elle requiert les éléments chimiques de base de l’ARN, les nucléotides, et des enzymes qui proviennent généralement de virus. Elle requiert également des lipides pour la fabrication des nanoparticules protectrices. Mais aucune culture cellulaire n’est nécessaire. « Les vaccins ARN sont bien plus simples à produire que les précédents vaccins », confirme Steve Pascolo, qui travaille quant à lui sur des vaccins ARN personnalisés contre le cancer. Il modifie ainsi constamment la séquence ARN qu’il insère dans ses vaccins pour les faire correspondre exactement aux tumeurs identifiées chez les patients. « C’est l’avantage de cette technique : on peut facilement la réorienter en utilisant une autre séquence ARN. » Imaginons que le SARS-CoV-2 se mette à modifier subtilement son crochet Spike, comme annoncé récemment au Royaume-Uni, on pourrait rapidement réagir et introduire la nouvelle séquence pour produire des vaccins adaptés. Un atout idéal pour lutter contre les maladies émergentes et les virus mutants.

Reste qu’il subsiste encore de nombreuses questions. À commencer par la durabilité de l’immunité conférée, l’efficacité chez les plus de 75 ans ou encore l’impact du vaccin chez les personnes ayant déjà eu le Covid. Difficile également de savoir si ces vaccins empêcheront la transmission du virus : les personnes vaccinées pourraient être protégées contre la maladie mais être tout de même porteuses du virus et le transmettre.

Autres inconnues : les effets secondaires rares ou à long terme. Pour l’heure, les essais cliniques sont plutôt rassurants sur les effets immédiats, même si ces vaccins entraînent des réactions telles que des maux de tête, une fatigue ou des courbatures importantes chez 5 à 10 % des vaccinés. Deux jours après le lancement de la vaccination avec le produit de BioNTech/ Pfizer, les Anglais ont également rapporté deux cas de réaction d’hypersensibilité immédiatement après l’injection, chez des soignants ayant des antécédents d’allergie. Ces personnes particulièrement sensibles étaient exclues des essais cliniques : ces vaccins sont contre-indiqués pour elles. Ces réactions, signalées dans plusieurs articles, pourraient être liées à la composition des nanoparticules de lipides plus qu’à leur contenu en ARN.

Parmi les effets indésirables graves observés durant les trois mois des essais cliniques de BioNTech/ Pfizer et de Moderna, on note des inflammations sévères mais transitoires des ganglions chez environ 0,3 % des vaccinés (les experts de la FDA – Food and Drug Administration – penchent pour un effet indésirable de la vaccination) et sept cas de paralysie temporaire du nerf facial (quatre chez BioNTech et trois chez Moderna, sur un total de 34 000 vaccinés), qui pourraient correspondre à la fréquence habituelle de cette affection, font savoir les experts. Impossible, en revanche, de capturer des effets secondaires d’une fréquence inférieure à 1 pour 10 000. Impossible également de se prononcer sur d’éventuels effets toxiques au-delà de trois mois. Seule l’utilisation à large échelle de ces vaccins pourra nous renseigner sur ces deux aspects.

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Mais deux obstacles importants demeurent pour une réelle démocratisation de ces vaccins. Tout d’abord, leur conservation. Le vaccin de BioNTech nécessite une congélation à - 70 °C. Cette contrainte pourrait toutefois évoluer à mesure que des essais de stabilité seront effectués avec des températures moins froides. La preuve : Moderna a annoncé en novembre que son vaccin pouvait pour sa part se conserver durant 30 jours entre 2 °C et 8 °C, donc dans un frigo classique. Ce problème de stabilité semble moins lié à l’ARN, très stable dès lors qu’aucune enzyme n’est présente dans son environnement, qu’à la nanoparticule de lipide, beaucoup plus fragile.

Second obstacle, et non des moindres : leur prix. Longtemps tenu secret, la secrétaire d’État au budget belge a révélé vendredi 18 décembre, dans un tweet rapidement supprimé, le prix de chaque vaccin préacheté par la Commission européenne : 12 euros la dose pour BioNTech et 14,70 pour Moderna. Soit une vaccination en deux doses à 24 euros pour le premier et 29,40 euros pour le second (ces montants ne comprennent pas les acomptes versés par la Commission pour sécuriser ces préachats, le prix réel est donc plus élevé). C’est entre deux et huit fois plus

cher que les autres vaccins. Alors même qu’on les dit plus faciles et plus rapides à produire, et qu’ils ont bénéficié d’aides publiques considérables pour leur développement.

« On paye le prix de la nouveauté », regrette Stéphane Korsia-Meffre, ex-vétérinaire qui suit de près les innovations médicales pour diverses associations de patients et maisons d’édition médicale. Dans un avis publié en novembre, le Comité national d’éthique épinglait ces prix des traitements dits innovants, déconnectés des coûts de fabrication, «fruit de négociations opaques et déséquilibrées entre les pouvoirs publics et les entreprises du secteur ».

S’ils sont inspirés des virus, ces nouveaux vaccins ne s’avèrent pas aussi généreux qu’eux : seuls les pays riches s’offriront le luxe de payer deux doses à leurs ressortissants. Une sacrée innovation, certes, mais qui risque d’être incapable d’enrayer la pandémie dans ces conditions.

Boite noire

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