Tout comprendre des capteurs de vos appareils photo et smartphones
Il n'y a pas que la taille qui compte
17 avril 2021 • 20:00
De tous les composants d'un appareil photographique, le capteur est sans conteste celui qui semble le plus magique. Mais, n'en déplaise aux envolées lyriques des services marketing, avoir le plus grand, le plus défini, le plus sensible, le plus tout est-il toujours bénéfique ? Pour bien choisir, le mieux reste de bien comprendre, et ce dossier va vous y aider.
Le reflet rose visible sur le capteur est causé par la présence d’un filtre infrarouge // crédit : Bruno Labarbère
Cela ne vous aura pas échappé : que ce soit pour un smartphone ou un appareil photographique numérique (APN), le premier réflexe est d’aller vérifier les caractéristiques du capteur qui l’anime. La plupart du temps le marketing s’en charge pour vous. Plus grand, plus rapide, plus fort : le bonheur photographique pour une poignée de mégapixels en plus ! Un discours des gros nombres qui tente souvent de se soustraire aux réalités techniques, le mieux n’étant pas forcément l’ami du bien. Alors, pour ne pas vous laisser embobiner, un petit tour d’horizon de l’état de l’art s’imposait.
Le capteur, un organe sensible
Le capteur est un composant électronique à base de silicium, de cuivre et de verre chargé de collecter la lumière issue de l’objectif et de la convertir en information électrique. Dans la chaîne de production de l’image, c’est ensuite au processeur de traitement d’image de convertir ce signal analogique en information numérique (avec des 0 et des 1). Pour collecter la lumière, le capteur est divisé en de multiples petits puits de lumière, appelés photosites, généralement carrés, dont la taille est exprimée en microns (µm) voire en nanomètres (nm). L’information issue de chaque photosite individuel devient, après passage à la moulinette du processeur, un pixel (picture element) constitutif de l’image. La bonne délimitation des photosites fait l’objet de nombreuses innovations, comme le montre notamment Samsung et ses capteurs Isocell passés en génération 2.0 début 2021.
Tout comme l’halogénure d’argent contenu dans les pellicules, le silicium du capteur est capable de réagir à la lumière. On dit alors d’eux qu’ils sont photosensibles. Là où une réaction chimique se produit en argentique pour former une image, c’est la propriété du silicium de produire un signal électrique lorsqu’il est soumis à la lumière qui est exploitée dans nos capteurs d’APN et de smartphones. Notez que des recherches sont en cours pour développer des capteurs dont le substrat ne serait plus des atomes de silicium (Si), mais des atomes de la chimie organique (carbone C, azote N, hydrogène H, oxygène O), d’où le nom de « capteurs organiques ». Ceux-ci devraient arriver sur le marché d’ici quelques années.
À gauche des wafers de silicium (ronds) dans lesquels sont gravés puis taillés les capteurs (rectangulaires). La perte périphérique est bien visible sur le wafer du milieu.
À droite, un objectif spécialisé permettant la gravure des capteurs. (L’objectif fait 150 cm de haut !)
Pour transporter l’électricité en dehors du capteur et lui permettre de communiquer avec les autres composants, il est doté de pistes électroniques, généralement en cuivre, plus rarement en argent, or ou aluminium. Enfin, tout ce beau monde est recouvert par de multiples couches de verre aux rôles bien distincts. De l’extérieur vers l’intérieur :
· La première a une fonction de barrière physique protectrice, contre les poussières, les projections de lubrifiant, les gouttelettes d’eau (et de salive, mais vous n’êtes pas censés cracher sur vos capteurs).
· La deuxième couche a pour mission de filtrer les rayons infrarouges (IR) à cause desquels vos images pourraient prendre une teinte violette désagréable. Certains photographes choisissent cependant de supprimer ce filtre IR pour, justement, s’adonner aux joies de la photographie infrarouge comme au temps de l’argentique où on utilisait des pellicules dédiées. Il va sans dire que la garantie saute en même temps que le filtre IR.
· La troisième couche dite «filtre passe-bas » ou « filtre anti-aliasing » permet d’ajouter du flou pour minimiser l’artefact d’aliasing, ou crénelage en bon français. Ce filtre a tendance à disparaître sur les capteurs récents à très haute définition.
· La quatrième couche est généralement un réseau de micro-lentilles qui permet d’orienter correctement les rayons de lumière vers les photosites (et pas entre les deux). Au centre du capteur, ces rayons incidents sont presque perpendiculaires au capteur, puis ils deviennent de plus en plus inclinés au fur et à mesure que l’on se rapproche de la périphérie, compliquant le travail des micro-lentilles et donc leur conception. Cela est d’autant plus vrai sur les appareils photo hybrides que sur les reflex, puisque l’arrière de l’objectif est deux fois plus proche du capteur.
· Cinquième et ultime couche : les filtres colorés. Ceux-ci peuvent être de l’une des trois couleurs primaires de la lumière : rouge, vert ou bleu. Ils permettent à chaque photosite de ne capter qu’une seule couleur à la fois, le processeur se chargeant ensuite de reconstituer les deux informations chromatiques manquantes à partir de celles des photosites adjacents (avec parfois quelques erreurs d’estimation). Ce damier coloré forme une matrice qui peut soit être dite de type Bayer (du nom de son inventeur) dans l’écrasante majorité des cas, soit de type X-Trans (exclusif à Fujifilm), soit un dérivé de la matrice de Bayer (généralement par adjonction de filtres blancs, ou jaunes, ou magenta, ce qui arrive dans certains smartphones). Il peut aussi ne pas du tout y avoir de filtre coloré dans le cas d’un capteur monochrome capable de photographier uniquement en noir et blanc. Cas le plus rare, et exclusif aux APN Sigma, les capteurs Foveon se dispensent de filtre coloré. La séparation des couleurs selon leur longueur d’onde se fait alors dans la profondeur du photosite, exploitant pour cela une propriété quantique du silicium (une histoire de potentiel énergie et d’électronvolt).
· Ces dernières années, avec l’avènement des hybrides, vous croiserez de plus en plus souvent des capteurs dont certains photosites sont dédiés à la gestion de l’autofocus, mais cela ne change rien à l’architecture de base.
Source : Sigma Global
Jusqu’à nouvel ordre — comprendre « jusqu’à la prochaine révolution technologique » –, cette architecture de base et le fonctionnement qu’elle implique sont communs à tous les capteurs dédiés à la photographie et la vidéo numérique, qu’il s’agisse d’un capteur pour smartphone, pour appareil photographique, pour webcam, pour drone, pour caméra de surveillance ou pour satellite d’espionnage militaire. La variété des capteurs que vous rencontrerez se situe donc ailleurs. Qu’est-ce qui les différencie alors ? Nous allons le voir tout de suite.
Les différents types de capteurs
À partir de cette architecture commune, divers types de capteurs cohabitent dans nos APN et smartphones et cela est emmené à évoluer au gré des innovations technologiques.
Le CCD est mort, longue vie au CMOS
Les capteurs CCD (Charged-Couple Device) ont été les premiers développés. Réputés produire des couleurs très intenses, vibrantes et fidèles, ils ont néanmoins complètement disparu de la circulation et ont été supplantés par les capteurs CMOS (Complementary Metal-Oxyd Semiconductor). Ceux-ci ont su tirer leur épingle du jeu grâce à leur plus faible consommation électrique, ce qui a permis de les implanter dans des appareils nomades, de plus en plus compacts. Peu à peu, les capteurs CMOS sont parvenus à égaler puis dépasser la qualité d’image des CCD, même si ceux-ci conservent leurs aficionados.
Portrait d’Eric Fossum, co-inventeur de la technologie de capteurs CMOS avec le Jet Propulsion Laboratory (qu’il dirigeait) et Caltech University. Source : Darthmouth Engineering Thayer School
Pour la petite histoire, les capteurs CMOS ont été initialement développés par le JPL (Jet Propulsion Laboratory) et l’Université Caltech pour équiper les satellites de la NASA. En sachant que sans la technologie CMOS, nos smartphones devraient se passer de module photographique basse consommation, il est donc légitime d’écrire que sans conquête spatiale, pas de selfies !
BSI CMOS ou FSI CMOS, quelle différence pour quel bénéfice ?
Nous l’avons vu, un capteur est constitué de diverses couches et de pistes électriques. Celles-ci peuvent se situer à deux endroits différents : soit devant les photosites (les photons doivent traverser les circuits électriques avant de tomber au fond du puit de lumière), soit derrière (le circuit électrique se trouve tout en bas du capteur, donc n’interfère pas avec le parcours des photons). Dans le premier cas, on parle de capteur FSI CMOS (FrontSide Illuminated) et dans le second de BSI CMOS (BackSide Illimunated). La quasi-totalité des capteurs de smartphones sont de type BSI CMOS depuis l’iPhone 4s. Du côté des appareils photo numériques, les BSI CMOS demeurent l’apanage des modèles hybrides et reflex haut de gamme, ce qui leur permet de monter plus haut en sensibilité sans bruiter.
Source : Sony
Les FSI CMOS restent cependant majoritaires, car, proportionnellement à la taille des capteurs, la surface occupée par les pistes électriques demeure acceptable et le coût supplémentaire d’un BSI CMOS ne justifie pas forcément le gain qualitatif. Par défaut, si la fiche mentionne uniquement « CMOS », il est sous-entendu qu’il est de type FSI.
La taille, la définition et la résolution : le triangle magique
Maintenant que vous avez décidé quelle technologie de capteur adopter (même si, dans les faits, vous n’avez pas vraiment le choix), reste à déterminer quelle taille et quelle définition correspond le mieux à vos besoins. Ceci est d’autant plus vrai sur un appareil photo numérique, puisque ce choix aura un impact direct sur le boîtier, les objectifs, l’écosystème d’accessoires et même le type d’images que vous pourrez faire.
La taille, un débat vieux comme la photographie
Si vous pensez que la taille du capteur est un problème propre à la photographie numérique, détrompez-vous ! Au temps de l’argentique, c’était encore pire. À partir des deux types de films les plus communs (le format 120 et le format 135, mais il en a existé bien d’autres), il était possible d’obtenir des images de surfaces et ratios différents. Les films 120 étaient utilisés (et le sont toujours) sur les appareils dits « moyen format ». En fonction de l’appareil dans lequel ce film est chargé, vous pouvez obtenir des images de 6 x 6 cm (format carré popularisé par les Hasselblad et les Rolleiflex), de 4,5 x 6 cm, de 6 x 7 cm (comme dans les Pentax 67), de 6 x 9 cm, de 6 x 12 cm et même de 6 x 17 cm (format panoramique très laaaaaarge) !
Le 24 x 36 mm sert aujourd’hui encore de référence en numérique
Il en va de même avec les films 135 utilisés dans les appareils dits « petit format ». En fonction de l’appareil, vous pouviez obtenir des images carrées de 24 x 24 mm, des rectangulaires horizontales de 24 x 32 mm (ratio 4:3), de 24 x 34 mm (comme dans les tout premiers appareils Nikon), monter jusqu’à du 24 x 65 mm (comme sur l’Hasselblad XPan) et même des « demi-images » verticales de 18 x 24 mm. Mais un format en particulier se démarquera et aura une influence sans commune mesure dans l’histoire de la photographie : le 24 x 36 mm, popularisé (mais pas inventé) par Leitz et son mythique Leica. Et c’est bien ce 24 x 36 mm qui sert aujourd’hui encore de référence en numérique.
Héritage de l’argentique, le « 24 x 36 mm » est celui à partir duquel tout est calculé et évalué. Les anglophones l’appellent « Full Format », un peu trop littéralement traduit par « Plein Format », et ne doit pas être confondu avec un autre FF, qui lui est l’acronyme de « Full Frame ». Dans ce dernier cas, un capteur « Full Frame » est un capteur dont 100 % de la surface disponible est dédiée à la captation de lumière, ce qui est incompatible avec l’architecture des CMOS. Ainsi, un capteur CMOS de 24 x 36 mm de dimension est Full Format, mais pas Full Frame, alors qu’un capteur CCD plus petit peut être Full Frame, mais n’est pas considéré comme Full Format.
En vous baladant dans les allées d’un « Big Camera » au Japon vous tomberez régulièrement sur ce genre de présentoir, avec de vrais capteurs de différentes tailles. Remarquez la petite pirouette marketing consistant à prendre l’APS-C comme référence (100 %) pour accentuer le gain en passant au 24 x 36 mm (236 %, rien que ça)…
La taille du capteur a un impact direct sur les focales perçues, mais le terme «focale équivalente » est utilisé. La formulation complète devrait être « focale équivalente à un objectif de même focale monté sur un capteur 24 x 36 mm », mais ce serait évidemment trop long à écrire à chaque fois. En utilisant un appareil photo doté d’un capteur plus petit que le 24 x 36 mm (et a fortiori un smartphone), il faut donc tenir compte du facteur de conversion (ou « crop factor ») par lequel multiplier la focale réelle pour obtenir la focale équivalente, ou au contraire par lequel diviser la focale équivalente (généralement celle donnée par les fiches techniques des smartphones). Ce facteur de conversion est facile à calculer, puisqu’il s’agit de la division de la diagonale d’un capteur 24 x 36 mm (environ 43,27 mm) par la diagonale du capteur considéré. Mais comme il serait rébarbatif de procéder au calcul à chaque fois, autant retenir par cœur ce tableau fournissant les informations pour les tailles de capteur que vous retrouvez usuellement sur les APN :
24 x 36 mm |
APS-C |
APS-C (dans le cas des APN Canon seulement) |
4/3'' |
Type 1'' |
Et les smartphones ? La logique est strictement la même, mais comme chaque constructeur et sous-traitant y va de sa petite botte plus ou moins secrète, ce ne serait plus une fourchette de taille, mais un râteau qu’il faudrait donner. Voici néanmoins quelques dimensions que vous retrouverez fréquemment chez les uns et les autres :
Type 1/1,12" |
Type 1/1,33'' |
Type 1/1,7" |
Type 1/2" |
Type 1/2,33" |
Définition et résolution : indissociables, mais faux-amis
Les deux sont souvent confondus et, même s’ils sont intimement liés, l’un ne doit pas être utilisé pour l’autre. La confusion vient du fait qu’en anglais le terme «resolution » signifie « définition ». Pour la résolution, les anglophones préfèreront parler de « pixel density ». Retenez surtout que :
· La définition d’un capteur correspond au nombre de photosites présents sur ce capteur. Elle est exprimée en pixels (px), mégapixels (1 Mpx = 1 000 000 px) voire gigapixels (1 Gpx = 1 000 000 000 px).
· La résolution d’un capteur correspond à la définition rapportée à la taille du capteur. Elle devrait normalement être exprimée en pixels/cm², mais, par commodité, il est souvent question de pixels par pouce («pixel per inch » ou ppi ), qui est une densité linéaire exprimée dans une unité impériale.
En d’autres termes, la définition est toujours une population et la résolution est une densité de population rapportée à une surface donnée. Ainsi, à taille de capteur égale, plus la définition est élevée, plus la résolution est élevée. Par contre, à définition égale, un capteur plus grand aura une résolution plus faible que le capteur plus petit. La résolution seule, quant à elle, ne vous dira rien de la taille ni de la définition du capteur.
Imaginez que ces schémas représentent quatre capteurs (A, B, C, et D) et leurs photosites. Alors :
– Les capteurs A et D ont la même taille, mais pas la même définition donc pas la même résolution. Idem pour les capteurs B et C.
– Les capteurs C et D ont la même définition, mais, ne faisant pas la même taille, n’ont pas la même résolution. Idem pour les capteurs A et B.
– Les capteurs A et C ont la même résolution, mais n’ont ni la même taille, ni la même définition.
Dans le faits, la résolution sert surtout à déduire la taille des photosites, exprimée en micron (µm), information plus souvent utilisée pour les modules photographiques des smartphones que pour les capteurs des APN. C’est d’ailleurs le choix que nous avons fait chez Frandroid.
Quels sont les avantages et inconvénients d’un plus grand capteur ?
«Go big or go home » : à en croire les marketeux, en dehors des très grands capteurs, point de salut. Quelque part, ils n’ont pas tout à fait tort, car plus grand est le capteur, plus grands seront les photosites (à définition égale), ce qui permet de monter plus haut en sensibilité ou, du moins, à sensibilité égale, d’obtenir des résultats plus propres. L’autre principal avantage d’un grand capteur est de permettre d’obtenir une profondeur de champ plus courte : à ouverture, focale et distance au sujet égale, ce dernier se détachera mieux de l’arrière-plan flou. Idéal si vous êtes amateur de portraits !
En associant grand capteur (24 x 36 mm) et très grande ouverture (f/0,95 !), il est possible de bien isoler son sujet du fond, tout en travaillant simultanément à faible sensibilité et vitesse élevée. – Nikon Z7 + Noct-Nikkor Z 58 mm f/0,95 S // crédit : Bruno Labarbère
L’autre avantage d’un capteur plus grand et le plus proche possible du 24 x 36 mm (donc, idéalement, d’un capteur 24 x 36 mm) est de s’épargner le «crop factor » afin de retrouver l’angle de champ de ses objectifs argentiques. Un 50 mm cadre comme un 50 mm, un 28 mm cadre comme un 28 mm, et ainsi de suite. Cela est particulièrement avantageux pour le grand angle (architecture, photographie de rue, plans larges malgré le manque de recul, etc), puisqu’il n’y a alors pas besoin d’acquérir une focale courte extrême, ces dernières ayant tendance à souffrir d’une déformation de plus en plus marquée au fur et à mesure qu’elles raccourcissent. Ainsi, sur un capteur 24 x 36 mm, un grand angle 24 mm continuera à se comporter comme tel alors que, pour obtenir le même angle de champ sur un hybride/reflex à capteur APS-C ou un hybride Micro 4/3 (à capteur 4/3 »), il vous faudra respectivement opter pour un 16 mm ou un 12 mm.
L’effet ultra grand-angle(14 mm) est d’autant plus frappant sur un grand capteur. – Canon EOS R + Samyang RF 14 mm f/2,8 // crédit : Bruno Labarbère
Il est bien sûr possible d’utiliser un très grand angle sur un capteur plus petit que du 24 x 36 mm (ici de l’APS-C), mais même un 12 mm ne forme plus « que » un 18 mm. – Sony Nex-7 + Zeiss Touit E 12 mm f/2,8 // crédit : Bruno Labarbère
Même s’ils font rêver, les APN à grands capteurs font cher payer cet attribut, dans tous les sens du terme. D’abord, les boîtiers sont généralement beaucoup plus chers (en neuf, comptez un budget de 1500 € au minimum). Les objectifs sont ensuite plus gros et plus lourds, même si les constructeurs s’évertuent depuis peu à en réduire le poids et l’encombrement (comme Sigma avec sa ligne I destinée aux hybrides en montures L et FE). Cela peut paraître un truisme, mais un capteur plus grand est surtout… plus grand. D’une part il est donc plus lourd et délicat à stabiliser, ce qui impose des cages et mécanismes plus musclés et plus énergivores. D’autre part le signal électrique prend plus de temps pour s’y déplacer d’un bout à l’autre, ce qui limite les taux de rafraîchissement et rend moins accessibles les cadences photo et vidéo les plus élevées. Enfin, et surtout, cela implique une chauffe plus intense, chaleur qu’il faut ensuite dissiper d’une manière ou d’une autre. Ce n’est pas sans raison si le déjà imposant Panasonic Lumix S1H, spécialiste de la vidéo, intègre un ventilateur dédié à cet effet.
Quels sont les avantages et inconvénients d’un capteur plus petit ?
Un capteur plus petit permet de faire des appareils photo plus petits (mais rien n’empêche de faire de gros appareils avec de petits capteurs). Plus faciles à stabiliser, chauffant moins, ces capteurs du fait de leur physique transportent également les signaux électriques plus rapidement, d’où des rafales et des cadences vidéo plus élevées. Autres avantages, les objectifs compatibles peuvent être plus petits et, surtout, le « crop factor » permet d’atteindre plus aisément de longues focales sans sacrifier les ouvertures, ce qui est particulièrement pratique en photo de sport, animalière ou d’action. Alors qu’un 800 mm f/4 pour capteur 24 x 36 mm dépasse aisément les 10 000 € et les 2 kg, l’équivalent pour un hybride Micro 4/3 (capteur 4/3″) serait un 400 mm f/4 deux fois plus léger et cinq fois moins cher. C’est loin d’être négligeable !
Monté sur un capteur APS-C, un 400 mm se comporte comme un 600 mm. Bien moins cher que d’acheter directement un 600 mm pour capteur 24 x 36 mm ! – Nikon D750 + Tamron 100-400 mm // crédit : Bruno Labarbère
Revers de la médaille, ce facteur de conversion rend plus compliquée l’obtention de très grands angles et, parallèlement, à focale équivalente et ouverture identique, la profondeur de champ est plus importante sur un petit capteur. Pour beaucoup, cela peut sembler un inconvénient, mais, dans les faits, c’est plutôt pratique, surtout en vidéo. Cela n’empêche pas les constructeurs de smartphones de compenser leurs tout petits capteurs par des algorithmes simulant du bokeh artificiel — nom donné à ce fameux flou d’arrière — via le mode portrait, et cela avec plus ou moins de bonheur.
Quels sont les avantages et inconvénients des hautes définitions ?
Il y a dix ans, la réponse aurait été simple : plus, c’est toujours mieux ! Mais aujourd’hui un propos nuancé est exigé : cela dépend. De votre type d’appareil, de la taille du capteur, des photos que vous faites, des conditions de prise de vue, de ce que vous comptez faire de vos images, des objectifs que vous possédez, etc.
Un capteur plus défini est, théoriquement, plus précis puisqu’à taille de capteur égale, vous gagnez en pouvoir résolvant (c’est l’aptitude à discerner les détails les plus en plus fins). Avec cette augmentation, vous pouvez vous passer d’un filtre passe-bas (celui dont nous parlions au tout début), mais, pour autant, le risque zéro n’existe pas en ce qui concerne le crénelage ou le moirage (aliasing et moiré en anglais).
Une plus grande définition, cela autorise aussi une plus grande souplesse de travail en post-traitement : recadrage, correction des perspectives, travail plus détaillé, plus grandes possibilités d’impressions, etc. En augmentant la définition en photo, vous augmentez également celle en vidéo. Si la Full HD est le minimum syndical, la 4K (UHD ou DCI) est aujourd’hui la norme, mais il faudra au minimum 33 Mpx (sur un capteur 16:9) ou 45 Mpx (sur un capteur 3:2) pour espérer filmer en 8K (UHD ou DCI). Enfin, dans le cas des smartphones (qui n’ont rien inventé puisque la pratique était commune chez les compacts), augmenter la définition du capteur permet d’obtenir un zoom numérique (par recadrage) plus convaincant.
En partant d’une image en pleine définition (45 Mpx), il est possible de recadrer de manière extrême. – Panasonic Lumix S1R + Lumix S 20-60 mm // crédit : Bruno Labarbère
Ici, une version recadrée en 6 Mpx de l’image précédente, ce qui reste plus que suffisant pour du web. – Panasonic Lumix S1R + Lumix S 20-60 mm // crédit : Bruno Labarbère
En contrepartie, en optant pour un capteur plus défini, vous gagnez aussi le droit d’acheter des cartes mémoires plus grosses et des disques durs (ou SSD) plus volumineux pour stocker tous vos fichiers. Les transferts seront plus longs, votre processeur souffrira plus, votre boîtier photographique chauffera davantage, et ainsi de suite. Un capteur plus défini/avec une plus haute résolution, cela exige aussi des objectifs plus précis, mieux corrigés, souvent plus encombrants, donc aussi plus chers. Ceci dit, n’importe quel objectif conviendra, vous verrez juste mieux ses défauts et ses aberrations optiques. Mais il serait dommage que tous les photosites ne soient pas correctement exploités pour apporter une contribution significative à la qualité finale de l’image et aux détails.
les photosites doivent mesurer au moins 0,75 micron pour être en mesure de capturer les rouges les plus extrêmes
Néanmoins, le plus gros problème des hautes définitions, et donc de fortes résolutions, est rarement évoqué. À taille de capteur équivalent, la taille des photosites diminue de manière proportionnellement inverse à la hausse de la résolution. Or la photographie telle que nous la connaissons a besoin de lumière pour fonctionner, et plus spécifiquement le spectre visible de la lumière. Pour rappel, il s’étend de 400 nm de longueur d’onde pour le bleu proche ultra-violet (UV) et jusqu’à environ 750 nm pour le rouge proche infrarouge (IR). Cela implique que les photosites doivent, au plus petit, mesurer 750 nanomètres (soit 0,75 micron) de large pour être en mesure de capturer les nuances de rouges les plus extrêmes. Ce n’est pas le cas par exemple sur un Xiaomi Redmi Note 10 Pro dont les photosites du capteur principal de 108 Mpx ne mesurent que 0,7 µm ! Nous atteignons donc une limite physique acceptable. Un capteur dont les photosites ne mesureraient que 0,6 µm ne percevrait plus les couleurs rouges, orange et une bonne partie des nuances de jaune. Ce serait ainsi le cas avec un capteur Type 1/1,7 » de 120 Mpx ! Pour la petite histoire, la définition d’un capteur 24 x 36 mm dont les photosites auraient la taille de ceux du Redmi Note 10 Pro serait de… 1750 mégapixels ! Il y a encore un peu de marge.
Source : Wikipedia
À rebours de la tendance, certains constructeurs ont fait le choix de proposer des capteurs volontairement moins définis que la norme actuelle. L’idée, en procédant ainsi, est d’obtenir des photosites bien plus gros, capables de collecter plus de lumière et ainsi d’offrir une meilleure réponse en haute sensibilité. Pour le grand public, les boîtiers équipés de tels capteurs sont surtout dédiés à la vidéo en lumière réelle et particulièrement par faible luminosité, et les Panasonic Lumix GH5s, mais surtout Sony Alpha 7s en sont de parfaits représentants. Ces derniers, avec leurs capteurs 24 x 36 mm de 12 Mpx, jouissent ainsi de photosites de 8,49 µm de large, donc 147 fois plus gros que ceux du Redmi Note 10 Pro !
Concrètement, quel capteur choisir ?
La technologie évoluant à toute vitesse, et chacun ayant des besoins spécifiques, il n’existe pas de réponses absolues. Ce qui vaut aujourd’hui ne sera peut-être plus totalement valable demain, et cela d’autant plus que les algorithmes dopés au deep learning sont entrés dans la danse, ce qui fausse les données purement matérielles. Quelques conseils pratiques et un peu de bon sens valent donc mieux que des affirmations catégoriques. Nous allons donc les décliner pour plusieurs cas de figure.
Si vous photographiez essentiellement avec votre smartphone
· Ne prêtez pas d’attention ni à la taille ni à la définition de votre capteur.
· Fuyez les sirènes des très hautes définitions.
· Privilégiez un modèle récent couplé à un objectif lumineux et/ou proposant des focales dont vous serez susceptibles d’avoir besoin.
· Évitez de débrayer les automatismes et réglages appliqués par défaut, ceux-ci participant pour beaucoup de la qualité du rendu final.
· Faites-vous plaisir, en vous rappelant que les meilleures photos sont faites avec l’appareil que vous avez toujours sur vous.
Si vous souhaitez un APN pour la photographie généraliste « en amateur »
· Un capteur de 20 à 24 Mpx suffit amplement, quelle que soit sa taille.
· Préférez, si possible, un APN avec capteur stabilisé.
· L’offre optique disponible et l’ergonomie des boîtiers sont plus importantes que la taille et la définition du capteur.
· Investissez dans des objectifs nouveaux ou, dans le cas des hybrides, des adaptateurs pour redécouvrir les joies des optiques «vintage».
Si vous pratiquez la photographie d’action/de sport/d’animaux/de mariages ou pour photographier vos enfants (c’est pareil)
· Un capteur de 20 à 24 Mpx suffit.
· Optez, si possible, pour un capteur BSI CMOS et stabilisé.
· Préférez les capteurs plus petits (APS-C, 4/3 ») pour obtenir des focales longues, légères et lumineuses.
· Si vous optez pour un capteur 24 x 36 mm, optez pour un modèle de plus de 40 Mpx afin de bénéficier d’une marge de recadrage supplémentaire.
· Mettez surtout l’accent sur la rapidité et la précision de l’autofocus.
Si vous êtes un adepte du portrait
· Un capteur de 20 à 24 Mpx suffit. Un capteur plus défini sera plus détaillé… vous verrez donc mieux les défauts de la peau.
· Les capteurs 24 x 36 mm permettent d’obtenir de plus faibles profondeurs de champ, mais les résultats seront tout aussi bons avec de l’APS-C et du Micro 4/3.
· 75 % du rendu final sera conditionné par l’objectif, bien plus que le boîtier et son capteur. Cherchez d’abord un objectif dont le rendu vous plaît, puis choisissez votre boîtier en conséquence.
· Un autofocus avec détection des yeux efficace est un plus non négligeable.
Si vous êtes passionné de photographie de rue
· Un capteur de 20 à 24 Mpx suffit, mais il n’y a pas de restriction à vouloir plus.
· Préférez, si possible, un capteur BSI CMOS plus à l’aise en haute sensibilité pour éviter l’utilisation du flash (histoire de rester discret).
· Optez si possible pour un capteur stabilisé.
· Quelle que soit la taille de votre capteur, vérifiez qu’il existe des objectifs 28, 35, 50 ou 85 mm (ou équivalents) lumineux dans la monture pour laquelle vous avez opté.
· Un autofocus réactif est un plus.
Si vous êtes fasciné par les paysages ou l’architecture
· Plus haute sera la définition, mieux ce sera.
· La stabilisation n’est pas indispensable, surtout si vous travaillez régulièrement sur trépied.
· Les capteurs plus petits permettront des boîtiers plus légers donc plus faciles à transporter.
· Choisissez surtout un boîtier bien protégé contre la poussière et les infiltrations d’eau, pour résister aux conditions climatiques variées.
· Portez une attention particulière à l’autonomie et à la possibilité de recharger en USB, notamment pour les poses longues de nuit.
· C’est l’un des rares cas où les capteurs Foveon prennent tout leur sens.
Bruno Labarbère
Pigiste photo
Photographe de mire le jour, photographe de rue la nuit, et parfois l’inverse. Collectionneur de vieilleries argentiques et fasciné par les nouveautés technologiques. Et souvent l’inverse.
Collé à partir de <https://www.frandroid.com/produits-android/photo/894453_tout-comprendre-des-capteurs-de-vos-appareils-photo-et-smartphones>