L’aménagement de la ZAC Paris Rive gauche coûtera au moins 1,4 milliard à la ville
Un rapport de la Chambre régionale des comptes passe au crible la plus grande opération d’aménagement réalisée dans la capitale depuis Haussmann.
Par Emeline Cazi et Denis Cosnard
26/05/2022
Les tours Duo dessinées par Jean Nouvel, à Paris, le 31 mars 2022. THOMAS SAMSON / AFP
Au moins 1,4 milliard d’euros. C’est ce que devrait coûter à la Ville de Paris la plus grande opération d’aménagement réalisée dans la capitale depuis Haussmann, la zone d’aménagement concerté (ZAC) Paris Rive gauche. La facture, impressionnante, est fournie par la Chambre régionale des comptes (CRC), qui vient de passer le projet au crible.
Son rapport, qui doit être présenté aux élus parisiens début juillet, ne relève aucune irrégularité et ne formule que quelques remarques comptables. Mais il permet pour la première fois d’avoir une vision presque complète et actualisée de ce chantier colossal. Et une évaluation de son coût. Au 1,4 milliard d’euros évoqué, il faudra toutefois ajouter le coût de l’aménagement du dernier quartier concerné, le secteur Bruneseau, censé reconnecter Paris avec Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Sous la pression des écologistes, l’équipe d’Anne Hidalgo a renoncé en début d’année à y édifier des tours de très grande hauteur. Or la remise à plat du dossier rend « difficile d’apprécier (…) le bilan financier de l’opération », indique le rapport.
Friche ferroviaire
Démarré il y a plus de trente ans, l’aménagement de la ZAC Paris Rive gauche consiste à transformer les 130 hectares de friche ferroviaire et industrielle coincés entre la gare d’Austerlitz et le boulevard périphérique en un vrai morceau de ville avec des bureaux, des logements et des commerces. Lorsque la ZAC est lancée officiellement en 1991, l’idée consiste à créer sur cette bande du 13e arrondissement en bord de Seine un quartier de bureaux autour de la très grande bibliothèque voulue par François Mitterrand. Une mini-Défense dans l’est de Paris.
A la fin des années 1990, un pôle universitaire est ajouté, notamment pour permettre le désamiantage de Jussieu
Le chantier doit alors s’achever en 2006. Aujourd’hui, il est admis que la nouvelle échéance, fixée à 2028, devra probablement être encore reportée à 2032. Plusieurs raisons expliquent ces délais considérables. Le projet a d’abord évolué. A la fin des années 1990, un pôle universitaire est ajouté, notamment pour permettre le désamiantage de Jussieu. En 2001, le nouveau maire de Paris, Bertrand Delanoë, introduit une plus grande part de logements, dont 50 % de logements sociaux, diversifie les emplois et l’activité. L’opération a aussi été « confrontée à de nombreux aléas, tel le projet d’y implanter le tribunal de Paris, finalement réalisé aux Batignolles », au nord-ouest de la capitale, rappelle le rapport.
Surtout, l’avancement du projet dépend étroitement de la capacité de la SNCF à libérer son foncier ferroviaire. Or certaines emprises, comme celles du quartier de la gare d’Austerlitz, n’ont été disponibles qu’avec retard. Le développement du secteur Bruneseau sud, au pied des tours Duo, demeure lié, lui, au déménagement de l’atelier de maintenance des trains Corail. Enfin, comme une partie des travaux consiste à construire une dalle au-dessus de voies de chemin de fer sur lesquelles les trains circulent toujours, il a fallu, et il faut toujours, composer avec les plages extrêmement restreintes de travaux de nuit pour limiter l’impact sur les voyageurs.
Se rapprocher du Grand Paris
Quelque 20 000 habitants doivent vivre dans ce quartier, une fois achevé. Le programme de bureaux, qui représente un tiers des surfaces mais finance 43 % de l’opération, « est bien avancé », juge la CRC. « L’essentiel a été commercialisé » et seulement 10 % restaient à construire en 2019. Parmi eux, les 50 000 m2 situés gare d’Austerlitz, sur la pointe nord de la ZAC, dont le début des travaux reste suspendu à une décision du Conseil d’Etat, à la suite d’un ultime recours. « En revanche, l’avancement du programme de logements est très en retrait, puisque 44 % des mètres carrés restaient à réaliser en 2019 », notent les magistrats. Tout comme le programme des activités et commerces qui dépend encore pour beaucoup des secteurs Austerlitz et Bruneseau.
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Dans ses recommandations, la CRC suggère à la Ville de Paris de se rapprocher de la Métropole du Grand Paris (MGP) pour achever la dernière tranche du programme. « Par sa nature et son ambition, la ZAC Paris Rive gauche, si elle avait été une opération future, répondrait aux critères » nouvellement définis par le conseil de la MGP pour assurer son soutien à des projets de restructuration urbaine : elle assure le lien entre Paris et sa banlieue, et constitue le pendant de la ZAC Confluence que bâtit la municipalité d’Ivry de l’autre côté du périphérique. Mais, dans les faits, ni la Ville de Paris ni la Métropole ne souhaitent une telle association. « Il appartient au Conseil de Paris et au Conseil métropolitain de se prononcer sur cette question », a prudemment répondu Anne Hidalgo aux magistrats.
Emeline Cazi et Denis Cosnard
Collé à partir de <https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/06/25/l-amenagement-de-la-zac-paris-rive-gauche-coutera-au-moins-1-4-milliard-a-la-ville_6132017_3234.html>