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NUMÉRIQUE  
De ChatGPT à Midjourney, l’IA s’installe dans les entreprises  
Louis Adam, Vincent Fagot, Corentin Lamy, Julia Paret, Alexandre Piquard, Nicolas Six, et Jules Thomas  
Employés et directions s’approprient les logiciels d’intelligence articielle capables  
de générer textes et images. Souvent déployés pour gagner du temps et de l’argent,  
ces outils suscitent de l’enthousiasme, mais aussi des questions  
ENQUÊTE  
ai commencé à utiliser ChatGPT en janvier, raconte Pierre, chargé de communication d’une PME de  
services administratifs, à propos du désormais célèbre robot conversationnel lancé en  
novembre 2022 par la société OpenAI. Au début, les résultats n’étaient guère probants, mais en me  
J’  
perfectionnant grâce à des vidéos YouTube, j’ai réussi à automatiser environ de 30 % à 40 % de ma charge  
de travail, qui consiste à écrire des articles et des billets sur les réseaux sociaux. » L’auteur de ce témoignage,  
recueilli dans un appel lancé sur Lemonde.fr, est enthousiaste… mais ne souhaite pas que son nom apparaisse, car  
le patron de sa PME « a beaucoup de mal à considérer l’utilisation des intelligences articielles [IA] comme du  
travail réel ».  
La vogue des IA dites génératives – capables de créer, à partir d’une simple instruction écrite, du texte, comme  
ChatGPT, ou des photos ultraréalistes, comme Midjourney – commence à toucher les entreprises. « Aujourd’hui,  
tous les créatifs de notre agence jouent avec ces logiciels. Et particulièrement les moins de 35 ans », raconte  
Bertille Toledano, présidente de l’agence de publicité BETC et coprésidente de l ’A ssociation des agences-conseils  
en communication (AACC). Mais, au-delà des premiers convertis technophiles, ces outils vont-ils bouleverser le  
monde du travail ? Ou rejoindront-ils la liste des nouveautés ayant fait l’objet d’un emballement exagéré avant de  
décevoir, comme le métavers ou le casque de réalité virtuelle ?  
«
Les intelligences articielles génératives ont un eet sur des métiers qui semblaient à l’abri de l’automatisation,  
en particulier dans le tertiaire », décrypte le sociologue Yann Ferguson, enseignant-chercheur à l’Institut  
catholique d’arts et métiers de Toulouse et responsable scientique de LaborIA, un programme d’analyse des  
impacts de l’IA sur le travail lancé en 2021 par le gouvernement et l’Institut national de recherche en sciences et  
technologies du numérique. Dans les entreprises, dans la banque d’aaires Morgan Stanley ou la plate-forme d’e-  
commerce Cdiscount, des premiers déploiements ont déjà lieu. Et les géants du numérique (Microso, Google,  
Amazon ou Meta) poussent ces technologies.  
«
Les entreprises sont plutôt convaincues, mais elles se posent aussi des questions », constate Laurent Daudet,  
cofondateur de LightOn, un éditeur français de grands modèles de traitement du langage, les moteurs sur  
lesquels s’appuient les interfaces comme ChatGPT. Quel sera vraiment l’apport de l’IA générative ? Quels sont les  
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risques ? Un sondage JobTeaser-Kantar de février résume l’ambivalence des sentiments face à cette technologie :  
une majorité des actifs de 18 à 27 ans considéreraient qu’elle libérera du temps de travail ou créera des nouveaux  
emplois… mais 61 % craignent aussi un impact sur leur carrière.  
«
Copilote » des informaticiens  
C’est pour les informaticiens, développeurs en tête, que le recours aux IA génératives est le plus avancé. Depuis  
juin 2022, ceux-ci peuvent utiliser Copilot, un assistant d’aide à la programmation lancé par Microso, partenaire  
d’OpenAI, et par GitHub, la principale plate-forme de publication de logiciels. Cet outil, accessible pour 10 euros  
par mois, s’appuie sur la capacité des grands modèles de traitement du langage à gérer du code informatique, qui  
est une forme de texte. « Quand un développeur écrit du code, Copilot lui propose la suite, en fonction du code  
déjà écrit et des chiers ouverts en parallèle. Je ne me risquerais pas à estimer le gain de productivité, mais il est  
bien réel », raconte ainsi Adrien Boullé, directeur de l’ingénierie chez Myre, un gestionnaire de patrimoine  
immobilier.  
«
C’est aussi un outil formidable pour extraire des informations pour lesquelles je serais normalement forcé de  
parcourir des chiers PDF de plusieurs milliers de pages », renchérit Maxime, un consultant dans le secteur  
électronique qui préère témoigner de manière anonyme. « J’ai développé des applications avec l’aide de  
ChatGPT », explique de son côté Halima Drobek, informaticienne à Francfort, en Allemagne.  
Chez Sopra Steria, prestataire de services numériques, l’intelligence articielle générative est déjà utilisée  
«
depuis un certain temps », comme « un compagnon, pour écrire des lignes de code, générer de la  
documentation ou encore mener des tests pour vérier le code », explique son directeur technique, Mohammed  
Sijelmassi.  
Dans le secteur, certains développeurs sont toutefois réticents à déployer de façon opérationnelle du code généré  
par une IA, jugeant que son fonctionnement et sa provenance ne sont pas susamment clairs. M. Boullé, lui, se  
demande si, un jour, pour les informaticiens, « il “sura” d’être capable d’interagir avec l’IA pour lui faire  
“comprendre” notre intention, pour qu’elle l’implémente [qu’elle la développe] elle-même ». Mais il ajoute : « Les  
guillemets sont importants : il ne faut surtout pas s’imaginer qu’il y a une sorte d’intelligence qui interprète et  
comprend. » En tout cas, l’usage se répand vite : selon GitHub, 46 % du code produit dans les langages où Copilot  
est activé proviennent désormais de son assistant. Et, le 13 avril, Amazon a lancé un programme concurrent,  
baptisé « CodeWhisperer ».  
La tentation des images articielles  
Autre territoire de conquête privilégié de l’IA générative : l’image. Celle-ci semble déjà plébiscitée dans les travaux  
préparatoires à la création. Des graphistes d’animation ou de jeux vidéo réalisent ainsi des « moodboards », ces  
planches de références utilisées pour décrire le résultat attendu. « Cela remplace uniquement des images qu’on  
allait chercher auparavant sur le Net », précise Cyril, directeur artistique dans un studio d’animation français, qui  
souhaite rester anonyme.  
«
Midjourney traduit les images que j’ai en tête avec une précision bien supérieure à celles des banques d’images  
que j’utilisais avant », explique le réalisateur de publicités Gilles Guerraz. Pour le graphiste de pochettes d’album  
KSGraph, les prévisualisations générées par IA « permettent au client de mieux se projeter qu’avec [ses] croquis ».  
En publicité, l’usage est aussi répandu pour les prémaquettes de campagnes, raconte Mme Toledano, tout en  
précisant que la photo donne ensuite lieu à une prise de vue bien réelle. Les studios d’animation ou de jeux vidéo  
internationaux interdisent aussi l’utilisation d’éléments générés par l’IA dans les productions nales, racontent  
des employés. « Ce ne serait ni éthique ni viable », pense Cyril.  
L’IA générative commence toutefois à s’immiscer dans certaines phases de production : en publicité, elle permet  
de modier en temps réel des décors virtuels projetés en studio sur des écrans numériques à 360 degrés (changer  
la lumière, ajouter des ombres…). Ce qui évite de payer le déplacement de toute une équipe sur un lieu de  
tournage, parfois à l’autre bout du monde…  
D’autres n’hésitent pas à utiliser directement les clichés fabriqués par l’IA. Guillaume Jacquet-Lagrèze a ainsi eu  
recours au logiciel Dall.E 2, d’OpenAI, pour illustrer les « séminaires d’entreprises en bateau solaire » sur le site  
Web de son entreprise niçoise SeaZen. « Le plus dur, raconte-t-il, a été de trouver les bons mots-clés pour générer  
des images adaptées : “maître de yoga en position de lotus”, “photo d’un présentateur debout derrière son  
pupitre”, etc. »  
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Chez Slidor, une entreprise qui enrichit les représentations graphiques PowerPoint de grandes entreprises, la  
moitié des images sont aussi générées par Midjourney. « Pour les illustrations, cela prend trois fois moins de  
temps avec l’IA qu’avec un dessin à la main », assume son cofondateur Jérôme Bestel. Pour David Leclabart,  
coprésident des agences publicitaires Australie.GAD et de l ’A ACC, certains prestataires produiront en masse, à bas  
prix (Midjourney coûte 10 dollars, soit environ 9 euros, par mois), des images pour des campagnes en ligne. Au  
risque de faire baisser la « valeur de la création », pour les consommateurs et pour les artistes…  
Cette inquiétude est moins présente dans le secteur des eets spéciaux, où « les gens sont plutôt emballés », selon  
Gaël Honorez, de PresenZ. Ce producteur belge de lms immersifs en 3D a utilisé l’outil Stable Diusion pour  
générer le fond du cadran d’une montre. « Avec l’annonce par l’éditeur Adobe d’un logiciel d’IA entraîné sur des  
images respectant le copyright, cet usage deviendra probablement la norme », pense-t-il. L’IA sert aussi à  
automatiser des tâches fastidieuses, comme isoler puis faire disparaître ou modier les éléments non désirés  
dans une vidéo.  
Le rêve d’un assistant personnel  
«
Préécriture d’e-mail, premier essai pour une étude de marché, se faire passer pour un consommateur pour  
préparer les questions d’un entretien… » Julien Rechenmann, fondateur d’une start-up en neurotechnologie à  
Toronto (Canada), estime économiser « un tiers » de temps de travail grâce aux IA génératives, vues comme un  
genre d’assistant. Chez la PME Slidor, 75 % des salariés utiliseraient ces outils pour créer des comptes rendus de  
réunion, etc.  
L’« ami » est parfois présenté comme un remède – partiel – au complexe de la page blanche, permettant de  
générer des idées, pour écrire un texte, voire un scénario. « Ça me permet souvent d’avoir des déclics quand je  
bloque », explique l’enseignante en lycée professionnel Sandrine Maduraud, 55 ans, qui en amont des cours essaie  
ChatGPT pour « trouver des plans, des questions plus variées, des réponses rédigées… ».  
«
J’utilise ChatGPT au moins une fois par jour, explique le directeur des ressources humaines d’une grande  
entreprise informatique. Je prépare des communications aux équipes : projet de déménagement, événements ou  
célébrations… » Il cone être allé jusqu’à demander au robot de « nuancer » son propos pour, par exemple, être  
«
plus empathique » avec les employés… Ryan, étudiant en informatique à l’Ecole normale supérieure, en stage  
dans un laboratoire de recherche, lui, « demande un brouillon à ChatGPT dès qu’il faut faire un truc formel, genre  
e-mail. Je l’utilise systématiquement pour communiquer l’état de mes recherches aux autres, via des  
présentations académiques ou grand public ». En bémol, les adeptes soulignent le besoin de « vérier » le  
contenu : « Je dois reprendre certaines tournures de phrase et supprimer des paraphrases, prévient  
M. Rechenmann. C’est un excellent premier jet. »  
Des logiciels internes  
Au-delà des salariés isolés, l’IA générative a aussi commencé à se diuser dans les grands groupes. « Pour avoir  
plus de abilité et de maîtrise, les entreprises veulent souvent aner un modèle en l’entraînant sur leurs propres  
données, ou alors le réentraîner entièrement », raconte Julien Chaumond, cofondateur de Hugging Face, plate-  
forme de publication de logiciels et de ressources en IA. L’agence d’information Bloomberg a ainsi entraîné  
BloombergGPT sur quarante années de dépêches et de données nancières. Ce robot interne répondra aux  
questions des employés, de la même façon que celui créé par Morgan Stanley avec OpenAI.  
«
Nos conseillers nanciers peuvent lui demander de comparer nos analyses de la situation d ’A pple, Microsoet  
IBM, ou de renseigner un client sur le statut des trusts en Californie, etc. Avant cela, il leur aurait fallu cliquer sur  
plusieurs documents, puis les comparer », explique JeMcMillan, responsable de l’analyse de données de Morgan  
Stanley, qui teste cet outil avant de le généraliser cet été. Le fournisseur de logiciels pour entreprises Salesforce a,  
lui, lancé Einstein GPT, déjà utilisé par l’électricien français Schneider Electric.  
Chez Cdiscount, les interfaces d’OpenAI servent à classer les ches produits envoyées par les vendeurs de la plate-  
forme, ce qui aurait « divisé par deux les produits mal catégorisés ». Chez LightOn, un des clients veut utiliser l’IA  
pour analyser, « avec une fréquence beaucoup plus grande qu’aujourd’hui », des avis écrits en ligne par des  
acheteurs. Un autre, assureur, souhaiterait répondre au moyen d’un robot à des questions de clients : après avoir  
chargé leur contrat en ligne, ceux-ci pourraient savoir s’ils sont assurés contre la grêle, etc.  
L’IA serait aussi prometteuse dans la relation client : la Société générale cherche actuellement à recruter une  
personne capable d’améliorer ses algorithmes « pour la classication et l’extraction automatique d’informations  
dans des documents scannés, l’analyse de verbatim clients pour détecter des thèmes récurrents, ou encore le  
résumé automatique d’appels téléphoniques ». Cette dernière fonction est également en test chez Bouygues  
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Telecom, avec IBM et Amazon, rapporte le média CIO. Et, à la Société générale, l’IA sert aussi déjà à analyser les  
projets de contrats » pour en « accélérer le traitement ».  
«
En gestion des ressources humaines, côté employeurs, certains proposent des solutions d’IA générative, comme  
Hippolyte-rh, HeyTeam ou CVDesignR, qui y voient un moyen d’« étoer les recherches de prols » en élargissant  
les termes. Côté candidats, l’entreprise propose depuis février un outil de création de CV assistée par ChatGPT,  
utilisé « par 10 % des candidats ».  
Une technologie poussée par les géants du numérique  
L’IA générative suscite une vaste oensive des géants des services en ligne dans le cloud, l’informatique  
dématérialisée. Microsopropose sur sa plate-forme tous les modèles de son partenaire OpenAI, dans lequel il a  
investi plusieurs milliards de dollars. Son concurrent Google invite depuis mi-mars les entreprises à développer, à  
partir de ses grands modèles de langues, « leurs propres applications, interfaces de discussions et assistants  
numériques ». Amazon vient d’annoncer un partenariat avec Hugging Face, puis une interface baptisée  
«
Bedrock », qui met à disposition des entreprises ses propres modèles d’IA générative, ainsi que ceux des start-up  
Anthropic ou Stability AI. Amazon déploiera aussi ces IA par la voie des cabinets de conseil Accenture ou Deloitte.  
Cette tentative de pénétrer les entreprises par le haut se double d’une approche par le bas : Microsoet Google  
vont bientôt déployer des « assistants » d’IA générative dans leurs logiciels de bureautique Microso365 et  
Workplace. Ceux-ci promettent de rédiger un résumé d’une réunion tenue en visioconférences dans Teams, des  
brouillons d’e-mails dans Gmail ou Outlook, de générer des présentations de type PowerPoint avec des  
illustrations créées par l’IA, ou encore de raccourcir des textes dans Word ou Docs…  
Incertitudes juridiques et limites techniques  
Quel sera le réel gain de temps ? Comment éviter les erreurs que peuvent commettre ces logiciels ? Le résumé  
d’une réunion sera-t-il able ? La plupart des personnes interviewées soulignent la nécessité de « repasser  
derrière » le robot. Morgan Stanley ou LightOn notent que, pour aider cette vérication, leurs chatbots  
mentionnent des « sources », ce que ne fait pas ChatGPT. Par prudence, Bouygues Telecom préère pour l’heure ne  
déployer ce type d’outils qu’en interne.  
L’IA générative soure aussi d’une « incertitude juridique », note Bertille Toledano. Pour KSGraph, publier des  
images créées avec IA pourrait relever du « vol de style ». Les craintes sur le droit d’auteur sont réelles : l’agence  
Getty ainsi qu’un collectif d’artistes ont déposé des plaintes contre Stable Diusion ou Midjourney, accusés  
d’avoir entraîné leurs modèles sur des images sans autorisation de leurs auteurs. Certains réclament une  
rémunération en compensation. Le débat est le même dans le code informatique : des développeurs ont déposé  
plainte contre Copilot.  
Les interrogations autour de l’IA générative rappellent celles liées au cloud. « Les clients se posent des questions  
sur le contexte réglementaire, notamment depuis l’interdiction de ChatGPT en Italie par l’autorité de protection  
des données », constate Laurent Daudet, de LightOn. La France a exclu un tel bannissement, mais le cas ChatGPT  
est examiné à Paris et à Bruxelles, où est discuté le règlement européen « AI Act ». Quelle transparence  
imposer sur les modèles d’IA ? Quelle responsabilité en cas de dommage ? A ces débats s’ajoutent les craintes sur  
la souveraineté et la condentialité des données : le coréen Samsung a ainsi restreint l’accès à ChatGPT après que  
des employés l’ont interrogé sur du code et des notes de réunions jugés sensibles…  
Alertes sur l’emploi  
L’autre débat qui plane sur l’essor de l’IA générative est l’emploi : ces logiciels remplaceront-ils des travailleurs  
dont les tâches auront été automatisées ? Plusieurs études sont alarmistes : jusqu’à 18 % des emplois dans le  
monde seraient menacés, selon un rapport de la banque Goldman Sachs publié en mars. Premiers concernés : les  
cadres et les postes administratifs. En parallèle, cherche à nuancer l’étude, de nouveaux emplois apparaîtraient,  
comme « ingénieur d’assistance » ou « prompt engineer » (rédacteur d’instructions pour les logiciels). Et la  
productivité augmenterait.  
Selon une autre étude, commandée par OpenAI et publiée en mars, 80 % des employés américains verraient « à  
terme » l’IA générative aecter au moins 10 % de leurs tâches, dans une proportion importante pour 19 % d’entre  
eux. Mais, préviennent les auteurs, « il est dicile de savoir dans quelle mesure les professions peuvent être  
entièrement décomposées en tâches ». Même prudence à la direction générale de Pôle emploi : « Il est encore trop  
tôt pour faire une topographie claire des impacts sur les recrutements », y arme-t-on. En fait, tout dépendra du  
déploiement eectif de tels outils au sein des entreprises, pointait une étude de LaborIA publiée n mars.  
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La question de la qualité de l’emploi se pose aussi. L’IA menacerait le sentiment de reconnaissance des salariés :  
Le risque, c’est de tolérer une qualité qui n’est pas acceptable. Or, on a besoin de se rappeler qu’on a fait du beau  
«
travail, arme Yann Ferguson. Hors de la tech, il y a parfois un sentiment de honte chez ceux qui utilisent l’IA : ils  
ont peur de ne plus être méritants. »  
M. Ferguson anticipe deux scénarios : « Soit la déqualication des salariés, soit leur “encapacitation”. » Une  
analyse partagée par Matthieu Trubert, délégué syndical Ugict-CGT chez MicrosoFrance : « Si les personnes ne  
sont pas formées à la haute technicité des outils qu’il va falloir utiliser pour continuer à eectuer leur métier, on  
va perdre des gens, l’autonomie va en prendre un coup, et le risque est d’être encore plus isolé dans son travail,  
prévient-il. Si tout le monde devient “prompt engineer”, on aura une armée de questionneurs d’oracle, de pousse  
boutons. »  
Révolution ou vogue ?  
A long terme, l’intelligence articielle générative va-t-elle vraiment engendrer une « révolution » ? Les gures de  
la tech prédisent un avenir presque sans limites pour l’IA en général. « C’est aussi fondamental que la création du  
microprocesseur, de l’ordinateur PC, de l’Internet ou du smartphone », a prophétisé Bill Gates, le fondateur de  
Microso, après avoir testé ChatGPT. Yann LeCun, responsable de l’IA chez Meta, croit possible l’émergence d’une  
«
renaissance » ou d’un « nouveau siècle des Lumières ». Le PDG d’OpenAI, Sam Altman, imagine une « révolution  
comparable aux révolutions agricole, industrielle et numérique ». D’autres, dont l’ex-dirigeant d’OpenAI Elon  
Musk, estiment l’IA puissante au point d’être « dangereuse » à terme pour l’humanité, et ont réclamé, par une  
lettre ouverte du 28 mars, une mise en « pause » des recherches.  
«
ChatGPT n’est pas le premier grand moment dans l’histoire de l’IA, relativise Yann Ferguson. Dans les années  
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980-1990, il y a eu les systèmes experts, spécialisés sur un type de tâche, qui ont bénécié des mêmes eets  
d’annonce sur la n du travail, avant d’être abandonnés car ils manquaient de exibilité. Et ChatGPT n’est pas le  
premier buzz de l’IA d’apprentissage, il y a eu l’annonce du projet de voiture autonome Google Car en 2011, ou la  
victoire de l’ordinateur-joueur de go AlphaGo en 2015. » Dans un autre registre, les assistants vocaux comme  
Alexa, Siri ou Google Assistant ont eux aussi fait l’objet de prévisions très optimistes, suivies de déceptions.  
ChatGPT, Midjourney et les logiciels génératifs se distinguent toutefois d’innovations récentes comme le  
me  
métavers car ils se diusent en partie « par en bas » dans les équipes, notent M Toledano ou M. Ferguson. Julien  
Chaumond, de Hugging Face, implanté en Europe mais aussi aux Etats-Unis, compare, lui, cette vague  
d’innovations à « l’arrivée de l’informatique de bureautique dans les années 1990 ». « Si on écoute la Silicon  
Valley, l’IA va tout changer, voire entraîner la n du monde d’ici à deux ans. Alors qu’à Paris les gens ont à peine  
entendu parler de ChatGPT… La vérité est probablement entre les deux », pense-t-il.  
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