Le jour où Vichy est devenue capitale

Publié le 10/07/2023

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Le 10 juillet 1940, Pierre Laval à la sortie du casino-opéra de Vichy, après le vote des parlementaires. © Droits réservés

 

 

Michel Promérat, historien, président du CIERV de Vichy, est l’auteur de 1940. Pétain et son gouvernement s’installent à Vichy . Il raconte cet événement majeur dans l’histoire de la cité, alors que sont honorés aujourd’hui les 80 parlementaires qui ont dit « non » au maréchal.

Les Éditions Midi-Pyrénéennes, dont le siège est à Toulouse, ont eu la bonne idée de lancer en 2018 une collection intitulée « Cette année-là », dont le principe est d’évoquer des événements marquants du passé survenus dans différentes villes en France.

Après avoir consacré plusieurs volumes à Toulouse, l’éditeur s’est intéressé à Bordeaux, à Nantes, à Strasbourg et maintenant à Clermont-Ferrand… et à Vichy. Qu’il s’agisse de l’avènement du royaume wisigoth à Toulouse en 419, de l’exécution de Jean Callas le 10 mars 1762, ou de l’expérience sur l’équilibre des liqueurs menée par Blaise Pascal le 19 septembre 1648 au Puy-de-Dôme, ces événements, dont l’écho dépasse largement le cadre où ils ont eu lieu, sont racontés par des spécialistes, dans de petits ouvrages d’une quarantaine de pages, destinés au grand public, où sont exposés leurs enjeux, leur portée et les traces qu’ils ont laissées dans la mémoire collective, locale ou nationale.

Il était donc logique qu’un volume soit consacré à Vichy (*), qui fut le 1 er  juillet 1940 le théâtre d’un événement majeur de notre histoire nationale au XX e  siècle : l’installation de Pétain et de son gouvernement dans la ville thermale. La rédaction de l’ouvrage a été confiée à Michel Promérat, historien, président du Centre International d’Études et de Recherches de Vichy (CIERV). Interview.

Pourquoi le choix de Vichy comme siège du gouvernement ? « C’est un choix par défaut, qui est fait au terme d’une longue errance du gouvernement, qui a commencé le 10 juin, en pleine débâcle, et qui l’a mené successivement à Tours, à Bordeaux, à Clermont-Ferrand, puis finalement à Vichy. Bordeaux, qui était dans la zone littorale, sous contrôle allemand, étant exclue, Clermont-Ferrand, ville ouvrière et contestataire, dépourvue du reste de la capacité hôtelière nécessaire, et Lyon, la ville du radical Édouard Herriot, étant disqualifiées, le choix de Vichy qui avait entre autres atouts sa capacité hôtelière, son terminal téléphonique ultramoderne et sa ligne ferroviaire, s’est imposé progressivement. Ce qui a aussi sans doute joué, c’est qu’une partie de la ville était propriété de l’État à travers le domaine thermal. Donc à Vichy, l’État était un peu chez lui. »

Comment s’est faite cette installation des services du gouvernement ? Combien de personnes cela a-t-il représenté ? Comment la ville a-t-elle fait face à cet afflux ? « Cela s’est passé de façon chaotique. Le secrétariat général du gouvernement et les autorités préfectorales de l’Allier sont à la manœuvre et la mairie de Vichy sert d’intermédiaire. On se répartit comme on peut les bâtiments disponibles. Pendant tout l’été, on a une espèce de va-et-vient permanent. On a bien sûr fait partir les quelques curistes présents. Les administrations et les ministères changent de lieu, en fonction des opportunités et des besoins. Pendant deux à trois mois, le fonctionnement est instable. L’on pensait au départ que le gouvernement repartirait à Paris mais en septembre-octobre, on s’aperçoit que c’est impossible. On s’installe donc de façon quasi définitive.

La population va être multipliée par cinq, entre 100.000 et 125.000 personnes. Une partie des arrivants va s’installer dans les communes alentour. C’est une population composée de fonctionnaires et de leurs familles. À l’époque, il y a trois-cents hôtels et pensions de familles, qui ont été réquisitionnés pour la plupart, mais qui ne sont évidemment pas adaptés au fonctionnement des administrations, dont les services sont souvent dispersés. »

Quel a été le regard de la population vichyssoise sur la transformation de la ville en capitale de l’État français ? « Au départ, les habitants, qui sont très maréchalistes comme une grande partie de la population française, sont assez satisfaits de voir arriver le gouvernement. Certains espéraient sans doute en tirer profit sur un plan commercial. Cela dit, recevoir une population extérieure n’est pas pour les habitants chose nouvelle. Il y a la tradition touristique, mais aussi le souvenir de l’accueil dans les hôpitaux de la Première Guerre mondiale aménagés dans les hôtels de quelque 100 à 150.000 blessés. On perçoit aussi dans certains témoignages une certaine fierté d’accéder soudain au rang de capitale, de voir la ville devenue “Paris sur Allier”. »

Pour les Vichyssois, cet épisode de l’histoire nationale est devenu dans les décennies qui ont suivi une mémoire encombrante… « Sur la question de la mémoire à Vichy, il convient d’être prudent, parce qu’il n’y a pas d’étude universitaire sur ce qu’a été, ou ce qu’est la mémoire locale. Ce dont on parle, c’est de la mémoire officielle, dont on peut distinguer trois moments à travers la façon dont la ville et ses maires successifs ont tenté de gérer cette mémoire. Dans l’immédiat après-guerre, il s’agit de coller au récit héroïque gaulliste. Vient ensuite la première phase de la posture victimaire. À partir des années 50 et durant une quarantaine d’années, c’est le temps du silence et de l’oubli volontaire. On veut faire de Vichy une ville moderne, qui met en avant le sport et la jeunesse et l’on développe en même temps le mythe fondateur napoléonien. La mémoire locale et la mémoire nationale sont alors en total décalage. Depuis une dizaine d’années, on assiste à la tentative de réintégrer un peu cette histoire dans la vie locale sans abandonner toutefois la posture victimaire qui persiste. »

(*) Vichy est évoqué dans un autre ouvrage de la collection : 1676. Une célèbre curiste : la marquise de Sévigné par Samuel Cuisinier-Delorme. Un article lui sera prochainement consacré.

Info plus

Aujourd’hui. La cérémonie commémorative du 83 e anniversaire du vote du 10 juillet 1940, en hommage aux 80 Parlementaires, qui refusèrent les pouvoirs constituants au gouvernement Pétain, et aux passagers du Massilia, se tiendra ce jour, à 10 h 30, sur le parvis Simone-Veil de l’Opéra, puis en salle.

 

Collé à partir de <https://www.lamontagne.fr/vichy-03200/actualites/le-jour-ou-vichy-est-devenue-capitale_14341109/>