Israël, le jour le plus noir

Laurent Sagalovitsch — 8 octobre 2023

Pour la première fois depuis la création de l'État hébreux, l'armée a laissé tomber sa population.

Plus de 5.000 roquettes ont été tirées par le Hamas de Gaza vers Israël ce 7 octobre 2023  

 

Ce fut donc une journée, une de plus, pleine de bruit et de stupeur. De stupeur surtout. La stupeur de constater que malgré tous les efforts déployés par l'armée et le renseignement israélien pour contrôler les alentours de la bande de Gaza, sa frontière avait été franchie avec une facilité déconcertante par les terroristes du Hamas.

Longtemps, on se demandera comment cette attaque sans précédent a pu être possible. Comment de l'un des endroits, si ce n'est l'endroit le plus surveillé de la planète, des terroristes ont pu s'extraire pour commettre des massacres par dizaines. Comment cette opération qui a forcément nécessité des semaines et des semaines de préparation a pu se monter et se perpétrer sans éveiller à aucun moment les soupçons des autorités israéliennes.

 

Tôt ou tard, les morts demanderont des comptes. Il leur faudra fournir des réponses à la hauteur du traumatisme subi par la société israélienne toute entière. De cette mort qui s'est propagée comme une traînée de poudre à peine le soleil levé. Et qui a frappé à l'aveugle, dans cette barbarie propre au terroriste qui tue sans discernement civils comme militaires, enfants aussi bien que vieillards.

Si la mort et sa violence répandue sont familières depuis toujours de la nation israélienne, celles survenues hier ont le goût amer de l'infamie. Du sort d'innocents qui n'ont pu compter sur l'aide de personne si ce n'est d'eux-mêmes. Hier, pour la première fois depuis l'existence de l'État hébreu, l'armée a laissé tomber sa population. Que ce soit de sa propre faute ou due à l'incurie des autorités étatiques n'a à cette heure pas beaucoup d'importance, l'essentiel est qu'elle n'a pas su protéger ceux qu'elle est censée défendre.

 

Pendant longtemps, cet abandon viendra hanter la conscience des Israéliens. Il n'y aura pas seulement le froissement de l'orgueil d'avoir été ainsi livré à ses pires ennemis, il y aura aussi un sentiment de vulnérabilité comparable à celui des Américains après le 11 septembre 2001 qui ne disparaîtra pas de sitôt. Sans l'excellence de Tsahal, Israël n'est plus rien, si ce n'est une proie offerte aux appétits sanguinaires d'entités et de peuples pour qui son existence demeure et continuera à demeurer une erreur et une injure.

Aujourd'hui, le Hamas rit comme demain peut-être, il pleurera. Fort de cette insolence du fanatisme pour qui rien ne compte, si ce n'est le triomphe de croyances enracinées dans une pensée marquée du sceau de l'hérétisme et de la violence qui toujours l'accompagne. Pour celui qui se croit investi d'une mission divine, la paix, l'entente plus ou moins cordiale, la coexistence plus ou moins pacifique, le consensus, n'est jamais une bonne solution.

Il a soif d'absolu, c'est-à-dire de mort.

C'est bien pour cela qu'il n'y a rien attendre du Hamas et des régimes qui le soutiennent. Face à la mort qui s'avance le sourire aux lèvres, le devoir de chacun est de lui opposer une détermination sans faille. Sans remords ni apitoiement. Les morts à venir du côté palestinien n'auront qu'un seul responsable, l'organisation qui préside à leurs destinées. Ce n'est pas une affaire de gouvernement d'extrême droite, ce n'est pas une question de colonisation, ce n'est pas une question de supériorité militaire, mais l'antique combat de la civilisation contre l'obscurantisme, des lumières contre les ténèbres.

 

Quant à ceux, toujours les mêmes, qui ici et là se plaisent à mettre sur le même pied d'égalité terroristes du Hamas et combattants de Tsahal, ils sont plus à plaindre qu'autre chose. Ils furent avant-hier stalinistes, hier poutinistes, ils soutiendront demain n'importe qui portera le fer contre les valeurs de l'Occident. Ils ne sont ni de gauche ni de droite –l'imbécilité est apolitique– mais quand elle se combine avec une idéologie par le passé mille fois meurtrière, elle provoque des réactions si outrancières, si étrangères au principe de raison que ne pouvant les faire taire mieux vaut les ignorer.

Il n'empêche.

Israël a un pied à terre.

L'ampleur de l'attaque, le nombre des victimes, le mode opératoire dit le désarroi d'une nation qui a perdu le sens de ses priorités. De renoncements en arrangements, de reculades en aveuglements, Netanyahu et toute sa clique ont perverti l'âme d'Israël au point de la mettre en danger. Quand on tourne le dos à sa propre histoire, quand on bafoue les valeurs d'un peuple plusieurs fois millénaire, quand on se détourne de la loi pour semer le désordre, lorsqu'on organise à des fins partisanes le chaos, l'ennemi qui écoute aux portes en profite pour mieux vous frapper.

Une nation déchirée est toujours une nation faible.

Une leçon.

Laurent Sagalovitsch

 

Collé à partir de <https://www.slate.fr/story/254436/israel-le-jour-le-plus-noir>