Bientôt 10.000 patients sans médecin traitant dans le bassin de Vichy ?


Publié le 09/04/2024

Dans le bassin de Vichy, la quête d’un médecin traitant tourne à l’impossible. Et le nombre de patients sans médecin pourrait doubler d’ici la fin d’année 2024.? © François-Xavier GUTTON

 

L’affaire relevait déjà, pour beaucoup, de l’impossible. Mais se trouver un médecin traitant va devenir encore plus compliqué, ces prochains mois, dans une agglomération de Vichy qui peine à attirer de nouveaux généralistes. Ce qui incite les acteurs de santé à tirer le signal d’alarme.

Il n’y va pas par quatre chemins. Le tableau actuel ? Il est « dramatique ». Philippe Becaud en a, pourtant, du recul sur la situation. Mais en ce début d’année, plus que jamais, le président du conseil départemental de l’Ordre des médecins tire la sonnette d’alarme quant aux nombres de généralistes encore en exercice dans le bassin de Vichy. Une question devenue « plus que problématique », tant l’affaire tourne même « à l’hécatombe ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Ainsi, alors que le secteur de la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) de Vichy (*) compte aujourd’hui une cinquantaine de médecins, ce chiffre est amené à drastiquement diminuer. Et ce à très courte échéance. L’Ordre a fait les comptes : d’ici la fin d’année, au moins sept d’entre eux, entre retraites, changements de carrière… voire burn-out, auront cessé leur activité. Une première vague de départs qui pourrait en appeler une autre à moyen terme.

 

« Un point de rupture »

Et pour cause : à l’heure actuelle, vingt médecins sont âgés de plus de 65 ans. Parmi eux, huit ont même plus de 70 ans. Même si quelques-uns n’entendent pas encore retirer leur plaque (lire ci-contre) dans l’immédiat, nombre d’entre eux vont sans doute, un jour ou l’autre, partir en retraite.

Alors, la situation pose question. D’après l’Ordre des médecins de l’Allier, de plus de 4.000 aujourd’hui, soit un chiffre déjà problématique, le nombre d’habitants du bassin vichyssois sans médecin traitant pourrait avoisiner les 10.000 d’ici quelques mois. Certaines communes du secteur, comme Charmeil, Saint-Rémy-en-Rollat ou Vendat, pourraient ne plus avoir de médecins. « On arrive donc clairement à un point de rupture », assurent de concert Philippe Becaud et Nicolas Rougier, le président de la CPTS de Vichy. « Cela pose évidemment problème pour les nouveaux habitants du territoire. Mais cela peut aussi avoir des répercussions sur la santé des patients qui, parce qu’ils n’ont pas pu consulter avant, arrivent à l’hôpital avec des pathologies déjà bien développées. »

 

Une profession « épuisée » et des modes d’exercice qui évoluent

Alors comment expliquer une telle situation, éminemment problématique dans une ville comme Vichy où la part de la population de plus de 60 ans dépasse les 40 % ? Par un épuisement de la profession, d’abord. Lequel serait dû « à des obligations administratives toujours plus nombreuses et à une charge de travail toujours plus lourde », expliquent les deux représentants de la médecine de ville locale. Il y a aussi ces nouvelles générations de libéraux qui préfèrent « travailler en collectif et plus forcément isolés dans des cabinets individuels ». Problème : la plupart des cabinets actuels, en tout cas dans Vichy, sont précisément calqués sur ce modèle du médecin de famille « isolé », exerçant dans des cabinets parfois bien trop petits pour accueillir ne serait-ce qu’une secrétaire…

"C’était une situation qu’on pouvait voir venir. Ce problème n’allait pas concerner que la ruralité".

evelyne voitellier,

adjointe au maire de vichy déléguée à la santé

 

Cette fuite des généralistes trouve aussi ses explications dans des facteurs plus exogènes. Comme ces patients « toujours plus exigeants, voire agressifs », à tel point que des médecins effecteurs avaient menacé l’an dernier de quitter la maison médicale de garde de Vichy, ouverte le soir et le week-end, si le poste de vigile n’y était pas pérennisé (une situation depuis résolue). En outre et contrairement à tout le reste du département, à l’exception du bassin de Montluçon, l’agglomération de Vichy n’est pas classée en zone de revitalisation rurale (ZRR).

Or, ce classement prévoit de précieux dispositifs d’aide pour les candidats à l’installation. En clair, malgré un cadre de vie de qualité, le bassin de Vichy ne serait plus si attractif que cela pour des généralistes qui se tournent plutôt vers les fameuses ZRR, ou encore dans des secteurs boostés par les bourses « Wanted », autre dispositif d’incitation à l’installation en désert médical, qui a notamment fait ses preuves du côté du Mayet-de-Montagne.

 

Malgré sa qualité de vie indéniable, le bassin de Vichy peine à attirer de nouveaux médecins de ville.

 

Si ce constat d’une faible attractivité s’observe aussi dans d’autres agglomérations similaires à celle de Vichy, « elle est d’autant plus problématique ici du fait d’une population âgée, mais aussi car la ville a vocation à accueillir toujours plus d’habitants », expose Evelyne Voitellier, ajointe au maire de Vichy en charge notamment des questions de santé, qui déplore que tous les signaux soient actuellement « au rouge » sur cette question de l’accès à un docteur. « Mais c’était une situation qu’on pouvait voir venir. Ce problème n’allait pas concerner que la ruralité. Il faut peut-être aussi aider les zones urbaines comme les nôtres. »

 

Un travail à mener "sur l'immobilier et sur l'accueil d'étudiants" 

Et l’élue d’évoquer tout le « travail à mener » pour permettre de replacer Vichy dans le viseur des jeunes médecins : un travail « sur l’immobilier », pour développer des cabinets propices à une pratique groupée ; un travail sur « la formation », pour qu’il y ait davantage de médecins maîtres de stages susceptibles d’accueillir des étudiants ; et un travail sur « l’hébergement de ces étudiants » aussi, afin que ceux-ci puissent s’ancrer durablement sur le territoire.

Quid d’un projet de maison de santé ou de la question du salariat de médecins ? Pour l’heure, ces sujets ne sont pas d’actualité à Vichy. Où le président de l’Ordre espère que, rapidement, de jeunes médecins viendront malgré tout exercer. Une chose est sûre : ils n’auront guère de difficultés à se créer une patientèle.

 

CPTS. Le périmètre de la Communauté professionnelle territoriale de santé de Vichy Val d'Allier comprend les communes suivantes : Abrest, Bellerive-sur-Allier, Billy, Bost, Brugheas, Busset, Charmeil, Cognat-Lyonne, Creuzier-le-Neuf, Creuzier-le-Vieux, Cusset, Espinasse-Vozelle, Hauterive, Le Vernet, Magnet, Mariol, Saint-Germain-des-Fossés, Saint-Pont, Saint-Rémy-en-Rollat, Saint-Yorre, Seuillet, Serbannes, Vendat, Vichy et, dans le Puy-de-Dôme, Randan, Saint-Priest-Bramefant et Saint-Sylvestre-Pragoulin.

Pierre Geraudie

Photos François-Xavier Gutton  

 

Collé à partir de <https://www.lamontagne.fr/vichy-03200/actualites/bientot-10-000-patients-sans-medecin-traitant-dans-le-bassin-de-vichy_14483012/?utm_source=newsshowcase&utm_medium=gnews&utm_campaign=CDAQ_pG9tfjs8afrARj--eDGpe-0-IEBKhAIACoHCAow87bBCzCV0tgD&utm_content=bullets>