La victoire en criant

 

Ils n’ont pas fait leur Trump. Ils n'ont pas crié qu'on leur avait volé l'élection, ils n'ont pas poussé leurs troupes à prendre d'assaut l'Assemblée nationale, ils ont vite, très vite accepté leur sort, et il y a donc vraiment de quoi s'inquiéter...

« On prend acte et on va s'opposer, sans compromision », a dit Louis Aliot. « Si on veut le pouvoir, il faut qu'on prenne les dispositions pour gagner », a-t-il ajouté en promettant un « examen de conscience ».  Bardella, mis en cause, a admis « des erreurs », « assum[é] une part de responsabilité» et désigné, dans la foulée, un bouc émissaire, son directeur général. De petits règlements de comptes en interne qui ne dissimulent pas l’évidence: L'extrême droite a la défaite heureuse. « J'ai trop d'expérience pour être déçue par un résultat où nous doublons notre nombre de députés », a convenu Marine Le Pen. Elle est ravie de ne pas l'avoir emporté, elle a augmenté son capital chance pour la présidentielle.

Macron avait pris au mot Bardella en lui accordant la dissolution qu'il réclamait. Ce dernier n'était pas prêt: trop de candidats imprésentables, trop peu de ralliements pour former un gouvernement qui ait de la gueule. Il  aurait  eu bonne mine avec le seul Ciotti sur la photo. Gouverner aurait été un calvaire, vu le cortège d’incompétents dans ses rangs. Les chances de fifille Le Pen à la présidentielle en auraient été entamées.

Depuis dimanche, elle est rassurée: elle ne va pas se salir les mains. Elle n'aura pas à cautionner des mesures impopulaires, à plier devant Bruxelles. Elle laisse l'alchimiste Macron se déconsidérer

en essayant de transmuer sa défaite cuisante en victoire d'une coalition de centre droit. Elle laisse la gauche s'épuiser pour tenter de mettre en place des réformes avec une majorité relative. L'extrême droite garde sa virginité. Elle sera à elle seule l'opposition. Elle a le temps pour panser ses plaies. Un an, voire deux, voire trois, pour grandir encore un peu avant la présidentielle et répondre aux interrogations de la justice sur le financement de sa campagne précédente. La victoire de la gauche est sa chance. Le bonheur de Marine Le Pen devant sa défaite laisse craindre bien des malheurs.

Jean-Michel Thénard