Le média «60 millions de consommateurs» mis en vente par le gouvernement
L’Etat a annoncé lundi 18 novembre au soir sa volonté de céder à une entité privée le média en difficultés financières. Une décision qui inquiète les salariés, soucieux de conserver leur indépendance «au service des consommateurs».
Le nombre d'abonnés du magazine et du site a chuté de 140 000 il a y a cinq ans à 76 000 aujourd'hui. (Firas Abdullah/ABACA)
19 novembre 2024
Se passer d’un thermomètre efficace pour des économies de bouts de chandelle. L’Etat veut trouver un repreneur pour le média 60 millions de consommateurs édité par un établissement public - l’Institut national de la consommation (INC) - depuis 1970, a annoncé lundi 18 novembre dans la soirée le cabinet de la secrétaire d’Etat à la consommation Laurence Garnier. Ce dernier fait valoir les «difficultés majeures» rencontrées par le magazine et le site «depuis plusieurs années», avec un nombre d’abonnés passés de 140 000 en 2019 à désormais 76 000, et «un déficit persistant depuis sept ans, qui a épuisé sa trésorerie».
Le gouvernement a déclaré qu’il «souhaite engager» des «démarches en vue de trouver un repreneur professionnel et expert du secteur, capable notamment d’investir dans le numérique et d’impulser une nouvelle stratégie marketing et commerciale». L’objectif avancé est de «faire bénéficier le magazine de moyens et d’une expertise nouvelle, qui lui permettront d’attirer de nouveaux lecteurs» pour assurer la «pérennité» du média, qui emploie aujourd’hui une cinquantaine de personnes.
Point non négligeable, dans un contexte de recherche d’économies pour l’Etat, «cette évolution du statut du magazine contribuera par ailleurs à optimiser l’utilisation des deniers publics». Un rapport parlementaire en 2022 mentionnait déjà une «baisse progressive du montant de subvention» à l’Institut national de la consommation entre 2012 et 2020, passé de 6,3 millions d’euros à 2,7 millions d’euros. Pour l’heure, aucun repreneur n’a été identifié.
«L’intérêt public est rarement rentable financièrement»
Pour les représentants des salariés de 60 millions de consommateurs, c’est la «sidération». Début novembre, les représentants des salariés de 60 millions de consommateurs avaient appelé le Premier ministre Michel Barnier à poursuivre dans la voie choisie par le gouvernement dirigé par Gabriel Attal, celle d’un «scénario de rebond de l’Institut national de la consommation», via un «abondement financier de l’Etat à hauteur de 3,2 millions d’euros».
L’annonce de lundi «est désastreuse car elle affaiblira considérablement l’information experte indépendante au service des consommateurs, laissant davantage de place aux monologues sponsorisés des influenceurs et aux fake news sur les problèmes de consommation», s’inquiètent les représentants des salariés, regrettant que «l’intérêt public est rarement rentable financièrement». «La première secrétaire d’État exclusivement dédiée à la consommation va-t-elle sonner le glas de l’Institut national de la consommation ?», s’interrogent-ils encore.
L’ancienne ministre chargée des sujets de consommation, Olivia Grégoire, déplore également cette décision, arguant que 60 millions de consommateurs est «le titre d’information du consommateur» qui présente «les meilleures garanties de qualité, de neutralité et d’indépendance».
L’Institut national de la consommation a été créé en 1966 et est chargé de la bonne information des consommateurs, et de «promouvoir une consommation responsable». Il regroupe un centre d’essais comparatifs de produits et de services ainsi qu’un département d’études juridiques et économiques, détaille-t-il sur son site internet. Ses salariés disaient début novembre que sans une aide urgente de l’Etat, l’INC risquait de ne pas passer «l’année 2025».
Collé à partir de <https://www.liberation.fr/economie/medias/le-media-60-millions-de-consommateurs-mis-en-vente-par-le-gouvernement-20241119_PRG3LQSS5NEB7EZH7GAFSO6ZX4/>