Les réseaux sociaux sont-ils morts?
Léa Polverini – 6 octobre 2025
Bots, IA, deepfakes et doomscrolling: les plateformes se vident de leur fonction sociale. Les jeunes désertent, l'attention s'effrite, et les promesses d'Internet ressemblent de plus en plus à une impasse.
Un homme blasé devant son téléphone, sans doute parce que les réseaux sociaux sont devenus nuls. | Victoria Romulo via Unsplash
Depuis que Twitter, après son nouveau baptême sous X, est devenu un capharnaüm dans lequel s'entassent bots radicalisés, images générées par IA et deepfakes à gogo, que Facebook pousse toujours plus loin son réservoir d'images pseudo-inspirantes boostées à l'IA pour séduire les tantines, tandis qu'Instagram, TikTok et YouTube surfent sur la vague de ces vidéos toujours plus chimériques et absurdes modelées grâce à la surchauffe de datacenters écocides, serions-nous en train de vivre la mort des réseaux sociaux?
Meta et OpenAI ont récemment annoncé de nouvelles plateformes sociales qui regorgeront de vidéos courtes générées par l'IA, mais si les entreprises de la tech vantent à tour de bras un appétit croissant du public pour ces contenus créés par des machines, la dégradation globale d'Internet semble pourtant détourner les gens de ces plateformes.
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Les réseaux sociaux étaient peut-être au pic de leur succès en 2022, mais les années suivantes ont marqué un déclin constant. Selon une analyse des habitudes en ligne de 250.000 personnes issues de cinquante pays, réalisée pour le Financial Times, les internautes désertent de plus en plus ces plateformes.
Dans les pays développés, les personnes de 16 ans et plus passaient en moyenne 2h20 par jour sur les réseaux sociaux, soit une baisse de près de 10% par rapport à 2022. Une tendance que l'on observe surtout chez les plus gros consommateurs de ce type de contenus, soit les adolescents et les vingtenaires.
Divertissement et isolement
Cela est notamment lié au fait que les réseaux sociaux sont aussi paradoxalement devenus progressivement des plateformes sur lesquelles les interactions sociales se raréfient, au profit d'un doomscrolling à cheval entre la distraction et l'angoisse, qui n'engage plus de communication directe.
Depuis 2014, la proportion de personnes déclarant utiliser les plateformes sociales pour rester en contact avec leurs amis, s'exprimer ou rencontrer de nouvelles personnes a diminué de plus d'un quart. Dans le même temps, l'usage des applications ouvertes machinalement pour tuer le temps n'a fait qu'augmenter, comme le relève le Financial Times.
Le «doomscrolling», ou le mal de l'information
Une évolution que Cory Doctorow, auteur spécialisé en nouvelles technologies, caractérise éloquemment comme une phase de «merdification» des plateformes numériques, qui recourent à des méthodes toujours plus chronophages, addictives et anesthésiantes pour capter notre attention. «Nombre de ces applications ne sont plus vraiment des applications sociales au sens strict du terme; ce sont des applications qui optimisent le temps d'écran, utilisant tous les moyens possibles pour gagner des secondes et des minutes supplémentaires», relève le journaliste spécialisé en data John Burn-Murdoch.
À ce déclin lié à la dégradation des plateformes, une exception toutefois: l'Amérique du Nord. Là-bas, la consommation des réseaux sociaux, sur lesquels pullulent les discours d'extrême droite, a fortiori depuis le retour en force de Donald Trump et de son ancien acolyte Elon Musk, continue de progresser. En 2024, elle atteignait des niveaux 15% supérieurs à ceux de l'Europe.
Collé à partir de <https://www.slate.fr/tech-internet/reseaux-sociaux-morts-bots-intelligence-artificielle-deepfakes-doomscrolling-plateforme-relation-sociales-jeunes-europe-etats-unis-tendance>