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Dimanche 15 Février 2009

Antilles: Révélations sur l'essence chère

Par Anne-Laure BARRET
Le Journal du Dimanche
>> Depuis cinq ans, le prix des carburants flambe mystérieusement aux Antilles. Un rapport de l'Observatoire des prix de la région Guadeloupe daté du 10 janvier 2009 et rédigé pour le compte du Conseil économique et social de Guadeloupe, que Le Journal du Dimanche s'est procuré, confirme l'opacité du prix de l'essence. De lourds soupçons pèsent à l'encontre de la Sara, qui exerce un monopole de fait aux Antilles.

C'est la mèche qui a allumé le conflit social guadeloupéen. En décembre 2008, alors que le prix du baril de pétrole brut s'effondre, la baisse n'est pas répercutée à la pompe. Tous les Guadeloupéens se mettent alors à soupçonner la Sara (Société anonyme de la raffinerie des Antilles), qui approvisionne l'île en carburant, de s'enrichir sur leur dos en profitant d'un système de monopole. Un rapport de l'Observatoire des prix de la région Guadeloupe daté du 10 janvier 2009 et rédigé pour le compte du Conseil économique et social de Guadeloupe, que nous nous sommes procurés, confirme l'opacité du prix de l'essence.

Le système d'approvisionnement de l'essence aux Antilles. En Guadeloupe, depuis 2003, le prix de l'essence n'est pas libre mais fixé chaque mois par le préfet de région compte tenu de la situation particulière d'approvisionnement de l'île et de l'étroitesse du marché. L'île est ravitaillée en carburants par la Sara, qui exerce un monopole de fait. Implantée en Martinique, cette filiale dont Total est l'actionnaire majoritaire a une capacité de raffinage limitée. Elle importe donc également du pétrole déjà raffiné. La Sara et ses actionnaires ont également le monopole du stockage et de la distribution de l'essence.

Des années de dérapage. Pendant longtemps, le prix a été moins élevé en Guadeloupe qu'en France métropolitaine, mais la situation s'est inversée depuis 2004 pour des raisons qui demeurent floues. Très sévère, l'Observatoire des prix de la région Guadeloupe, voit là un "dérapage" imputé à la Sara, qui lèse le consommateur guadeloupéen et booste ses résultats.

Les soupçons pesant contre la Sara. La Sara n'aurait pas "répercuté la baisse du prix du pétrole brut". Elle aurait augmenté le coût du raffinage d'un tiers depuis l'instauration d'un prix administratif sans qu'une justification industrielle vienne expliquer ces marges opaques. Elle aurait surfacturé du pétrole raffiné acheté sur le marché international au prix du pétrole brut maison. Le coût de la distribution du carburant aurait également augmenté de plus de 20% sans raison.

La Sara aurait facturé le coût de la collecte des huiles usagées alors que ce service ne fonctionne pas. Elle aurait ignoré des normes européennes sur le gazole qui auraient permis à la Guadeloupe d'acheter du carburant moins cher. "On pourrait imaginer que les normes européennes ont été utilisées comme élément protectionniste à forte incidence inflationniste justifiant une raréfaction de la ressource dans la zone caraïbe et donc un niveau élevé des prix alors que nous sommes au coeur d'un énorme bassin pétrolier", relève ainsi le rapport. Du côté de la Sara, on attend les résultats de la mission d'inspection créée en décembre dernier par Yves Jégo pour communiquer. "On opère sur un tout petit marché, dans un contexte bien particulier", précise le secrétaire général de la Sara, André Amougon.

Un Etat négligeant. L'Etat avait-il les moyens d'empêcher ce dérapage? Non, à en croire le document, car les services administratifs, qui travaillent à l'aveugle, sont incapables de dire comment sont fabriqués les prix. "L'encadrement des prix ne contrôle pas les coûts, il les subit et les valide", accuse l'Observatoire des prix. Et le rapport de démontrer la faillite du système de prix encadré du carburant.